En généralisant les expérimentations de télémédecine à l’ensemble du territoire, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 déçoit les hospitaliers qui attendaient un véritable feu vert. Mais il marque un tournant pour le secteur médico-social.
Une avancée à pas comptés, mais une avancée tout de même. C’est le constat qui ressort après la présentation des grandes lignes du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017, le 23 septembre dernier, sur son volet consacré au développement de la télémédecine. Ecartant l’idée d’un financement à l’acte des activités de télémédecine (téléconsultation, télé-expertise, télé-surveillance), pour lequel la fédération hospitalière de France (FHF) avait exercé un vaste lobbying durant tout l’été, le gouvernement a préféré jouer de prudence en prorogeant d’un an les expérimentations en cours. Menées depuis la loi de financement de la sécurité sociale de 2014 au niveau de neuf régions, celles-ci visent « à tester le caractère soutenable des modèles tarifaires [de télémédecine] envisagés ainsi qu’à identifier les difficultés auxquelles se heurterait un éventuel déploiement à grande échelle de ces activités », indique le projet de loi, qui sera officiellement présenté le 5 octobre en conseil des ministres. Toutefois, un cap significatif est franchi. Le périmètre de l’expérimentation sera élargi à l’ensemble du territoire « afin d’accompagner toutes les initiatives » et « les démarches administratives seront allégées afin que les porteurs de projets puissent plus rapidement se lancer ». En outre, les structures requérant un usage de la télémédecine, en particulier les Ehpad, pourront se faire financer les surcoûts qu’elles supportaient jusqu’à présent dans la mise en place du dispositif.
Réaction en demi-teinte de la FHF
Du côté de la FHF, on salue la volonté du gouvernement d’avoir introduit dans un projet de loi de financement des mesures applicables immédiatement. « Mais, à ce stade, nous sommes loin du déverrouillage du modèle économique que nous demandons, réagit David Gruson, délégué général de la FHF. La disposition, telle qu’elle est rédigée dans le PLFSS, ne prend pas suffisamment en compte le contexte territorial nouveau issu des groupements hospitaliers de territoire. C’est pour nous un point clé. La télémédecine doit devenir un vecteur des dynamiques de recomposition de l’offre de soins en s’affranchissant des barrières entre les secteurs sanitaire et médico-social. »
Le lobbying continuera
La FHF promet de continuer à pousser ses propositions auprès des parlementaires en prévision de l’examen prochain du projet de loi à l’Assemblée nationale : inscription d’un principe de tarification à l’acte des activités de télémédecine, comme pour toute activité de soin ; évaluation médico-économique en continu afin de vérifier au fil de l’eau l’adéquation entre tarifs, gains de qualité et d’efficience ; accompagnement des établissements dans la définition du volet télémédecine des projets médicaux des groupements hospitaliers de territoire (GHT) ; affectation d’une partie du plan d’investissement hospitalier de 2 milliards d’euros, annoncé par Marisol Touraine en mai, dans l’équipement en matériel de télémédecine ; enfin, formation des professionnels qui s’engageront dans ces pratiques.
Optimiste, Pierre Simon, ancien président de la société française de télémédecine et responsable de la commission qui a planché sur les propositions de la FHF, estime que la campagne conduite par la fédération a marqué des points. « Les décideurs du ministère semblent avoir pris conscience du problème. Maintenant, il faut voir quelle sera l’ampleur des avancées à l’issu de l’examen du texte. Avec la crainte que l’assurance maladie fasse tout pour geler le dossier face au nombre d’initiatives qui ne manqueront pas d’apparaître sur les territoires. »
Une nouvelle perspective pour le médico-social
Quoi qu’il en soit, ces évolutions marquent un tournant pour le secteur médico-social. Déjà, en juillet dernier, la nouvelle convention médicale signée entre l’assurance maladie et les médecins libéraux est venue organiser le développement du recours à la télémédecine pour le suivi des personnes en Ehpad. Début 2017, un résident pourra ainsi téléconsulter un médecin traitant si sa situation l’exige, de même que les actes de téléconsultation et télé-expertise seront remboursés pour des résidents présentant des plaies chroniques ou une insuffisance cardiaque. Avec le PLFSS 2017, c’est désormais la perspective de bénéficier de l’expertise à distance d’un des 130 groupements hospitaliers de territoire qui s’ouvre aux établissements médico-sociaux.