Dans le plan de lutte contre la pauvreté, tout un volet a trait à la lutte contre l'endettement et pour l'inclusion bancaire. Après l'abandon du projet de fichier positif recensant l'ensemble des crédits par ménage, le gouvernement lance un nouvel outil : les Points conseil budget. Ceux-ci s'appuient grandement sur l'expérience de l'association Crésus.
"Nous sommes les seuls pays avec l'Afghanistan, Cuba et quelques autres à ne pas avoir de fichiers recensant les crédits contractés par les ménages". Jean-Louis Kiehl, le responsable de l'association Crésus, est un peu amer par rapport à cette exception française. Rappelons que l'idée de ce "fichier positif" avait été introduite dans la loi Hamon sur la consommation, mais retoquée par le Conseil constitutionnel en mars 2014 (lire ici la décision des Sages). C'était pourtant un outil précieux pour lutter contre l'accumulation de crédits à la consommation qui fragilise les ménages et les précipite souvent dans les bras du surendettement.
40 millions d'euros ? Trop cher !
Alors il a fallu s'y prendre autrement pour ne pas laisser en jachère l'un des volets importants du plan quinquennal anti-pauvreté, la lutte contre le surendettement. Certes, des petites avancées ont été introduites dans la loi de juillet 2013 sur le système bancaire, comme l'offre bancaire spécifique pour les plus pauvres. Mais bon, cela ne permet pas de s'attaquer aux situations périlleuses sur le plan financier. Le responsable de Crésus raconte qu'un premier groupe de travail avait proposé de créer des points conseil budget sur l'ensemble du territoire, mais que le coût d'un tel dispositif, estimé à 40 millions d'euros, avait enterré l'idée. Finalement, elle est ressortie à la faveur d'une expérimentation sur 2016 dans quatre régions.
Une expérimentation dans quatre régions
De quoi s'agit-il exactement ? En Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes, Ile-de-France, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon et dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, des points conseil budget (PCB) sont agréés et labellisés dans le cadre d'un cahier des charges. Il en existe de deux types. D'une part, les PCB de proximité, dits PCB1, permettent à tout particulier rencontrant des problèmes d'endettement d'y trouver des conseils et un accompagnement pour s'inscrire dans des procédures de surendettement. "Tous les publics y seront reçus, y compris des personnes qui sont en emploi et qui ne sont pas suivies par les services sociaux", précise le dossier de presse ministériel.
D'autre part, des points conseil budget "experts", dits PCB2, sont chargés de négocier avec des créanciers pour trouver des solutions concrètes de désendettement. Ces PCB2 ne sont pas saisis directement par les ménages, mais plutôt par les créanciers - qui veulent sortir de situations inextricables, coûteuses en procédures - voire par les travailleurs sociaux accompagnant des ménages.
Une plate-forme financée par les créanciers
Ce dernier dispositif s'inspire directement d'une plate-forme constituée par Crésus en 2008, en pleine crise financière, et qui emploie aujourd'hui, sur Strasbourg, 24 collaborateurs pour un budget de 1,1 million d'euros. "Cette plate-forme, explique Jean-Louis Kiehl, est entièrement financée par les créanciers (nous sommes en relation avec 43) qui nous versent 211 euros pour accompagner le dossier d'un ménage parfois pendant cinq ans. Et les résultats sont spectaculaires : deux tiers des ménages que nous avons suivis sont désormais dans une situation équilibrée."
"Cela va marcher"
Selon François Soulage, président du comité de sélection des points conseil, 53 PCB1 devraient être agréés d'ici quelques jours. Il se félicite que les bailleurs sociaux, les opérateurs en énergie et téléphonie soient intéressés par cette expérimentation. "Cela va marcher", promet-il. Le grand enjeu de cette première phase qui va courir tout 2016 est, selon lui, de déterminer le nombre de PCB2 nécessaires pour couvrir les besoins et s'autofinancer via les créanciers. Pour les besoins de l'expérimentation, il est prévu de labelliser, outre la plate-forme strasbourgeoise de Crésus, quatre autres structures de type PCB2, gérées par d'autres intervenants, comme le Crédit municipal de Paris.
Aucun financement spécifique
Quant aux points conseil budget de proximité (PCB1), ils ne recevront aucun financement, ni des pouvoirs publics ni des créanciers. Ils devront donc s'appuyer sur leurs propres ressources internes. Cela sera-t-il suffisant si, comme l'espèrent les promoteurs de cette opération, de nombreux ménages en situation difficile se manifestent auprès de ces points conseil ? Tant il est vrai que la clé de la réussite est d'intervenir très tôt pour éviter que la spirale des difficultés ne s'emballe.