Pouvoir d'achat : la concertation entre l'Etat et les partenaires sociaux est ouverte

Pouvoir d'achat : la concertation entre l'Etat et les partenaires sociaux est ouverte

10.12.2018

Représentants du personnel

La solution à la crise des "gilets jaunes" peut-elle venir de la démocratie sociale ? Syndicats et patronat ont été reçu vendredi matin au ministère du Travail pour le lancement de plusieurs semaines de concertations avec le gouvernement sur le pouvoir d'achat, les transports, le logement, la fiscalité et les services publics. Pour répondre à l'urgence, le versement d'une prime de 1 000 euros défiscalisée et exonérée de charges sociales se dessine.

Vendredi matin, pas moins de cinq ministres et une secrétaire d'Etat ont reçu les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT qui a décliné l'invitation de l'Exécutif, au ministère du Travail. L'objectif : marquer l'ouverture de plusieurs semaines de concertations pour améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs et enfin sortir de la crise des "gilets jaunes".

Le gouvernement, chantre de la démocratie sociale

Après un peu plus de deux heures de réunion avec les syndicats et le patronat, Muriel Pénicaud est apparue devant la presse avec un large sourire : "Ce matin, chaque syndicat a mis sur la table ses propositions pour les concertations à venir. Il ressort très clairement cinq thèmes à aborder : le pouvoir d'achat, les transports, le logement, la fiscalité et les services publics. Nous allons travailler ensemble et rechercher les solutions concrètes ensemble, affirme la ministre du Travail. C'est ce que demandent nos concitoyens".

Cette volonté soudaine du gouvernement de renouer le dialogue social au niveau national, en cette période de crise politique majeure, n'a pas manqué d'être soulignée par les syndicats. "Il était temps !, ironise Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière. Nous prenons acte de l'annulation de la hausse sur les taxes, mais il faut s'assurer que cela produise des résultats". "L'Exécutif paie aujourd'hui 18 mois de politique sociale injuste et de négation des corps intermédiaires, commente Luc Bérille, secrétaire général de l'UNSA. J'espère que le gouvernement comprend enfin qu'il faut co-construire les règles dans la transparence".

La CFDT prône quand à elle un nouveau départ : "Je souhaite que cette première réunion au ministère du Travail, dans la salle des accords de Grenelle, soit celle du lancement d'un "Grenelle du pouvoir de vivre", déclare Laurent Berger. C'est pourquoi nous avons demandé que l'Etat s'engage à une obligation de résultat pour trouver une solution à la crise actuelle. Nous demandons plus de justice fiscale, à travers une contribution plus forte des plus riches, un encadrement du coût des loyers, sans oublier la promotion de la transition écologique. L'Etat et les entreprises ne pourront pas s'exonérer de leurs responsabilités", met en garde le secrétaire général.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Vers une suspension des négociations sur l'assurance chômage

Cette phase de concertations tripartites qui s'ouvre pourrait bien provoquer la suspension de la négociation en cours sur la nouvelle convention d'assurance chômage. "Une pause dans la négociation sur l'assurance chômage est nécessaire, défend Philippe Louis, président de la CFTC. Il faut d'abord retrouver de la sérénité, et ne pas agir sous la pression". Une position relayée par Gérard Mardiné, secrétaire national de la CFE-CGC : "Au rythme de deux réunions par semaine avec le gouvernement, il va être difficile de continuer à négocier d'autres sujets en parallèle cet hiver. Honnêtement, l'actuelle convention d'assurance chômage peut bien continuer à s'appliquer pendant quelques mois, le temps de régler la crise des "gilets jaunes". Cette question devrait être réglée la semaine prochaine, mais au regard du contexte social les syndicats apparaissent en position de force pour imposer leur agenda.

Une prime pour tous de 1 000 euros d'ici Noël ?
Pour une réponse immédiate aux revendications des "gilets jaunes" sur le pouvoir d'achat, le gouvernement et les partenaires sociaux ont évoqué le versement par les entreprises d'une prime de 1 000 euros, défiscalisée et exonérée de charges et cotisation sociales. "L'idée d'une prime exceptionnelle fera effectivement partie des chantiers de la concertation, mais il faut y associer les partenaires sociaux et associatifs", confirme la ministre du Travail. "Une prime de 1 000 euros pour tous les salariés, versée dans les semaines à venir, peut apaiser les tensions", confirme Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière.
Le patronat approuve l'idée, mais à la condition que les employeurs gardent entièrement la main sur l'opportunité de distribuer une telle prime : "Il n'est pas question que l'Etat se défausse sur les entreprises et augmente les charges patronales, prévient Jean-Eudes Du Mesnil, secrétaire général de la CPME. Nous sommes favorables au versement volontaire d'une prime, c'est-à-dire qui ne serait pas imposée aux employeurs. Lorsque l'on sait que le secteur de la bijouterie réalise 50% de son chiffre d'affaires annuel en décembre, il faut que les choses rentrent dans l'ordre !" Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, défend quant à lui une réflexion sur le financement des frais de déplacement au travail : "Mais s'agissant des négociations sur les salaires, nous ne pouvons pas faire plus, soutient-il. Les augmentations sont décidées entreprise par entreprise, au regard de leurs possibilités. Le premier chiffre dont nous disposons, les mobilisations des "gilets jaunes" c'est déjà 10 milliards d'euros de perte pour les entreprises. Il y a donc urgence à sortir de cette crise". 
Sécuriser durablement le pouvoir d'achat des travailleurs
Au-delà de cette réponse d'urgence que pourrait être cette prime de 1 000 euros, Laurent Berger demande un large débat sur le pouvoir d'achat : "Nous ne sommes pas opposés à une prime exceptionnelle, mais ce n'est qu'une solution "one shot", relativise le secrétaire général de la CFDT. Le vrai sujet, ce sont les salaires. Pour avancer il faut développer une nouvelle vision de notre société". La revendication est identique du côté du syndicat des cadres : "Nous demandons au gouvernement des mesures structurelles pour sortir durablement de cette situation de crise, ajoute Gérard Mardiné, secrétaire national de la CFE-CGC. Il faut sécuriser la hausse du pouvoir d'achat et convenir d'un meilleur circuit de répartition des richesses produites par les entreprises à travers des directives claires à intégrer au projet de loi Pacte". Pour FO, la solution est évidente : "Pour redonner du pouvoir d'achat, il faut agir sur le niveau du Smic et du point d'indice de la fonction publique. On ne peut pas accepter la suppression de l'impôt sur la fortune au profit des plus riche, et l'absence de tout coup de pouce aux plus bas salaires", assure Yves Veyrier.
Le gouvernement et les partenaires sociaux se reverront dès mardi à 11h30 pour arrêter le calendrier et la méthode de travail pour ces concertations.
Julien François
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