Présidentielle : l'ESS est-elle en marche ?

Présidentielle : l'ESS est-elle en marche ?

04.05.2017

Action sociale

C'est la première élection présidentielle où l'économie sociale et solidaire a vraiment droit de cité. Jusque-là, elle était portée par des candidats minoritaires et était réduite à la portion congrue. Cette fois-ci, le favori de la présidentielle Emmanuel Macron lui fait une place de choix. Les explications de Christophe Itier, en charge du projet ESS au sein d'En Marche !

Sur le site d'Emmanuel Macron, l'ESS est en bonne place, dans son programme, coincée entre l'éducation, la défense et l'emploi. Pas un paragraphe très général, mais 4-5 pages où les propositions sont légion et organisées autour de quatre objectifs. Il faut dire que, dans son opération de renouvellement de la politique et de "libération des énergies", le candidat d'En Marche ! a habilement recruté les têtes de pont de l'ESS. Pour le volet emploi et insertion, il a débauché, comme déléguée nationale, la figure respectée de Catherine Barbaroux, ancien présidente de l'Adie et ex-DGEFP. Pour le volet social et médico-social, Emmanuel Macron s'est entouré également de Jean-Marc Borello, le patron de l'empire SOS qui suscite dans le milieu un sentiment mêlé d'admiration (devant la réussite de son groupe) et d'énervement (face à des méthodes jugées parfois cavalières dans la reprise des associations).

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L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Dans le rôle de fantassins, le candidat peut compter pour le volet du handicap sur les compétences de Marie-Sophie Desaulle, ancienne directrice d'ARS, et celles de Marie-Anne Montchamp, ex-secrétaire d'Etat de Jean-Pierre Raffarin et de Nicolas Sarkozy. Pour les questions stricto sensu de l'ESS, c'est Christophe Itier qui est aux manettes. L'actuel directeur général de la Sauvegarde du Nord est un personnage important dans le secteur, mais controversé : son engagement pour les contrats à impact social lui est souvent reproché. L'ancien patron du Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves) explique ici les grandes lignes du programme de Macron en la matière (1).

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

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tsa : Quelle a été la méthode qui a présidé à la rédaction du projet ESS ?

Christophe Itier : J'ai été chargé de piloter et de coordonner la réflexion qui a été longue. La commission ESS a procédé à une cinquantaine d'auditions de personnalités de divers horizons.

 

Et quelles priorités retenez-vous ?

C. I. : Il faut d'abord libérer l'énergie des entreprises de l'ESS. Il faut en finir avec ces réformes comme celles du CICE qui oublient l'impact de ce secteur de l'économie qui pèse plus de 10 % de notre richesse nationale (le PIB). L’environnement fiscal et réglementaire ne permet pas aux entreprises de développer toutes leurs potentialités. Les entreprises de l'ESS doivent désormais avoir accès à tous les dispositifs de droit commun. Nous proposons également de doper la part de l'insertion et des entreprises agrées Esus (2) dans la commande publique.

 

Vous souhaitez également la création de joint-ventures sociales. Késako ?

C. I. : Nous pensons qu'il faut favoriser des collaborations entre les associations et les entreprises dont les apports peuvent être complémentaires. C’est un levier puissant de développement pour l’insertion professionnelle, l’inclusion numérique et l’économie circulaire.

 

Vous ne voudriez pas faire entrer le loup dans la bergerie, un peu comme avec les contrats à impact social dont vous êtes un partisan (3) ?

C. I. : Contrairement à ce que j'ai pu lire ou entendre ici ou là, je ne suis pas un militant de ces contrats ; je milite simplement pour l'expérimentation. Si on reste dans le modèle traditionnel de l'ESS, celle-ci n'arrivera pas à décoller. Et moi, je souhaite que ce modèle décolle réellement. Pour les joint-ventures, nous prévoyons que la majorité du pouvoir revienne à l'association pour garantir sa dimension non-lucrative.

 

Vous insistez également beaucoup sur le développement de la philanthropie. Pourquoi ?

C. I. : En France, nous pensons généralement que l'intérêt général passe par l'Etat, alors que la philanthropie peut être une réponse dans un contexte de rigueur budgétaire. Nous proposons ainsi de changer les règles pour les petites entreprises qui actuellement ne peuvent donner au-delà de 0,5 euro pour 1000 euros de chiffre d'affaires. Il faut, par ailleurs, stabiliser les conditions d'exonération fiscale pour les dons (la règle des 66 %) comme certains ont voulu le faire pendant le quinquennat.

 

Et les associations ?

C. I. : Nous n'oublions pas qu'elles représentent 80 % de l'emploi dans le secteur médico-social. Nous proposons d'appliquer des règles du droit commun : par exemple, les subventions devraient être versées dans un délai normal, autour de 60 jours, comme l'Etat le fait avec les entreprises. L'excédent budgétaire ne devrait plus être repris par les administrations : il faut donner davantage d'autonomie aux associations.

 

Vous parlez également d'un accélérateur d'innovation sociale...

C. I. : Notre savoir-faire en matière d'innovation sociale est reconnu partout dans le monde. Il faut lui donner plus d'ampleur en investissant un milliard d'euros sur 5 ans sur ce volet. Très concrètement, ce dispositif devra repérer et soutenir l’incubation des projets innovants, et permettre après leur évaluation, un essaimage à l’échelle nationale

 

Sur le plan de l'organisation politique et administrative, faut-il un ministère (ou un secrétariat d'Etat) de l'ESS ?

C. I. : Je ne vous répondrai pas car je ne connais pas le projet d'Emmanuel Macron en la matière. Mon avis est qu'il faut privilégier la dimension interministérielle en conformité avec notre projet pour l'ESS.

 

Et quel est l'avenir politique de Christophe Itier ?

C.I.: Je suis candidat à l'investiture d'En Marche ! dans la première circonscription du Nord détenue actuellement par le socialiste Bernard Roman [qui ne se représente pas, NDLR]. C'est tout.

 

(1) Nous l'avions interrogé en 2016 au titre de Sowo, un club de dirigeants du travail social du Nord-Pas de Calais.

(2) Entreprise solidaire d’utilité sociale (créée par la loi Hamon)

(3) Dans le programme de Macron, il est écrit : "Poursuivre le déploiement de contrats à impact social (CIS) pour financer, grâce à des partenaires privés, des expérimentations de programmes sociaux de prévention innovants".

Noël Bouttier
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