Comment améliorer les choses à cadre législatif constant, qu’il s’agisse d’apprentissage, de freins à l’emploi ou de transition écologique ? En faisant discuter les acteurs de terrain dans les territoires, répond le gouvernement qui revendique une "nouvelle méthode".
Pourquoi réunir début mai à Matignon une trentaine d’organisations syndicales et patronales, des élus des territoires ainsi que des associations et ONG ? S’agit-il de renouer avec l’esprit des conférences sociales du quinquennat de François Hollande, lors desquelles l’Etat définissait avec les partenaires sociaux un programme de travail et de réformes, y compris sur le plan législatif ? Pas vraiment. Si le Premier ministre a déclaré hier : "La réunion de ce matin inaugure une nouvelle méthode", il n’est pour autant pas question d’envisager de nouvelles mesures législatives, mais plutôt de demander à l’ensemble de ces acteurs de travailler, dans chaque région, à élaborer des solutions pratiques. Des solutions "concrètes et territorialisées" selon les mots du Premier ministre, pour lever des freins à l’emploi, à l’apprentissage, pour répondre au défi de la transition énergétique et climatique, notamment au travers d’un grand plan de rénovation thermique comme le réclamait la CFDT, pour plancher aussi sur un "pacte productif" (*).
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Une première réunion d’étape aura lieu début juin avant qu’une seconde réunion, prévue en septembre, n’accouche de solutions. "La loi Avenir professionnel a réformé le cadre de l’apprentissage, et nous voyons déjà ses effets avec une augmentation des demandes de l’ordre de 8% par rapport à l’an dernier. Mais des questions, comme celles touchant à la mobilité des apprentis et à leur logement, constituent des angles morts des politiques publiques, que nous pouvons aborder par un dialogue entre les différents acteurs concernés", argumente Edouard Philippe.

Nouvelle méthode ? Michel Beaugas, de FO, en doute. "On nous a déjà demandé il y a deux ans nos idées en matière d’apprentissage. Pourquoi recommencer ? A-t-on été entendu ?" s’agace le secrétaire national de FO. Pour ce dernier, une partie des problèmes évoqués hier trouveraient leur solution avec une augmentation des salaires et du pouvoir d’achat, que ce soit pour les apprentis, les fonctionnaires et les salariés : "Cela lèverait un certain nombre de freins, pour pouvoir se loger, par exemple". FO revendique donc toujours une hausse des salaires ainsi qu’une prime mobilité obligatoire : "Sur cette prime, les arbitrages ne sont pas faits. Nous ignorons si elle sera obligatoire, si elle sera renvoyée à la négociation entre partenaires sociaux, si même elle ne sera pas territorialisée, c’est-à-dire différente selon les régions, ce que nous refusons".

Cette prime mobilité, également revendiquée par la CFDT qui a jugé par la voix de Laurent Berger les réactions à ce sujet des organisations patronales "grotesques", ni la CPME ni le MEDEF n’en veulent si l’Etat l’impose. "Si demain on voulait rendre obligatoire une prime transport, vous allez donner une prime à l’éloignement des salariés de leur lieu de travail", affirme François Asselin, de la CPME, qui juge au contraire intéressante la piste d’une prime facultative dans un cadre "sécurisé" par l’Etat.
Le changement de méthode du gouvernement, Geoffroy Roux de Bézieux, du Medef, veut y croire, sans enthousiasme excessif cependant : "Aujourd’hui, c’était une grande messe. Mais si c’est le coup d’envoi de réunions opérationnelles dans les régions, très bien". Il faut dire que les niches fiscales des entreprises, auxquelles l’Exécutif a promis de s’attaquer, n’étaient pas au menu des discussions. Sur ce point, le dirigeant du Medef a d’ailleurs prévenu : "Le crédit d’impôt recherche est indispensable, le remettre en cause serait pour nous une ligne rouge" (ndlr : Edouard Philippe a déjà exclu lundi dernier toute remise en cause du crédit d'impôt recherche).

Changement de méthode ? "Si le gouvernement veut relancer une phase de concertation avec les acteurs de la démocratie, ce peut être un point de départ pour travailler autrement avec les corps intermédiaires", juge un François Hommeril (CFE-CGC) visiblement sur ses gardes, peu convaincu des effets d’un dialogue « avec 35 intervenants ». Laurent Escure, le nouveau secrétaire général de l’UNSA, parle lui d’un "bon début" : "Nous allons pouvoir nous exprimer, y compris sur les questions sociales. Il faudra faire la démonstration que ces discussions servent à quelque chose pour les salariés". C’est bien aussi la stratégie de Laurent Berger, qui entend profiter de cette ouverture de l’Exécutif "pour mettre un pied dans la porte afin de porter nos sujets". S’il juge le choix des sujets et le cadre proposé "trop restreint", et s’il prévient qu’il ne modifiera pas ses critiques sur les choix de l’Exécutif en matière, par exemple, d’indemnisation du chômage, le secrétaire général de la CFDT juge qu’il faut parier sur ces prochaines "conférences territoriales".
Pour résumer, disons qu’il s’agissait hier d’une réunion très politique de l’Exécutif, fragilisé par le mouvement persistant des gilets jaunes, afin de convaincre les élus locaux mais aussi le monde associatif environnemental, les représentants des chambres consulaires et les partenaires sociaux de sa bonne volonté de les associer sinon à l’élaboration de la politique de l’Exécutif, du moins à sa mise en œuvre. En juillet 2018, l’Elysée avait déjà promis aux partenaires sociaux de davantage les écouter, sans que cela ne soit réellement suivi d’effet. A suivre...
(*) Solidaires et la CGT ont choisi hier de refuser de se rendre à l'invitation de Matignon.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.