A priori, la journée de mobilisation contre le projet de loi El Khomri, dont ce sera le premier test en grandeur nature, et la grève des cheminots prévue ce mercredi contre un projet de décret sur le secteur ferroviaire ne sont pas liées. Pourtant, dans les deux cas, c'est la façon de construire les droits des salariés par la négociation collective qui est en jeu. Analyse.
Les syndicats et organisations (CGT, FO, SUD, FSU, etc.) qui appellent à une mobilisation aujourd'hui contre l'avant projet de loi Travail publient sur internet une carte montrant l'emplacement des 232 manifestations et rassemblements prévus dans toute la France. Cette journée sera un premier test grandeur nature pour connaître les capacités de mobilisation syndicale, l'attitude des jeunes (lycéens et étudiants) et l'opinion des salariés sur le projet, alors que la pétition "Loi Travail, non merci" a recueilli plus d'un million de signatures sur le net.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Ces mobilisations, qui devraient toucher les services publics (éducation nationale, mairies, etc.) et certaines entreprises privées (comme dans le commerce), vont toutefois interférer avec deux mouvements sociaux catégoriels (SNCF et RATP), ce qui compliquera sans doute le sens qu'on pourra donner à ces mouvements sociaux.
La grève unitaire des syndicats représentatifs de cheminots (CGT, UNSA, SUD, CFDT) s'explique par leur volonté de défendre l'ouverture immédiate de négociations salariales (prévues pour l'instant seulement au deuxième semestre), l'emploi et, surtout, les conditions de travail des salariés. Il faut dire que le gouvernement, suite à la réforme ferroviaire de 2014, prépare un "décret socle". Ce texte, qui pourrait être publié d'ici 15 jours, fixera les règles minimales communes à tous les salariés du ferroviaire (de la SNCF comme des entreprises privées), socle à partir duquel doit être négociée une nouvelle convention collective. Les discussions sur cette nouvelle convention ont commencé l'an dernier et sont censées aboutir en juin prochain, un calendrier jugé irréaliste par les syndicats.

Une première version du projet de décret fixe un nombre de jours de repos très inférieur à celui dont bénéficient les personnels de la SNCF, dénonce par exemple sur son site le syndicat SUD. "Le projet de décret n'est pas à la hauteur", estime également la CFDT sur son site en appelant elle-aussi les cheminots à la grève ce mercredi. "On est très loin du compte", renchérit Marc Baucher de l'Unsa. Ce syndicat (23% des voix à la SNCF) s'attend donc à une forte mobilisation des personnels. "Si on commence par avoir un socle minimal, c'est de mauvaise augure pour les deux autres étages à bâtir à partir de ce socle, la convention collective et les accords d'entreprise. Certaines entreprises risquent de jouer le dumping social dans la branche", craint Marc Baucher.
Il y a donc là une mobilisation bien distincte de celle opposée au projet de loi Travail. Toutefois, il y a bien un point commun : le projet de loi Travail vise, tout comme dans le ferroviaire, à définir par la loi un socle minimal de droits pour les salariés, les dispositions supplétives s'appliquant en l'absence d'accord collectif. La place grandissante donnée à la négociation collective dans la construction des droits des salariés est d'ailleurs l'enjeu essentiel, qui passe parfois au second plan dans les débats actuels, de la réforme proposée par le gouvernement. Marc Baucher juge cependant ce rapprochement un peu hâtif : "Notre situation est particulière et dépend de la loi ferroviaire de 2014. D'autre part, les cheminots ne suivent pas forcément de près les débats sur le projet de loi El Khomri. Mais il est vrai que ce projet peut concerner à terme tous les salariés. Il n'est pas exclu que des cheminots rejoignent le mouvement contre le projet et que cela puisse faire boule de neige".
Le contexte est encore différent à la RATP : la CGT et SUD appellent les agents à la grève à deux jours de l'ouverture, le vendredi 11 mars, des négociations salariales de l'entreprise (*). Dans son préavis de grève, la CGT réclame "une mesure immédiate de 300€ pour tous et l'augmentation de la valeur du point de 3% pendant 6 ans". Le rapport entre ces revendications et le projet de loi Travail paraît pour le moins éloigné. D'autres mobilisations, visant cette fois spécifiquement le gouvernement et le projet de loi Travail, devraient suivre :
- le samedi 12 mars pour les syndicats dits réformistes (CFDT, CFTC, UNSA, etc.) qui veulent appuyer leurs demandes de modifications du projet El Khomri;
- le jeudi 31 mars avec un appel à la grève de CGT, FO, SUD et FSU qui réclament eux le retrait du projet.
(*) La RATP a enregistré en 2015 un résultat d'exploitation positif, de même que la SNCF (377 millions d'euros). Mais la société nationale des chemins de fer, dont la loi a réorganisé en 2014 la composition juridique entre activités, a décidé de déprécier la valeur de ses actifs (valeur des rames TGV, immobilier de SNCF Réseau, etc.) de 12 milliards d'euros pour 2015, un élément qui va peser dans les négociations entre l'Etat, la direction de la SNCF et les partenaires sociaux.
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