L'Assemblée nationale va entamer le 5 juillet l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi Travail. Le gouvernement va amender l'article 13 en espérant trouver la formule magique pour concilier l'assouplissement accordé par accord d'entreprise en matière de temps de travail avec un renforcement du rôle des branches. Comment ? En ajoutant deux thèmes (pénibilité et égalité professionnelle) auxquels les accords d'entreprise ne pourront pas déroger dans un sens défavorable. Suffisant pour calmer les opposants et les frondeurs ? Pas sûr !
Au lendemain d'une dixième journée de mobilisation CGT, FO, FSU et SUD contre le projet de loi Travail, le Premier ministre et la ministre du Travail ont commencé hier à recevoir à Matignon les partenaires sociaux représentatifs, en l'occurrence la CFTC, la CFDT, la CGT et FO. Aujourd'hui, ce sera le tour de la CEF-CGC, du Medef, de la CGPME et de l'UPA. Ces échanges se borneront-ils à faire le tour des désaccords persistants ou seront-ils l'occasion pour le gouvernement de revoir son texte pour espérer en finir avec la contestation en faisant adopter son projet sans recourir, comme en première lecture, au 49.3 ? Il y a urgence en tout cas, l'Assemblée débutant sa nouvelle lecture le mardi 5 juillet. La martingale, si martingale il doit y avoir, se trouve sans doute dans la question liée à l'articulation entre les accords d'entreprise, que le projet entend faire primer sur la branche en matière de temps de travail (article 2), et les accords de branche. Le gouvernement ne semble pour l'instant pas du tout décidé à modifier l'article 2. En revanche, il va introduire deux amendements pour modifier l'article 13, ainsi rédigés :
Premier amendement du gouvernement à l'article 13 :
"Les organisations syndicales et professionnelles représentatives dans les branches professionnelles engagent avant le 31 décembre 2017 une négociation portant sur la définition de l'ordre public conventionnel applicable dans leur branche. Cette négociation vise notamment à déterminer pour chaque branche les thèmes sur lesquels les accords d'entreprise ne peuvent être moins favorables que les accords conclus au niveau de la branche, à l'exclusion des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de l'accord d'entreprise. Elle porte également sur les modalités selon lesquelles la commission paritaire de branche prévue à l'article L.2232-9 du code du travail est tenue informée régulièrement des accords conclus au niveau des entreprises relevant de son champ. L'absence d'engagement des négociations dans le délai fixé (..) est au nombre des critères que le ministre chargé du travail prend en compte pour décider d'engager la procédure de fusion (..) D'ici le 30 juin 2018, chaque branche établit un rapport sur l'état des négociations (..) et le transmet à la commission mentionnée à l'article 1er de la présente loi, à la commission nationale chargée de la négociation collectie et au haut conseil du dialogue social". Deuxième amendement du gouvernement à l'article 13 : Compléter l'alinea 2 par les mots suivants : "notamment en concluant des accords en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires (..), de mutualisation des fonds de la formation professionnelle, de prévention de pénibilité (..), d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (..) Compléter l'article par un alinéa ainsi rédigé : A l'article L2253-3 du code du travail, les mots "et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle" sont remplacés par les mots "de prévention de la pénibilité (..), d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (..) et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle". |
Par ailleurs, le gouvernement va introduire un autre amendement sur l'article 1er précisant que la commission chargée de réécrire le code du travail "associe à ses travaux les organisations professionnelles d'employeurs (..) et les organisations syndicales de salariés représentatives (..) à travers des auditions et en s'appuyant sur les travaux du haut conseil du dialogue social", ce dernier bénéficiant du concours de l'Etat en matière d'expertise juridique.
Que penser des changements sur l'article 13 ? Il s'agirait de permettre aux branches de définir leur ordre conventionnel, c'est à dire l'ensemble des règles auxquelles un accord d'entreprise ne peut pas déroger, comme le suggérait la CFDT dans ses propositions (lire notre pièce jointe). Dans une interview au Monde parue juste avant les rencontres avec les partenaires sociaux, la ministre du Travail a annoncé que les accords d'entreprise ne pourront pas déroger, dans un sens défavorable, aux normes fixées par la branche dans six domaines : les classifications, le salaire minimal, la formation professionnelle, la prévoyance, la pénibilité et l'égalité professionnelle. C'est du reste ce que proposait Jean-Denis Combrexelle dans son rapport : "Certaines stipulations des accords de branche peuvent, de par la volonté des négociateurs, relever de l'ordre public conventionnel. Il devrait alors être indiqué explicitement que ces stipulations revêtent un caractère impératif s'imposant aux accords d'entreprise", écrivait dans son rapport l'ancien DGT.
Le problème, c'est qu'à l'exception de deux domaines (pénibilité, où les branches devront effectivement négocier les référentiels, et égalité professionnelle), c'est déjà le cas actuellement ! En matière de classifications, de salaire minimal, de protection sociale complémentaire et de formation professionnelle, les règles prévues par la branche sont déjà impératives et les entreprises ne peuvent donc pas y déroger dans un sens défavorable. Dans les autres domaines, les règles de la branche ne sont actuellement impératives que si la branche le prévoit expressément.
Autrement dit, si le gouvernement allait dans cette voie, cela signifierait...bien peu de changements en pratique. Ce serait surtout un affichage destiné à rassurer ceux qui sont inquiets d'un possible dumping social généralisé. Le président de la CFTC, Philippe Louis, en a d'ailleurs convenu hier en sortant de Matignon : "Pour les branches, cela ne change rien par rapport à la situation actuelle mais cela peut être de nature à rassurer pour trouver une porte de sortie". Laurent Berger, de la CFDT, a espéré pour sa part que ces précisions permettraient de "sortir d'un débat hystérisé" en vérifiant que "la branche demeure un élément important de l'ordre social en France".
Jean-Claude Mailly a qualifié "d'avancée" la réécriture de l'article 13 dans le sens où ces précisions semblent écarter, à ses yeux, pour l'avenir une généralisation, au-delà du temps de travail, de la primauté des accords d'entreprise. Mais le secrétaire général de FO, qui réfute l'idée "une sortie par le haut", a lancé : "Il y a encore du pain sur la planche puisque rien ne change sur l'article 2. Nous avons toujours des désaccords de fond. Qu'est-ce que le gouvernement a à gagner d'une baisse de la rémunération des heures supplémentaires des salariés ?"
Philippe Martinez, de la CGT, a réagi de façon plus négative encore en déplorant que les arguments sur les risques de dumping social ne soient pas entendus par le gouvernement: "Quand on entre dans le bureau du Premier ministre, il n'y a pas de dialogue. Il nous répète qu'il ne changera rien". Et le secrétaire général de la CGT de confirmer la nouvelle journée de mobilisation du mardi 5 juillet dont les modalités seront définies ce matin en intersyndicale, Jean-Claude Mailly ayant toutefois estimé hier qu'il devenait "difficile de manifester sur Paris".
La solution politique envisagée par le gouvernement ne règle donc pas le différend sur l'article 2. Cet article introduit de nouveaux assouplissements par accord d'entreprise, lequel pourra déroger à la branche sur le temps de travail (fixation du taux de majoration des heures supplémentaires et dispositif d'aménagement du temps de travail supérieure à l'année). Dans une brève intervention devant la presse hier soir, Manuel Valls a justifié ce choix par le souci de ne pas faire prévaloir la branche dans les domaines, comme l'organisation du temps de travail, où l'accord d'entreprise offre la meilleure souplesse d'adaptation, "par exemple lorsqu'une entreprise a un accroissement d'activité".
Malgré la volonté du Premier ministre de se montrer "à l'écoute" en levant les malentendus" car "les branches continueront de réguler et de veiller à ce qu'il n'y ait pas de dumping social", on peut cependant douter que les divisions de la majorité parlementaire soient terminées. L'un des députés frondeurs, Pascal Cherki, a confié hier soir à l'AFP qu'il regrettait que les nouvelles propositions du gouvernement ne concernent pas l'article 2 sur le temps de travail.
Pour la CFDT, c'est aux signataires d'un accord de dire si le texte doit être rendu public |
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La version du projet de loi Travail, adoptée en première lecture par les députés, prévoit dans son article 7 que les accords d'entreprise et d'entreprise soient rendus publics et versés dans une base de données nationale et gratuite, disponible en ligne, ce qui semble logique à partir du moment où l'on veut diffuser une culture de la négociation collective. Toutefois, nuance le texte adopté par l'Assemblée grâce au 49.3, "tout signataire peut s'opposer à la publication d'un accord s'il estime que la diffusion de celui-ci serait préjudiciable à l'entreprise", le détail de ces dispositions devant faire l'objet d'un décret. Le Sénat a lui aussi mis une restriction au principe de publicité des accords, mais formulée différemment : "La convention ou l'accord détermine les conditions et les délais dans lesquels un signataire peut s'opposer à sa publication s'il estime qu'elle serait préjudiciable à l'entreprise. Cette opposition est notifiée aux autres signataires et à l'autorité administrative compétente pour le dépôt de l'accord (..)". Cette formulation se rapproche de celle souhaitée par la CFDT, qui est encore différente. Cette confédération voudrait en effet que la question de la publicité de l'accord soit traitée dans l'accord lui-même :"Il faut que le degré de publicité soit déterminé par les signataires", explique la CFDT, et donc pas seulement par le seul employeur. On voit donc que cette question liée à la transparence des résultats de la négociation collective est sensible. A suivre... |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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