Prud'hommes : en départage, un jugement décide d'appliquer le barème sur le licenciement

Prud'hommes : en départage, un jugement décide d'appliquer le barème sur le licenciement

21.01.2019

Représentants du personnel

Pour la première fois à notre connaissance, un conseil des prud'hommes statuant en départage, c'est-à-dire sous la présidence d'un juge professionnel, décide d'appliquer le barème fixant les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les prud'hommes de Caen s'appuient pour cela sur la décision du Conseil constitutionnel.

Le conseil des prud'hommes de Caen, dans un jugement daté du 18 décembre 2018, le conseil statuant en bureau de départage, décide que le barème fixant les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être appliqué (lire en pièce jointe). Le jugement s'appuie sur la décision du Conseil constitutionnel du 20 mars 2018 dans laquelle le juge constitutionnel considérait que le législateur, "en renforçant la prévisibilité des conséquences qui s'attachent à la rupture du contrat de travail, avait poursuivi un objectif d'intérêt général, et que les maximums prévus n'instituaient pas de restrictions disproportionnées par rapport à cet objectif". L'indemnisation prévue par le barème répondait bien selon le Conseil, souligne le jugement prud'homal, à l'exigence de "réparation adéquate" en cas de licenciement injustifiée, une exigence prévue par la charte sociale européenne ainsi que par l'article 10 de la convention numéro 158 de l'organisation internationale du travail (OIT). C'est aussi l'interprétation qu'avaient retenu les prud'hommes du Mans dans une autre affaire.

Résistance de certains juges non professionnels

C'est au contraire en s'appuyant sur cette exigence de "réparation adéquate" que certains conseils de prud'hommes, comme ceux de Troyes, Amiens et Lyon, avaient écarté l'application du barème instauré par la loi. Les prud'hommes de Troyes ont ainsi jugé que le plafonnement instauré par les ordonnances ne permet pas d'apprécier les situations individuelles des salariés et donc de réparer le préjudice subi d'une part et, d'autre part, que ce plafonnement ne dissuade pas les employeurs de licencier sans raison.

Ces jugements, fait notable, ont été pris par des formations paritaires comprenant un nombre égal de conseillers salariés et patronaux, ce qui semble marquer une forme de résistance de la part des juges non professionnels dans l'application du barème et leur réaffirmation de leur volonté d'exercer librement leur pouvoir de juger (lire l'interview de l'avocate Isabelle Taraud).

D'autres démonstrations à venir ?

Ce jugement  caennais pris en départage ne va cependant pas mettre fin à ce débat. D'abord parce que d'autres conseils auront sans doute à se prononcer sur le sujet, avant que ces affaires ne soient tranchés en appel puis en cassation. Ensuite, parce que la décision des juges caennais, si elle s'appuie sur l'appréciation du Conseil constitutionnel, ne ferme pas complètement la porte à une autre appréciation : le jugement est en effet pris au regard des éléments décidés par le juge constitutionnel mais aussi en "l'absence de démonstration de l'existence d'un préjudice dont la réparation adéquate serait manifestement rendue impossible par l'application du plafond du barème susmentionné".

 

Licenciement sans cause réelle et sérieuse, moins de 2 ans d'ancienneté :

1 500 euros de dommages et intérêts

L'affaire portée devant les prud'hommes caennais concerne le licenciement, le 31 octobre 2017, d'une agent de service de 51 ans ayant moins de deux d'ancienneté. A la suite d'un accident du travail en février 2017, la salariée avait été déclarée inapte et apte à un autre poste "sous réserve d'importantes restrictions". La salariée demandait la reconnaissance de son licenciement sans cause réelle, un rattrapage de salaire et la requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps complet. Le juge départiteur lui donne en partie raison : il refuse la requalification du contrat mais prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail et décide d'appliquer le barème instauré par les ordonnances, qui s'applique pour les licenciements intervenus depuis le 21 septembre 2017. Le juge n'attribue donc à la salariée licenciée qu'une indemnité de 1 500 euros ainsi qu'environ 1 700 euros pour des rappels de salaire et indemnités de préavis.

 

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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