Quand les dons baissent, les associations souffrent

Quand les dons baissent, les associations souffrent

15.01.2019

Action sociale

En 2018, trois décisions politico-économiques (suppression de l'ISF, hausse de la CSG et prélèvement à la source) ont fortement impacté le volume des dons récoltés par les grandes associations reconnues d'utilité publique. Quels impacts sur le Secours catholique, la Fondation Abbé-Pierre, les petits frères des Pauvres, ATD Quart Monde et APF France handicap ?

Depuis le début de l'ère Macron, les associations ne sont pas à la fête. La quasi suppression des emplois aidés dès 2017 avait conduit à des réorganisations internes, et parfois à des diminutions de voilure. En 2018, l'alerte est venue du côté de la collecte des dons avec un ralentissement, voire une réduction de ceux-ci. A l'heure du bilan de l'année écoulée, les grosses associations vivant (en partie) de la générosité publique font leurs comptes. Et ils ne sont pas bons. Alors même que les besoins en matière de solidarité sont loin d'être en recul...

150 millions d'euros en moins

Selon l'organisation France générosités à laquelle adhèrent la majorité des associations, 54 % de baisse des dons ont été enregistrés à l'occasion de la transformation de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI). On est ainsi passé de 350 000 foyers fiscaux à 150 000 et cela s'est traduit par la réduction de la collecte de 150 millions d'euros (lire encadré). Par rapport au montant total de la générosité française (7,5 milliards d'euros), ce manque à gagner peut paraître limitée. Pour autant, il fait mal à un moment où la pauvreté et les besoins de solidarité sont très pressants. Tour de piste de quelques grandes associations impactées.

ATD Quart Monde : perte de 700 000 €

Du côté d'ATD Quart Monde, on dispose de chiffres jusqu'à fin novembre 2018. Et ils ne sont pas bons : - 12 % par rapport à 2017. On espère simplement que la collecte de décembre (encore en cours d'enregistrement) permettra de réduire le manque à collecter. "Nous aurons une perte autour de 700 000 euros sur une collecte globale en 2017 de 6,5 millions d'euros. Sur cette somme, la perte due à la transformation de l'ISF devrait représenter 400 000 euros", explique Dominique Vienne, responsable des dons, legs et philanthropie à ATD. Il explique que la crainte de perte de la déduction fiscale lors de la réforme du prélèvement à la source a conduit de nombreux donateurs à différer leurs dons. Il faut dire que le système mis en place par le gouvernement n'est pas d'une simplicité biblique : il est ainsi prévu que les contribuables reçoivent en janvier 60 % de leur réduction d'impôt estimée en fonction de la déclaration de 2017 et qu'un nouveau chèque soit envoyé au courant de l'année en fonction de la déclaration pour 2018.  

Petits frères des pauvres :  recul de 10 % 

Aux petits frères des Pauvres, on a carrément créé une hot line pour répondre à toutes les questions concernant la défiscalisation. "Les gens sont dans l'expectative. Il faut être plus pédagogique sur la retenue à la source", assure-t-on à la communication. En 2018, la collecte de l'association et de la fondation des petits frères des Pauvres - c'est cette dernière qui est habilitée à recevoir les contributions des contribuables à l'ISF puis à l'IFI - serait en recul total de 10 % (par rapport aux 63,6 millions collectés). Par rapport aux gens très fortunés, les dons auraient tout simplement été divisés par deux. L'augmentation de la CSG a également été ressentie très fortement parmi les retraités qui constituent le coeur des donateurs. Les quelques dizaines d'euros prélevés en plus par l'Etat étaient souvent destinés aux ONG. 

APF France handicap : impact limité

A l'APF France handicap, la situation est un peu moins tendue. Les ressources viennent très majoritairement des dotations de l'Etat et des départements pour financer les établissements. Environ 4 % du budget total (soit un peu plus de 30 millions d'euros) sont apportés par la générosité publique et servent à financer les actions militantes et les actions de terrain de l'association. Selon Sylvain Coudon, directeur des ressources, la perte estimée (tous les chèques de la fin décembre n'ont pas encore été enregistrés) devrait être inférieure à 10 % et serait due principalement à la hausse de la CSG chez les retraités. "Que la baisse du pouvoir d'achat soit réelle ou non, elle a entraîné chez certains de nos donateurs un arrêt des versements". En revanche, l'APF n'est pas impactée par la transformation de l'ISF puisque l'association n'a jamais constitué une fondation permettant de récolter ces dons défiscalisés.

Secours catholique : les effets de la hausse de la CSG

Au Secours catholique, les chiffres ne sont pas bons. La fondation Caritas a recueilli entre 2,5 et 3 millions d'euros en moins au titre de l'ISF (cela représente une perte des deux tiers). Plus globalement, le recul serait de l'ordre de 5 %. "La fin d'année avec les Gilets jaunes a été source d'inquiétudes. Dans ce contexte, faire un don est plus difficile", analyse Marie-Carmen Carles, directrice adjointe de la direction communication et générosité. La hausse de la CSG des retraités a également handicapé la collecte. Pour autant, pas d'inquiétude majeure : "Les Français sont des gens généreux. Il nous faut remobiliser cette générosité", explique la responsable du Secours catholique. 

Fondation Abbé-Pierre : perte de 1,4 M€

A la Fondation Abbé-Pierre, le fonctionnement de la structure dépend à 98 % des dons. Autant dire que la collecte est déterminante. Là encore, la situation n'est pas bonne. Le manque à gagner du côté des assujettis à l'impôt sur la fortune est de 600 000 euros (soit une perte des deux tiers). "Globalement, nous serons à moins de 5 % en 2018, ce qui représente une perte de 1,4 million sur un budget total de 28 M€", comptabilise Christophe Robert, délégué général. La fondation a reçu de nombreux témoignages de petits retraités qui expliquent qu'ils ne peuvent plus la soutenir.

Bouée de secours pour les associations

Même si la situation n'est pas jugée catastrophique, les incidences sur le tissu associatif pourrait ne pas être négligeables. Christophe Robert explique que 22 M€ du budget de la fondation sont consacrés à des subventions à des associations de terrain. "On est le complément et la bouée de secours pour de nombreuses structures, explique le délégué général. Il y a vraiment un risque de fragiliser le travail de terrain". Du côté d'ATD Quart Monde, on n'est pas trop inquiet dans l'immédiat en raison de la bonne santé des legs et de l'existence de réserves financières. Mais celles-ci ont tendance à fondre...  Quant au Secours catholique, on n'exclut pas à terme de réduire les programmes d'action. "Mais les besoins sociaux, eux, ne sont pas en recul", glisse Marie-Carmen Carles.    

 

La générosité en 2018
  •  6,5 % de collecte en moins au premier trimestre
  • Du fait du prélèvement à la source, un donateur retraité sur cinq a l'intention de réduire, cesser ou reporter ses dons.
  • Les causes qui suscitent le plus de dons : l'aide et la protection de l'enfance (33 % des sondés), la lutte contre l'exclusion et la pauvreté (29 %), l'aide aux personnes handicapées (29 %), etc.
  • Le donateur-type : une femme (53 %) de plus de 50 ans.

Source : France générosités

   

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