Qui est Olivier Dussopt, ministre du travail et du "plein emploi", et quelles sont ses priorités ?

Qui est Olivier Dussopt, ministre du travail et du "plein emploi", et quelles sont ses priorités ?

22.05.2022

Représentants du personnel

Olivier Dussopt est donc le nouveau ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Que disent de lui les syndicats qui l’ont "pratiqué" comme secrétaire d'Etat en charge de la fonction publique ? Quels dossiers l'attendent rue de Grenelle ? Nos réponses.

"Je souhaite bonne chance à mes collègues du privé". Le ton est mordant et acide : au nom du syndicat CGT de la fonction publique, Natacha Pommet livre un bilan sombre du passage d’Olivier Dussopt au secrétariat d’Etat à la fonction publique, de 2017 à 2020 (lire notre encadré). Selon la syndicaliste, les relations ont été tendues dès le départ : "Olivier Dussopt venait à peine de rejoindre le parti LREM, il avait même voté trois jours avant avec le PS contre le budget du gouvernement ! C’est quelqu’un qui n’écoute pas, qui ne répondait pas à nos courriers, et qui n’a même pas ouvert des négociations suite à nos préavis de grève alors que c’est dans la loi ! Lors du confinement en avril 2020, alors que les agents n’avaient aucune protection contre la covid, il a même cru bon de jeter en pâture à la presse le préavis de grève que nous avions déposé pour couvrir et protéger les agents qui se sentiraient en danger".

Même si, admet-elle, "la période a été compliquée", Mylène Jacquot, pour la CFDT fonction publique, a un autre ressenti : "Olivier Dussopt travaillait sous l’autorité d’un ministre de tutelle, Gérald Darmanin, qui était très raide avec la fonction publique, et qui n’arrêtait pas de pourfendre notre statut. Mais si Olivier Dussopt n’est pas d’un abord facile ou chaleureux, je dois dire qu’il est franc et loyal, c’est un grand travailleur, très sérieux".

La loi de transformation publique a imposé l'instance unique

La syndicaliste CFDT confie qu’il a fallu "discuter très serré" avec lui pour obtenir quelques aménagements dans la loi de transformation publique de 2019, qui comprenait le passage à l’instance unique (1), le recours aux contractuels mais aussi des primes d’intéressement pour les agents, ainsi qu'une harmonisation par le haut du temps de travail dans la fonction publique.

"Nous étions opposés à cette loi, mais nous avons pu obtenir finalement deux concessions, l'une sur la participation des employeurs au financement de la prévoyance, l'autre sur le dialogue social, avancées traduites ensuite par une ordonnance prévoyant par exemple le principe des accords majoritaires. Cette amélioration s'est concrétisée lors du passage du gouvernement Philippe à celui de Castex", nous dit Mylène Jacquot. Avant d'ajouter, comme pour montrer que le tableau n'est pas si noir au final : "Les suppressions d'empois de fonctionnaires envisagées en 2017 par le candidat Emmanuel Macron ne se sont pas réalisées".

Pour Natacha Pommet de la CGT, ces améliorations sont surtout venues avec les retouches au projet de décret d’application de la loi que la nouvelle ministre, Amélie de Montchalin, a acceptées. Mais la fusion des instances (1), qui ne sera mise en œuvre qu’à l’issue des élections dans la fonction publique en décembre prochain, reste à ses yeux une catastrophe : "Nous allons perdre de la proximité avec les agents. Avec la disparition du CHSCT, les questions sur la santé et la sécurité, très importantes chez nous, risquent d’être reléguées en fin de réunion". Enfin, à ses yeux, Olivier Dussopt symbolise également le gel ces dernières années du point d'indice, "qui devrait seulement être dégelé dans les jours qui viennent".

Quel poids politique ?

Benjamin de l'Assemblée nationale en 2007, Olivier Dussopt, qui a été maire d'Annonay, une ville moyenne d’Ardèche et qui a fondé une aile gauche au sein de la macronie (il est président du mouvement "Territoires de progrès"), aura-t-il le poids politique suffisant pour peser au sein du gouvernement ? C’est la crainte formulée mezza vocce par de nombreux acteurs et observateurs du dialogue social qui redoutent une perte d'influence du ministère du travail, alors même que le jeune ministre hérite du titre ronflant de "ministre du travail et du plein emploi", l'ambition d'Emmanuel Macron étant en effet de renouer avec le plein emploi d'ici la fin de son nouveau quinquennat.

Yves Veyrier, le secrétaire général de FO, le dit avec ses mots : "Les échos que j'en ai, c'est qu'il n'a pas montré jusqu'à présent qu'il était très porté sur le dialogue social. Or le ministère du travail, c'est le ministère du dialogue social. Il ne faudrait pas qu'il soit un simple exécutant".

Le jeune ministre n'a pas non plus l'expérience du privé, contrairement à Agnès Pannier-Runacher, donnée un temps au travail et qui hérite finalement du ministère de la transition écologique (lire notre article dans cette même édition).

Sa connaissance des comptes publics et des arcanes de Bercy, qui pèse lourd dans les arbitrages, pourrait en revanche constituer un avantage au ministère du travail.

Ses priorités immédiates

D’ici l’été, en cas de majorité législative pour le parti d’Emmanuel Macron, Olivier Dussopt va devoir préparer avec Bercy les changements annoncés par Emmanuel Macron pour faire pièce à l’inflation. Un projet de loi de finances rectificatives devrait être présenté dans la foulée des législatives. Il devrait comprendre le triplement "pérenne" de la prime Macron, la prolongation jusqu'à fin 2022 du bouclier tarifaire sur les prix de l'énergie, l’adoption d'un dispositif "pérenne et mieux ciblé que la remise des 18 centimes pour le prix du carburant", la suppression de la redevance de l'audiovisuel public, etc.

Le gouvernement a également annoncé une revalorisation dès le 1er juillet des prestations sociales, l'indexation des retraites sur l'inflation et le versement dès cet été de chèques alimentaires pour les foyers modestes. Surtout, Olivier Dussopt devra conduire une concertation avec les partenaires sociaux au sujet de la promesse d’Emmanuel Macron d’instaurer un "dividende salarié", autrement dit une forme de partage de la valeur ajoutée des entreprises. Il devra aussi plancher sur la promesse du président de conditionner la rémunération des dirigeants des grandes entreprises au respect des objectifs environnementaux et sociaux.

Le dossier des retraites et des minimas de branche

L’agenda social du ministre, censé permettre "la construction d’un nouveau modèle de croissance productif mais aussi écologique et social", devrait comprendre un lourd dossier : la réforme des retraites. Les dirigeants syndicaux ont multiplié depuis la présidentielle les déclarations hostiles au passage à 64 et 65 ans de l’âge légal de départ. Encore vendredi soir, Yves Veyrier (FO) jugeait que la nomination d'un ministre venu des "comptes publics" ne devait pas signifier que l'approche comptable sera la seule retenue dans le dossier des retraites, sinon "ce ne serait pas un bon signal", a-t-il averti.

Enfin, le nouveau ministre du travail, s'il n’est pas à nouveau confronté aux aléas de la crise sanitaire et de ses effets sur le monde du travail, devrait retrouver les dossiers de la revalorisation des travailleurs de deuxième ligne, la question des minimas de branches inférieurs au Smic qui constituent un sujet de tensions entre les syndicats de salariés et d'employeurs (lire notre article sur le secteur de l'énergie), et les problèmes de manque de main d’œuvre dans certaines filières.

Il pourrait aussi être amené à donner corps à la vague indication du candidat Emmanuel Macron pendant la présidentielle, qui a promis de poursuivre la simplification du code du travail, son équipe ayant évoqué avant l’élection le conseil d’entreprise (lire notre article), sans oublier les dossiers pérennes du ministère comme la formation professionnelle, toujours sous-financée.

(1) Après les élections de décembre 2022, la fonction publique d'Etat va adopter l'instance unique de représentation du personnel, qui ne s'appellera pas le CSE comme dans le privé mais le CSA, comité social d'administration (lire notre article).

 

Du parti socialiste à la majorité présidentielle

Âgé de 44 ans, le nouveau ministre du travail, diplômé de Sciences Po Grenoble, a travaillé comme chargé de mission avant d'entamer une carrière politique dans les rangs du Parti socialiste en devenant député (il fut réélu en 2017 comme candidat PS face à un candidat LREM) et maire d'Annonay, en Ardèche. Il fut notamment l'un des porte-paroles de Manuel Valls lors de la primaire de gauche de janvier 2017.

Nommé secrétaire d'Etat du gouvernement d'Edouard Philippe en septembre 2017, auprès du ministre de l'action et des comptes publics, Gérard Darmanin, Olivier Dussopt suit les dossiers de la fonction publique jusqu'en juillet 2020, où il devient ministre en charge des comptes publics dans le gouvernement Castex. 

C'est donc un profil politique au passé de gauche qu'ont choisi le Président et sa Première ministre pour occuper le ministère du travail, après la polytechnicienne Elisabeth Borne (2020-2022) et l’ancienne DRH Muriel Pénicaud (2017-2020).

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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