Réforme des retraites : un projet de loi sera voté à l'été 2020

Réforme des retraites : un projet de loi sera voté à l'été 2020

13.09.2019

Représentants du personnel

Le Premier ministre veut se "donner du temps" pour réussir la réforme des retraites promise par Emmanuel Macron. Une concertation citoyenne sera lancée de fin septembre à décembre prochain, de même que les discussions avec les partenaires sociaux sur la base du rapport Delevoye, un projet de loi devant être voté à l'été 2020. Mais Edouard Philippe attend pour novembre de nouvelles évaluations financières sur l'état des régimes de retraite d'ici 10 ans.

Comme les partenaires sociaux l'avaient compris (lire notre article), la prochaine étape de concertation sur le futur régime universel de retraites à points ne repart pas de zéro : elle se fera sur la base des recommandations du rapport Delevoye de juillet dernier. Le Premier ministre l'a précisé hier devant les membres du CESE, le conseil économique social et environnemental. Un cadre choisi avec soin par le pouvoir exécutif pour illustrer sa volonté d'écoute des partenaires sociaux et des citoyens, à la veille d'un mouvement social contre cette réforme qui s'annonce très suivi dans le métro parisien.

Edouard Philippe a d'ailleurs répété plusieurs fois qu'il fallait "prendre le temps qu'il faut (..) avec les partenaires sociaux" pour mener à bien la réforme. Il a également aligné les promesses : le futur système garantira une pension au moins égale à 85% du Smic pour une carrière complète, il "corrigera les inégalités de pensions entre les femmes et les hommes", il "protégera les actifs qui ont des carrières heurtées ou incomplètes", il "permettra aux Français de choisir leur vie professionnelle en toute liberté, sans s'inquiéter pour leur retraite" à une époque où il devient plus fréquent de changer de métier et de carrière, enfin, le futur système ne concernera que les personnes nées après 1963, sachant qu'une longue période de convergence (15 ans) est envisagée.

Les différentes discussions prévues

Mais revenons-en à la concertation. Celle-ci aura lieu de fin septembre à décembre 2019, avec les citoyens, les partenaires sociaux et les "filières professionnelles".

Concernant la "participation citoyenne", le gouvernement va lancer à la fin du mois une plateforme numérique et promet aussi des débats publics à la façon de ceux organisés au moment de la crise des gilets jaunes.

Pour la concertation avec les partenaires sociaux, Jean-Paul Delevoye est prié de lancer dès la semaine prochaine un nouveau cycle de discussions organisé en 4 thèmes :

  • les mécanismes de solidarité. Tout en qualifiant de "trésor national" notre système de retraite par répartition, Edouard Philippe a jugé que le système actuel était "peu lisible" et "objectivement injuste";
  • les conditions d'ouverture des droits à pension. Sur ce sujet, le Premier ministre n' a pas tranché entre l'âge pivot pour percevoir un taux plein, que Jean-Paul Delevoye a préconisé de fixer à 64 ans, et une référence à une durée de cotisation, idée évoquée par le Président de la République. "Il existe des outils permettant de conjuguer durée et âge. Dans un système fondé sur l'âge, pour prendre en compte les carrières longues, il faut s'appuyer sur la durée. Réciproquement, dans un système fondé sur la durée il faut conserver une référence à l'âge pour les carrières courtes ou les invalides. Les concertations doivent donc évaluer les avantages et inconvénients de chaque option et pourquoi pas, les faire évoluer pour les rapprocher (...) Je suis sûr que nous pouvons avoir un débat serein à ce sujet";
  • les conditions de l'équilibre en 2025 et les modalités de pilotage et de gouvernance du futur système. Là aussi, le Premier ministre a voulu rassurer : "J'entends les inquiétudes qui s'expriment (...) sur l'évolution de la valeur du point dans le futur système et donc du montant des retraites (...) Décidons ensemble des garanties à mettre en place dans la future gouvernance du système universel pour déterminer qui fixera la valeur du point et dans quelles conditions";
  • les modalités de transition des 42 systèmes existants vers le système futur "et les garanties que nous pouvons offrir aux personnes en place". Le Premier ministre a évoqué une transition longue qui garantisse "le respect des avantages acquis". Edouard Philippe promet "que les salariés en place ne basculeront pas dans le nouveau régime tant que les transitions n'auront pas été précisément concertées et arrêtées", un engagement qui sera, dit-il, écrit dans le projet de loi. Est-ce à dire que le système ne débutera pas avant que tout soit détaillé, ou au contraire que les régimes particuliers auront davantage de temps pour se fondre dans le régime universel ? A suivre...

Pour la concertation avec les "filières professionnelles", une formule désignant les régimes spéciaux et autres régimes particuliers (indépendants, avocats, etc.) , le Premier ministre demande à Jean-Paul Delevoye d'organiser d'ici le 15 octobre "avec chacun des ministres concernés", des rencontres avec les représentants des régimes impactés pour dresser un "état des lieux" et fixer un calendrier de travail. Edouard Philippe espère que sa promesse "pas d'application de la réforme aux personnes en place tant que les transitions ne sont pas arrêtées" permettra aux acteurs de se concentrer sur le futur système, avant de travailler ensuite aux modalités de passage.

Un texte voté par le Parlement durant l'été 2020

Le gouvernement préparera ensuite un projet de loi que le Parlement votera "d'ici la fin de la session parlementaire de l'été prochain", soit juillet 2020, a précisé Edouard Philippe. Ce projet de loi comprendra trois volets :

  • la définition du futur système de retraites;
  • la définition des grands principes qui encadrent la transition des différents régimes;
  • la détermination des conditions de retour à l'équilibre en 2025.

Sur ce dernier point, le Premier ministre a répété que le futur système devait être lancé à l'équilibre, alors que l'exécutif a le sentiment que ces perspectives se sont dégradées (voir ci-dessous l'opinion des partenaires sociaux). Le gouvernement demande donc au conseil d'orientation des retraites (COR) pour novembre prochain de nouvelles évaluations sur la situation de retraites pour la prochaine décennie "ainsi que l'ampleur des mesures qu'il faudrait selon lui prendre pour en garantir l'équilibre en 2025". Commentaire du Premier ministre : "Chacun sera parfaitement informé, à la fois de la situation à laquelle nous faisons face, et des leviers disponibles pour agir".

Les perspectives démographiques nous conduisent à "travailler plus longtemps", a plaidé encore l'ancien maire du Havre en observant que l'âge moyen de départ (plus de 63 ans) était déjà supérieur à l'âge légal (62 ans). Il n'y aura, a-t-il souligné, qu'1 actif et demi pour 1 retraité en 2040 contre 2 actifs pour 1 retraité en 2000 et 4 actifs pour 1 retraité en 1960. Cela pose la question du maintien en emploi des seniors, sujet récemment abordé par l'ANDRH. Sur ce point, le Premier ministre va confier une mission sur le maintien en emploi des seniors et la question du passage de l'activité à la retraite (cumul emploi-retraite) à Sophie Bellon, la présidente de Sodexo, Jean-Michel Soussan, DRH de Bouygues Construction, et Olivier Mériaux, ancien dirigeant de l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact).

 

Les réactions syndicales et patronales

A propos de l'objectif d'un régime à l'équilibre en 2025, Frédéric Sève, de la CFDT, a renvoyé le gouvernement à sa politique en considérant qu'il n'y avait aucune urgence financière pour les retraites : "La trajectoire des comptes des régimes de retraite est bonne sur le long terme, les dépenses sont tenues, il n'y aura pas d'augmentation de la part de PIB consacrée aux retraites, le Conseil d'orientation des retraites l'a dit. En revanche, la défiscalisation des heures sup, l'élargissement du forfait social, le gel du point d'indice et les suppressions d'emplois de fonctionnaires décidées par le gouvernement contribuent à dégrader les recettes des régimes. Va-t-on demander aux salariés de travailler plus longtemps pour compenser le gel du point d'indice ou la défiscalisation des heures sup ?!"*

Il n'y a pas d'urgence financière, en revanche la politique du gouvernement a des conséquences sur les recettes des régimes
 actuEL-CE/CSE

Sur le fond, la CFDT juge toujours "inutile et injuste" l'âge pivot et va proposer des mesures sur la pénibilité, les seniors, les basses pensions. La confédération, plutôt acquise à l'idée d'un régime universel, n'a par ailleurs pas d'objection sur le calendrier indiqué par le Premier ministre.

Des propos à très haute altitude

 

Contestant le fait que le système actuel des retraites serait "illisible" ou "complexe", FO soutient qu'il a su s'adapter à l'évolution du travail et continue donc à mobiliser contre cette réforme pour sa journée du 21 septembre. La confédération, par la voix de Philippe Pihet, dit n'avoir rien appris de nouveau : "Le Premier ministre a tenu des propos à très haute altitude, nous sommes encore loin d'entrer dans le vif du sujet". Le spécialiste retraites de la confédération se dit peu convaincue par les assurances données par le Premier ministre sur la place future des partenaires sociaux dans la gestion du futur système. Quant à l'évocation de l'emploi des seniors, Philippe Pihet a renvoyé la question au patronat et aux pratiques des entreprises

L'UNSA a jugé le Premier ministre "ouvert" et se dit prête à un travail de fond sur le nouveau régime, Daniel Corona, secrétaire national chargé du dossier, ajoutant qu'un mix entre l'âge pivot et la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein lui semblait possible.

Nous voulons être associés à la gouvernance

 

Pour sa part, le Medef a salué le discours d'Edouard Philippe : "Le calendrier nous convient (..) Nous avons apprécié que le Premier ministre salue la qualité de la gestion des régimes complémentaires assumée par les partenaires sociaux. Nous souhaitons être associés dans la gouvernance du futur régime, d'autant que les entreprises financent les retraites à hauteur d'une centaine de milliards", a dit Patrick Martin. Le président délégué de l'organisation patronale s'est toutefois déclaré préoccupé par une évolution du traitement de la pénibilité et de l'emploi des seniors, un point qui fait déjà partie selon lui des préoccupations des entreprises.

Pour sa part, la CFE-CGC a publié hier soir une réaction cinglante : "L'énoncé de généralités lénifiantes ne saurait dissimuler les enjeux d'une réforme dont on voit bien que l'objectif est de reculer l'âge de départ à la retraite tout en pesant sur le montant des pensions". Le syndicat juge qu'il s'agit "d'une étatisation totale du système de retraite permettant au gouvernement de faire des pensions une variable d'ajustement des finances publiques".

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Découvrir tous les contenus liés
Bernard Domergue
Vous aimerez aussi