Rémunération de l'agent immobilier en cas d'exercice du droit de préemption urbain

17.06.2021

Immobilier

Peu importe que la promesse de vente soit unilatérale et non synallagmatique, et que l’option de la promesse n’ait pas été levée avant l’exercice du droit de préemption par la commune, cette dernière est tenue de prendre en charge la rémunération de l’intermédiaire incombant à l’acquéreur pressenti, dès lors que le montant de la commission et la partie qui en est tenue sont mentionnés dans l’engagement des parties et dans la DIA.

Il est de jurisprudence constante que la substitution du titulaire du droit de préemption urbain à l'acheteur d’un bien ne porte pas atteinte au droit à commission de l'intermédiaire immobilier, tel qu'il est conventionnellement prévu (Cass. 1re civ., 9 mars 1999, n° 96-21.259, n° 491 P), dès lors que le montant de cette rémunération et la partie qui en a la charge figurent dans l'engagement des parties et dans la déclaration d'intention d'aliéner (Cass. 3e civ., 26 sept. 2007, n° 06-17.337, n° 863 FS-P+B). Une décision de la Cour de cassation vient préciser les contours de ce droit à honoraires de l’agent immobilier en cas de préemption de la commune à la suite de la conclusion d’une promesse unilatérale de vente.

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La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

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Dans cette affaire, la cour d’appel a jugé que la promesse unilatérale de vente indiquant qu'une commission était due par le bénéficiaire de la promesse ne vaut pas engagement d'acquérir, ni donc de payer la commission d'agence, dans la mesure où le bénéficiaire s'est réservé la possibilité de demander ou non la réalisation de la vente et qu’il n'a pas levé l'option avant l'exercice du droit de préemption urbain.

L’agent immobilier forme alors un pourvoi en cassation pour obtenir paiement, par la commune préemptrice, de sa commission contractuellement prévue au mandat et à la promesse unilatérale. La Haute juridiction accueille favorablement sa requête et censure ici l’arrêt d’appel dont elle balaie les arguments.

La promesse unilatérale énonçant les conditions de la vente vaut engagement des parties

Un argument des juges d’appel portait sur la nature de la promesse unilatérale de vente qui, selon eux, ne vaut pas engagement d’acquérir puisque son bénéficiaire s’y réserve le droit d’acheter ou non. Pour autant, ce n’est pas l’engagement d’acheter qui ouvre le droit à rémunération, mais l’indication du montant de celle-ci et de son redevable dans « l’engagement des parties » ainsi que dans la DIA. Or, la promesse unilatérale de vente est un engagement des parties. D'ailleurs, depuis la réforme du droit des obligations de 2016, elle est entrée dans le code civil dont l’article 1124 dispose expressément qu’elle constitue un contrat. Elle contient l’engagement de vendre de la part du propriétaire et l’engagement d’opter pour acheter ou non, dans un certain délai, pour le bénéficiaire.

C’est d’ailleurs ce qu’invoque le pourvoi. Pour l’agent immobilier, la promesse unilatérale vaut engagement des parties quant à la commission pour le cas où la vente se réaliserait, et par l'effet de l'exercice de son droit de préemption par la commune, la vente était devenue parfaite.

La Cour de cassation approuve cette position. Dès lors que la promesse unilatérale de vente énonçait les conditions auxquelles la vente aurait lieu en cas de levée de l’option par le bénéficiaire, elle vaut engagement des parties.

Peu importe que la promesse soit unilatérale et non synallagmatique

L’argument majeur de la cour d’appel portait sur le fait le bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente n’avait pas encore opté pour l’achat lorsque la commune a préempté. Celle-ci ne se substituait donc pas vraiment au bénéficiaire qui n’était pas acquéreur au moment de l’exercice du droit de préemption. Dès lors, la substitution dans l’obligation de paiement de la commission d’agence ne jouait plus et la commune préemptrice se voyait libérée de cette charge.

La Cour de cassation rejette cette argumentation par une décision de principe, au visa des articles 1134, alinéa 1er du code civil dans sa version antérieure à la réforme du droit des contrats, L. 213-2, alinéa 1er du code de l’urbanisme et 6, I, alinéa 3 de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 applicable en la cause. Elle considère que l’absence de levée d’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale ne remet pas en cause le droit à honoraires de l’agent immobilier lorsque ses conditions figurent à l'avant-contrat et à la DIA, en application des trois textes visés. Il résulte en effet de ces dispositions que lorsqu’il exerce son droit, le titulaire du droit de préemption, au profit duquel la vente a été effectivement conclue, est tenu de prendre en charge la rémunération de l’intermédiaire incombant à l’acquéreur pressenti, auquel il est substitué, dès lors que le montant de la commission et la partie qui en est tenue sont mentionnés dans l’engagement des parties et dans la déclaration d’intention d’aliéner.

Or, en l’occurrence, la promesse unilatérale énonçait les conditions financières, y compris celles relatives aux honoraires de l’agent immobilier, auxquelles la vente aurait lieu en cas de levée de l’option par le bénéficiaire, de sorte que le droit au paiement de la commission d'agence était conventionnellement prévu. Et la DIA mentionnait, elle aussi, le montant de la rémunération de l’agent immobilier qui était à la charge de l’acheteur pressenti. La Cour de cassation considère donc que ces honoraires étaient dus.

Peu importe aussi que l’acte définitif ne contienne pas l’engagement de payer la commission

Un autre argument des juges d’appel consistait à faire valoir que la commune titulaire du droit de préemption urbain n'était pas tenue au paiement de la commission d’agence du fait que l'acte authentique de vente à son profit ne contenait pas engagement de sa part à la payer. Le droit à la rémunération prévue au mandat et dans la promesse unilatérale n’avait pas été accepté par la commune qui reconnaissait seulement en avoir été informée dans l’acte authentique de vente finalement conclu.

Mais la commission d’agence figurait aussi sur la DIA. C’est pourquoi le pourvoi de l’agent immobilier allègue que, dans ces conditions, l'exercice par la commune de son droit de préemption a rendu la vente parfaite, lui donnant droit à rétribution.

La Cour de cassation approuve ce raisonnement. La force obligatoire du mandat et de la promesse dont les conditions figuraient aussi dans la déclaration d’intention d’aliéner s’étend à l’acte authentique de vente définitif, permettant l’exercice du droit de préemption urbain aux conditions préalablement définies contractuellement.

Ainsi, mandat, promesse unilatérale et DIA énonçant les conditions financières auxquelles la vente aurait lieu en cas de levée de l’option par le bénéficiaire, le droit à commission de l’agent immobilier conventionnellement prévu s’imposait à la commune.

Remarque :  pour sécuriser le paiement de sa rémunération en cas d’exercice du droit de préemption urbain, l’agent immobilier doit donc veiller à ce que le montant de ses honoraires et la partie qui en est tenue soient mentionnés, non seulement dans le mandat, mais aussi dans l’avant-contrat et dans la déclaration d’intention d’aliéner – ce qui impose qu’il le vérifie auprès du notaire en charge d’envoyer la DIA à la mairie.

En tout état de cause, les mairies qui reçoivent une DIA à la suite de la conclusion d’une promesse unilatérale de vente et qui, pour essayer d'échapper au paiement de la commission d’agence, seraient tentées de préempter au plus vite, en tout cas avant la levée d’option du bénéficiaire, savent désormais que rien de ne sert de courir…

Laurence DARTIGEAS-REYNARD, Dictionnaire Permanent Transactions immobilières
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