Renouvellement syndical : le défi de la fidélisation
12.07.2023
Représentants du personnel

Plus de 47 000 nouveaux adhérents à la CFDT, 40 000 à la CGT et au moins 25 000 chez FO. Grâce à la visibilité offerte par la mobilisation contre la réforme des retraites, les principales confédérations enregistrent un renouvellement de leurs effectifs depuis janvier 2023. Elles sont de ce fait confrontées à un nouveau défi : les fidéliser. Quel est le profil de ces adhérents ? Comment les conserver dans les syndicats ? Le point sur ces sujets avec une table ronde organisée par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis).
Lundi 10 juillet, une table ronde organisée par l’Ajis a examiné avec trois intervenantes les effets du renouveau syndical issu de la mobilisation contre la réforme des retraites. Lydie Nicol, responsable du développement à la CFDT, Marion Edern, consultante Syndex, et Camille Dupuy, sociologue, ont toutes les trois pointé l’enjeu de fidéliser ces nouveaux adhérents pour les confédérations. Si le phénomène du renouveau syndical se produit à chaque mobilisation sociale, quelques tendances nouvelles sont cependant observées.
Lydie Nicol, secrétaire nationale CFDT en charge du développement, a observé une hausse de deux points des jeunes parmi les nouvelles adhésions, en comparaison avec 2019 (les années 2020 et 2021 étant neutralisées à cause de l’épidémie de Covid-19). "En revanche, la répartition territoriale, sectorielle et les métiers sont semblables à ce que connaît déjà la CFDT. La première confédération syndicale a également fait le plein de travailleurs de première et deuxième ligne, qui ont notamment adhéré via le site internent et non directement auprès d’un syndicat professionnel ou local : la proportion de ces "web-adhésions" est passée de 10 à 30 %.
Quant aux motivations des nouveaux arrivants, elles sont majoritairement issues de la visibilité offerte à la CFDT par l’opposition à la réforme des retraites. Viennent ensuite l’adéquation aux valeurs de la confédération (36 %) et l’accord avec des positions locales exprimées lors des élections professionnelles (19 %).
Si la CFDT ne fixe pas d’objectif d’implantation derrière chaque nouveau venu, elle entend cependant les fidéliser par une politique de proximité. "Notre premier levier sera de faire vivre les lieux de proximité, notamment dans les petites et moyennes villes, afin que les nouveaux rencontrent nos militants. Le second levier sera de faire évoluer nos pratiques syndicales", explique Lydie Nicol. Les nouveaux sont accueillis en présentiel ou en webinaire, certaines régions comme les Pays-de-la-Loire ou le Grand-Est mixant les deux modalités. La CFDT devra également transformer ses nouveaux adhérents en militants, ce qui peut prendre plusieurs années, en s’appuyant sur des collectifs métiers dans certaines villes ou bassins d’emploi, par exemple autour des coiffeurs et assistantes maternelles.
Selon Marion Edern, consultante et membre du comité de direction du cabinet Syndex, il est encore trop tôt pour percevoir si cet afflux de syndiqués fournira de futurs élus aux CSE : "Les effets seront surtout visibles dans trois ans, lors du prochain cycle électoral. Pour l’instant, tous les nouveaux syndiqués ne donnent pas le nom de leur entreprise dans les formulaires d’adhésions. Il y a donc un décalage temporel entre le moment de l’adhésion, et celui où celle-ci est connue dans l’entreprise.
Elle note cependant que les nouveaux seront bienvenus pour remplacer des élus de CSE dont un quart dit déjà ne pas vouloir reprendre un mandat, selon le baromètre Syndex/Ifop. "Le large champ de sujets que doit maîtriser un élu freine encore la prise de mandat et fait peur aux salariés qui veulent s’engager. Cependant, la structuration apportée par les organisations syndicales et la formation permettra en partie d’y remédier", relativise la consultante.
Autre enjeu : le passage de relais entre les anciens élus et les nouveaux : selon elle, il se fait "principalement autour de sujets d’actualité internes à l’entreprise mais aussi sociétaux comme la défense de l’environnement, en particulière auprès des jeunes".
Selon Camille Dupuy, chercheuse en sociologie et maîtresse de conférences à l’université de Rouen-Normandie (*), l’arrivée de jeunes peut aussi créer des tensions internes dans les fédérations et unions locales : "Les jeunes se présentent souvent avec une culture syndicale inexistante ou différente, notamment s’ils proviennent d’un syndicat étudiant. Beaucoup n’ont pas connu Mai 68, ni même les grèves de 1995. D’où la complexité pour eux d’acquérir la culture de leur nouveau syndicat. Les anciens peuvent également être réticents à leur faire de la place. On note dans les travaux de recherches que les jeunes femmes peuvent connaître des carrières syndicales très rapides, ce qui peut crisper les hommes aux évolutions plus lentes".
La sociologue remarque par ailleurs que l’engouement pour l’adhésion en ligne redouble l’enjeu de l’accueil des nouveaux : "En principe, on se syndique avec un collectif déjà présent dans l’entreprise. La hausse des adhésions sur site web est donc déroutante puisque la moitié des salariés qui se syndiquent disent le faire par connaissances. Ceux qui utilisent les sites sont sans doute plus isolés, précaires, intérimaires, auto-entrepreneurs ou sans section syndicale autour d’eux. C’est pourquoi le rôle des unions locales sera particulièrement important pour les accueillir".
(*) Camille Dupuy est chercheuse au Centre d’étude de l’emploi et du travail (CEET) et à l’IRHIS-CNRS (Institut de Recherches Historiques du Septentrion, rattaché au Centre national de la recherche scientifique).
Qu’en est-il chez FO et à la CGT ?
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Pascal Lagrue, secrétaire confédéral de Force ouvrière, a également constaté une hausse de l’adhésion en ligne via le site de Force Ouvrière (5 775 adhésions en ligne), complétées par 20 000 remontées d’adhésions via les structures locales et fédérales. Comment les fidéliser ? "Cela passe tout d’abord par du lien dans l’entreprise et au niveau du département, auquel nous sommes particulièrement attachés". L’ancien secrétaire général de l’Union départementale du Rhône note aussi une hausse des adhésions de cadres, qu’il explique par un attrait pour le positionnement de FO : "L’équilibre entre une organisation syndicale qui signe tout, et une qui ne signe rien". A la CGT, David Gistau dénombre 40 000 nouveaux adhérents depuis janvier, « une année exceptionnelle avec 13 000 de plus qu'un an auparavant à la même époque ». Récemment intégré au bureau confédéral de la CGT (lire notre article), David Gistau note également une proportion plus importante de jeunes, de femmes (46 %) et de cadres (30 %), avec des adhésions collectives en ligne de 3 à 10 nouveaux syndiqués. "Cela nous ouvre des perspectives de potentielles créations de sections", se félicite-t-il. Leur fidélisation passera par une formation d’une journée appelée "s’impliquer dans la CGT" destinée à ce que les adhérents deviennent "acteurs, décideurs et auteurs". |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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