Rétrospective 2015-2016 : l'année des réformes structurantes

Rétrospective 2015-2016 : l'année des réformes structurantes

22.07.2016

Action sociale

La parenthèse de l'été permet de se ressourcer et de recharger les batteries. Nous vous proposons une rétrospective 2015-2016 passant en revue les événements marquants du secteur social et médico-social. Alors qu'une actualité en chasse une autre, cette synthèse vous permettra de prendre du recul sur cette année très dense en réformes. Votre antisèche pour la rentrée !

Plan d'action pour le travail social, loi ASV, loi santé, lois asile et immigration, crise des migrants, réformes tarifaires, généralisation progressive des CPOM, réponse accompagnée pour tous... L'année qui s'achève est sans conteste l'année la plus dense du quinquennat.

Pour rappel, la première année du mandat de François Hollande (2012-2013) aura été marquée par le lancement de nombreux chantiers dans le champ des politiques sociales, au premier rang desquels figure le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. L'année suivante (2013-2014), certains dossiers ont pris du retard en partie à cause du remaniement ministériel (Manuel Valls a succédé à Jean-Marc Ayrault). La saison 2014-2015 aurait dû être celle de l'accélération des réformes mais il n'en a rien été. C'est finalement l'avant-dernière année du quinquennat (2015-2016) qui aura vu éclore les principales réformes annoncées.

Le secteur médico-social est confronté à des réformes "d'une densité exceptionnelle", à des "chantiers structurants" pour reprendre les termes utilisés par Geneviève Gueydan (CNSA), chantiers qui - il ne faut pas l'oublier - se mettent en oeuvre en même temps que la réforme territoriale (impact de la nouvelle carte des régions sur les ARS et les services déconcentrés de l'Etat).

Pour y voir plus clair, nous vous proposons cette rétrospective des événements de l'année, une compilation des mesures marquantes avec des liens renvoyant à quelques-uns de nos articles pour une meilleure mise en perspective de l'actualité 2015-2016.

Des lois en veux-tu, en voilà

Le législateur n'a pas chômé ces derniers mois, une profusion de lois déjà votées ou en passe de l'être vont plus ou moins directement impacter le secteur social et médico-social. Revue de détails dans l'ordre chronologique.

  • La loi du 29 juillet 2015 est venue réformer le droit d'asile avec l'objectif principal de le rendre plus efficient et de raccourcir les délais de traitement des demandes d'asile ; une réforme dont il est difficile de mesurer les effets car percutée de plein fouet par la "crise des migrants".
  • La loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement (ASV) est LA grande réforme du quinquennat en matière de prise en charge de la dépendance : en plus d'aménager l'APA à domicile et les services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad), elle contient aussi des mesures sur les établissements (Ehpad et résidences autonomie) et plus généralement sur les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Tous les articles s'y rapportant sont rassemblés dans ce dossier.
  • La loi du 26 janvier 2016 de "modernisation de notre système de santé" créé de nombreux dispositifs destinés à améliorer les parcours de soins, avec de nouvelles organisations comme les groupements hospitaliers de territoire (GHT) ou les plates-formes territoriales d'appui pour les parcours complexes. Elle offre aussi une assise législative au dispositif de prise en charge du handicap "Une réponse accompagnée pour tous".
  • La loi du 2 février 2016 sur la fin de vie renforce notamment la portée des directives anticipées.
  • La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France réforme une nouvelle fois la législation en matière d'intégration, de séjour, d'éloignement et de nationalité.
  • Sans bouleverser le cadre fixé par la précédente réforme de 2007, la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant réaffirme la place de l'enfant au cœur du dispositif en vue d'assurer la stabilité de son parcours, prévoit des nouveautés en matière  d'adoption et d'autorité parentale, et s'inscrit dans une perspective de recentrage de la gouvernance de la protection de l'enfance. Elle donne aussi un cadre législatif au dispositif de répartition sur le territoire des mineurs isolés étrangers (MIE).

Le tableau ne serait pas complet si l'on omettait d'évoquer les projets de loi encore discutés au Parlement cet été :

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Handicap : CPOM, "ondamisation des Esat" et "Réponse accompagnée pour tous"

Dans le domaine du handicap, l’année est marquée notamment par la poursuite du 3e plan autisme 2013-2017, le déploiement dans 24 départements pilotes de la "réponse accompagnée pour tous", qui s'imbrique avec d'autres chantiers comme le plan visant à prévenir les départs non souhaités de personnes handicapées vers la Belgique ou encore les nouveaux "pôles de compétences et de prestations externalisées".

Il est à noter également que la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 introduit des évolutions majeures pour le secteur : intégration des établissements et services d’aide par le travail (Esat) dans l’objectif global des dépenses (OGD) à partir de 2017 ("ondamisation des Esat"), généralisation en six ans (à partir du 1er janvier 2016) des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) dans le secteur PH. Ces mesures nécessitent des dispositions réglementaires dont la publication est prévue en septembre 2016. La concertation autour de ces mesures, dont certaines sont communes avec la réforme tarifaire des Ehpad, vient de s'achever avec une vive opposition des associations et fédérations de gestionnaires.

La réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux intervenant auprès des personnes handicapées (projet "Serafin-PH") se construit par étapes ; une phase clé a été franchie en janvier dernier avec la validation de deux nomenclatures pour parler le même langage.

Enfin, en mai 2016, lors de la Conférence nationale du handicap (CNH), le chef de l'Etat a promis de mettre sur la table 180 millions d'euros sur cinq ans pour transformer l'offre médico-sociale et créer de nouveaux dispositifs.

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

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Personnes âgées : ASV, tarification, CPOM

Dans le secteur personnes âgées, la loi ASV du 28 décembre 2015 est mise en oeuvre au pas de course : depuis le 1er mars 2016, l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les personnes âgées résidant à domicile obéit à un nouveau régime ; un régime unique d’autorisation s'impose aux Saad exerçant en mode prestataire ; l'expérimentation des Spasad "intégrés" est lancée ; de nombreuses dispositions impactent le fonctionnement des Ehpad (un socle de prestations est en vigueur depuis le 1er juillet 2016) et des logements-foyers (rebaptisés "résidences autonomie") ; l'architecture institutionnelle des politiques de l'autonomie, tant au niveau national que local, est réformée.

La réforme de la tarification des Ehpad prendra quant à elle effet à partir du 1er janvier 2017 avec une montée en charge progressive sur plusieurs années, comme le rappelle la circulaire budgétaire 2016. La loi "rénove" la démarche de contractualisation à travers la substitution d’un CPOM à l’actuelle convention tripartite (CTP). Elle prévoit des dispositions transitoires afin d’étaler la montée en charge du dispositif sur une période de 5 ans de 2017 à 2021. En outre, la loi réforme la tarification des Ehpad en introduisant un pilotage par les ressources avec le passage à un financement forfaitaire des soins reposant sur l’équation tarifaire GMPS. Là encore, au terme des concertations, les associations dénoncent la complexité et l'imprécision des décrets d'application.

Budget et fonctionnement des ESSMS

Le premier semestre 2016 a bien évidemment été marqué par la diffusion des traditionnelles circulaires budgétaires dans tous les secteurs : établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) pour personnes âgées et personnes handicapées, secteur "accueil, hébergement, insertion" (AHI), protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), secteur tutélaire, fonds d'intervention régional (FIR), instruction CNSA (PAI).

Un décret ducret  15 juin 2016 simplifie et précise les règles applicables en matière d'appel à projet et d'autorisation des ESSMS.

Hébergement d'urgence et accompagnement des réfugiés

En matière d'hébergement d'urgence des sans-abri, le gouvernement ne cesse de vanter le "changement de cap" opéré depuis 2012, avec la fin de la "gestion au thermomètre" (une affirmation contestée par les associations) et l'existence de 130 000 places pérennes. Il réfute en outre toute concurrence entre les publics sans domicile "traditionnels" et les réfugiés. Les financements sont sanctuarisés de part et d'autre, a encore affirmé récemment la ministre du logement, Emmanuelle Cosse, qui s'est félicitée de la réduction du recours aux solutions hôtelières et s'est déclarée attentive à la montée en puissance des femmes seules avec enfants parmi les populations faisant appel au 115.

Pour faire face à la crise migratoire et mettre en oeuvre le plan européen de relocalisation, des consignes ont été données en novembre 2015, avec des objectifs de création de places et un dispositif de pilotage national. Très sollicités, les centres d’hébergement d’urgence doivent "être en mesure de répondre rapidement et efficacement aux besoins des personnes migrantes", ce qui implique "un effort particulier de fluidification du dispositif", a rappelé la DGCS dans la dernière circulaire budgétaire. Sans compter la mobilisation de villes - comme Grande-Synthe ou Paris - qui tentent au mieux de s'organiser en créant des camps de réfugiés.

Emploi et insertion

Avec une courbe du chômage qui peine à s'inverser, tous les dispositifs présentant une forme d'innovation retiennent l'attention du gouvernement. C'est le cas de la proposition de loi déposée par le député PS Laurent Grandguillaume, et inspirée grandement du projet "Territoires zéro chômeur" défendu depuis des années par ATD-Quart Monde. La loi du 29 février 2016 "d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée" prévoit de tester pour cinq ans l’embauche en CDI et au Smic, dans dix micro-territoires au maximum, de chômeurs de longue durée inscrits depuis plus d'un an à Pôle emploi via des entreprises de l’économie sociale et solidaire spécialement créées pour l’occasion ou émanant d’entreprises sociales existantes. Louis Gallois vient d'être élu à la présidence du fonds d’expérimentation chargé de gérer le dispositif.

L'Etat a par ailleurs présenté en début d'année un plan de formation pour 500 000 chômeurs pour lequel il engagera un milliard d'euros.

Expérimentée depuis la fin 2013, la garantie jeunes semble bien toucher les jeunes les plus modestes selon de premiers résultats. Le dispositif va connaître une généralisation dès 2017 comme le prévoit la loi travail. Par ailleurs, une attention particulière est portée cette année aux emplois d'avenir arrivant à échéance, le ministère du travail insistant pour que les jeunes ne se retrouvent pas sans solution à l'issue de leur contrat. Dans le même temps, les agents des missions locales, débordés, n'ont pas manqué d'attirer l'attention sur leur ras-le-bol.

Recentralisation du RSA et réforme des minima sociaux

Alors que les dépenses sociales des départements continuent de plomber les comptes, la reprise en main par l'Etat du financement du RSA s'est soldée par un échec : le 21 juin dernier, l'Assemblée des départements de France (ADF) a refusé les modalités de recentralisation proposées par le gouvernement. Malgré ce rejet, Matignon a annoncé le 13 juillet vouloir "poursuivre le travail engagé avec l'ADF afin de rechercher un accord national sur le développement des politiques d'insertion avec les départements", qui pourrait se concrétiser "dans une démarche contractuelle entre l’Etat et chaque département."

L'exécutif compte par ailleurs présenter à la rentrée un "plan complet" (qui sera décliné dans les lois financières) pour mettre en oeuvre les premières mesures de simplification et d’harmonisation des prestations sociales préconisées dans le rapport Sirugue sur la simplification des minima sociaux.

Un plan en faveur du travail social

Après trois ans de concertations (parfois houleuses) dans le cadre des Etats généraux du travail social (EGTS), le gouvernement a finalement présenté le 21 octobre 2015 son "plan d'action en faveur du travail social et du développement social" contenant 26 mesures (meilleure participation des bénéficiaires, référent de parcours, promotion du développement social, partage d'informations, modernisation de l'appareil de formation, réingénierie des diplômes, reconnaissance du travail social, gouvernance renouvelée...) à destination des quelque 1,2 million de travailleurs sociaux de France. La filière sociale de la fonction publique bénéficie d'une revalorisation de carrière via le protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations dans la fonction publique (PPCR) qui prévoit notamment une  revalorisation indiciaire pour les travailleurs sociaux des catégories B et A, mais aussi, à partir de 2018, un reclassement en catégorie A des professionnels titulaires de diplômes de niveau III.

Des avancées qui laissent bon nombre de travailleurs sociaux sur leur faim : à l'occasion de la mobilisation autour de "Nuit debout", un collectif a lancé "Travail social debout" pour revendiquer une autre pratique du travail social, tandis que le collectif Alerte constatait six mois après la présentation du plan d'action un retard à l'allumage et un manque de "vision politique".

Le travailleur social et la République

Les attentats terroristes qui ont frappé la France ces derniers mois amènent les travailleurs sociaux à se questionner sur leurs pratiques professionnelles. Observateurs et réparateurs du lien social, porteurs d'un rôle dans la transmission des valeurs républicaines, les travailleurs sociaux sont en première ligne dans la prévention de la radicalisation et s'y forment de plus en plus, tout en restant très vigilants sur leur rôle dans la société (débat sur le secret professionnel), ainsi que sur la baisse des crédits en matière de prévention spécialisée.

Pour y voir plus clair, ils pourront utilement s'appuyer sur les différents guides, avis et rapports rendus ces derniers temps et notamment : le récent rapport de Michel Thierry, ancien vice-président du Conseil supérieur du travail social (devenu Haut conseil du travail social et désormais présidé par la députée Brigitte Bourguignon), sur les "valeurs républicaines, laïcité et prévention des dérives radicales dans le champ du travail social" ; le plan d'action gouvernemental ainsi que la circulaire et le guide interministériel ou encore les documents de l'Observatoire de la laïcité...

Signalons enfin que TSA vient de publier, en partenariat avec ESF, un livre intitulé "Le travailleur social et la République - Un guide pour agir", rassemblant des témoignages issus du terrain, des réflexions déontologiques et des repères juridiques... un ouvrage qui on l'espère permettra de nourrir le débat et les échanges pour un meilleur vivre ensemble.

Linda Daovannary
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