RSA : la voie de la recentralisation compromise ?

RSA : la voie de la recentralisation compromise ?

08.04.2016

Action sociale

On croyait le dossier du financement du RSA quasiment bouclé. Sauf que les négociations entre l'ADF, présidée par Dominique Bussereau, et le gouvernement semblent s'enliser sur la question de l'année de référence. Droite et gauche se renvoient les responsabilités. La rencontre entre le ministre Jean-Michel Baylet et l'ADF ce 7 avril aura-t-elle permis de débloquer le dossier ?

"Les départements refusent le marché de dupes du gouvernement autour du RSA". Issu d'une conférence de presse qui s'est déroulé le 6 avril dans les locaux de l'ADF, ce communiqué de presse n'y va pas avec le dos de la cuillère. Dix-huit départements (1) de droite et du centre se sont associé pour s'en prendre à la façon dont le gouvernement conduit les négociations. "Après six mois de négociations entre l'Etat et les départements, aucune proposition constructive n'a malheureusement été faite de la part du gouvernement pour assainir la situation. Avec cette stratégie d'évitement, le gouvernement fragilise toute la chaîne institutionnelle de la solidarité nationale dans laquelle les départements jouent un rôle pivot."

La renationalisation du RSA acceptée...

De quoi s'agit-il exactement ? Depuis la rencontre avec le Premier ministre le 25 février, le principe d'une renationalisation du RSA, responsable de la fragilisation des finances départementales, a été accepté par l'Etat. Dans la foulée, l'ADF réunie en AG extraordinaire, a donné mandat à Alain Lambert (CD de l'Orne) de conduire les négociations. L'organisation présidée par Dominique Bussereau a explicitement demandé à son représentant de faire en sorte que l'année de référence retenue soit 2014. Un point qui bloque avec l'Etat qui veut prendre en compte 2016, considérant que doit s'appliquer la règle de l'année n-1.

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... mais le négociateur de l'ADF n'y croit pas

Deux semaines plus tard, l'ancien ministre Alain Lambert rend son tablier de négociateur. Sur son blog, il s'en explique. "S'agissant de l'année de référence, le gouvernement théorise qu'il s'agit toujours de l'année n-1. Rien n'est plus faux ! [...] Le droit commun est, au contraire, que les compensations financières sont propres à chaque opération et fixées par la loi, au cas par cas. Il est parfois fait référence à la moyenne des trois dernières années précédant le transfert." Commentant ce départ, le président du groupe de gauche à l'ADF, André Viola (CD de l'Aude) note que l'ancien négociateur a toujours exprimé une très forte réticence par rapport à la voie de la recentralisation. D'ailleurs, sur son blog, le président du CD de l'Orne explique que cette voie "n'est pas la seule et n'a jamais été particulièrement privilégiée par l'ADF. 

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1,5 milliard d'euros dans la balance

Année de référence 2014 ou 2016... le différentiel se chiffre tout de même à 1,5 milliard d'euros puisque la facture s'est alourdie de ce montant en deux ans. Un enjeu énorme ! La récente étude de Standard & Poor's montrait que le taux d'épargne brute pourrait augmenter de 50 % en 2018 si les calculs autour du RSA se basaient sur l'année 2014. A ce sentiment de ne pas être pris au sérieux (d'autant que l'Etat veut mettre son nez dans le travail d'insertion des départements en valorisant ceux qui font preuve de volontarisme) s'ajoute le scepticisme de certains présidents sur la nécessité de s'engager sur cette voie.

Quelle marge de manoeuvre ?

Le "texte des 18" explique ainsi que "loin de refinancer les départements, la renationalisation du RSA n'aboutit qu'à réduire encore les marges de manoeuvre des collectivités territoriales." Certains, à l'instar du président du CD des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, estiment même que les départements se priveraient d'une partie de leur légitimité, en se détournant de l'action sociale. Un argument réfuté par de nombreux présidents de gauche comme de droite, selon lesquels il faut dissocier le versement des allocations de la conduite des politiques d'accompagnement.

La gauche préconise une autre méthode

Après le départ d'Alain Lambert, le négociateur de l'ADF s'appelle Albéric de Montgolfier (CD d'Eure-et-Loir), également sénateur et vice-président de la commission des finances au Palais du Luxembourg. Ce choix ne satisfait pas la gauche de l'ADF qui ne comprend pas que l'on confie cette mission à un adversaire de la recentralisation. André Viola ne cache pas son inquiétude : "Les sarkozystes veulent faire capoter la négociation. La droite de l'ADF est trop divisée." Chef de file de la gauche, il préconise une autre méthode : "Il faut voir ce que l'Etat est prêt à mettre sur la table. Ensuite, selon la situation des départements, on pourrait choisir 2014, 2015 ou 2016 comme année de référence." 

Qui a (vraiment) intérêt à une solution ?

A un an de la présidentielle, et alors que la compétition entre les leaders de la droite bat son plein (les présidents de CD partagent leur soutien entre Fillon, Juppé, Sarkozy et même Le Maire), il va être compliqué de trouver une sortie par le haut dans ce dossier explosif. La majorité de l'ADF n'a pas intérêt à montrer que le gouvernement peut boucler un dossier ouvert par la droite en 2004 avec le transfert aux départements de la gestion du RMI. Le gouvernement, de son côté, qui croit modérément à l'avenir des départements (lire notre dossier dans tsa d'avril), ne souhaite pas trop ouvrir son porte-monnaie. Les plus cyniques penseront qu'il n'est peut-être pas mécontent de voir les nouveaux présidents de département se dépatouiller dans des problèmes pour le moins épineux...

 

(1) Alpes-Maritimes, Ardennes, Bouches-du-Rhône, Calvados, Doubs, Essonne, Eure, Hauts-de-Seine, Jura, Mayenne, Nord, Oise, Orne, Seine-et-Marne, Seine-Maritime, Vals d'Oise, Var, Yvelines.

Noël Bouttier
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