Dans le secteur privé, les femmes salariées gagnent en moyenne 14,4% de moins de l'heure que les hommes, selon l'Insee, 8 de ces 14 points restant inexpliqués. Chez les cadres, près de la moitié de l'écart salarial entre les femmes et les hommes est dû à des facteurs propres à l'entreprise.
Au niveau national, l'Insee (institut national de la statistique) estime dans une étude publiée hier que les femmes salariées dans le secteur privé gagnent 14,4% de moins de l'heure que les hommes, en moyenne. L'écart reste donc important même s'il tend à baisser : il était de 16,8% en 1995. Mais attention, il ne s'agit pas d'une comparaison entre des femmes et des hommes travaillant dans la même entreprise, mais d'une statistique nationale (*).
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Seule une partie de cet écart (6 points, soit moins de la moitié) s'explique précisément. Pour une petite partie, par des écarts de structures liés à des situations individuelles variées, qu'il s'agisse du niveau de qualification, du diplôme, de l'expérience professionnelle, de l'ancienneté ou de l'âge (**). Mais ce sont surtout deux autres éléments qui entrent en compte. D'abord, les femmes appartiennent à des catégories socioprofessionnelle moins élevées que celles des hommes, ce qui expliquerait pour 2,9 points les plus faibles rémunérations féminines. Ensuite, il se produirait une "ségrégation inter-entreprises". L'appartenance des femmes à des entreprises de secteurs moins rémunérateurs jouerait pour 3,4 points dans les écarts. Elise Coudin, en charge de la division salaires et revenus à l'Insee, résume ainsi ce double facteur : "Une partie de l'écart expliqué provient donc du fait que les femmes occupent, d'une part, moins que les hommes des postes de cadres (Ndlr : 10% des femmes contre 15% des hommes) et, d'autre part, qu'elles travaillent dans des secteurs où les salaires sont plus faibles, comme la restauration-hébergement" (Ndlr : les femmes représentent 49% des salariés dans ce secteur où le salaire moyen est le plus bas).
Néanmoins, une fois ces facteurs retranchés, il reste un "écart inexpliqué" de 8,4 points entre les hommes et les femmes. "Autrement dit, si les femmes avaient le même dipl��me, âge, expérience, ancienneté dans l'entreprise, catégorie socioprofessionnelle, travaillaient dans le même secteur, la même région, dans une entreprise de même taille etc., elles gagneraient toujours 8,4 points de moins que les hommes", souligne Elise Coudin. Sachant que l'Insee prend la précaution de préciser que cet écart ne doit pas s'interpréter comme un indicateur de discrimination, où donc chercher les causes de cet écart "inexpliqué ? Deux éléments sont avancés dans l'étude.
Premièrement, on observerait une moindre valorisation de l'expérience professionnelle chez les femmes. "L'expérience accumulée par les femmes, c'est à dire la somme de toutes leurs périodes d'emploi salarié dans le secteur privé, hors interruptions de carrière, est moins valorisée que chez celle des hommes (..). Cet écart de valorisation est le signe de carrières salariales plus plates chez les femmes que chez les hommes. Il pourrait s'expliquer en partie aussi par une moindre valorisation de l'expérience professionnelle à temps partiel", avance l'Insee.
"L'employeur valorise moins l'expérience professionnelle des femmes même si elle équivaut à celle d'un homme", traduit Elise Coudin. Ce point serait-il lié aux grossesses, aux congés maternité ou parental ? "Les carrières plus plates chez les femmes sont clairement liées à des choix d'arbitrage entre la vie professionnelle et la vie privée, mais on ignore s'agit de choix contraints ou de choix libres et personnels", répond Elise Coudin.
Deuxième élément : les femmes seraient victimes d'un "effet de négociation". Cet effet correspond "à une différence de pouvoir de négociation entre les femmes et les hommes dans la partage de la richesse produite au sein d'une même entreprise". Cet écart peut résulter d'une moins bonne position hiérarchique des femmes dans l'entreprise comme de comportements discriminatoires. Cependant, l'effet de négociation paraît à l'Insee limité pour l'ensemble des salariés puisque 2,9% de l'écart de salaire moyen entre femmes et hommes résulterait de ce facteur. Il faut peut être y voir l'effet protecteur que représente, en termes de plancher de rémunération, le Smic, 13,5% des femmes étaient concernés par le salaire minimum contre 7,4% d'hommes.
L'Insee juge donc au final que les entreprises jouent un rôle limité dans les inégalités salariales s'agissant de l'ensemble des salariés. Faut-il y voir pour autant un blanc-seing pour les RH ? Pas vraiment. En effet, si l'effet de négociation n'explique que 2,9% des écarts de rémunération femme-hommes pour l'ensemble des salariés, cet effet représente...48,2% pour la catégorie des cadres, ce qui pose donc aussi la question des politiques sociales suivies par l'entreprise. "La moitié de l'écart de salaire moyen entre femmes cadres et hommes cadres provient donc des inégalité intra-entreprises", constate Elise Coudin, l'auteur de l'étude avec Sophie Maillard et Maxime Tô.
Mais l'explication concrète de cet effet reste à faire. Car cet effet semble résulter de faits (moindre présence des femmes dans les fonctions les plus rémunératrices de l'entreprise, du fait du plafond de verre) et de comportements ou trajectoires dont il faudrait savoir s'ils relèvent de choix libres (souci de concilier vie professionnelle et vie privée et donc renoncement à des postes élevés) ou contraints (du fait d'un mauvais partage des tâches domestiques, du fait de situations de discrimination). "Les salaires des cadres sont en effet le plus souvent le résultat d'une négociation directe entre le salarié et son employeur au cours de laquelle les hommes et les femmes peuvent différer dans leurs comportements de négociation salariale, leurs attentes en terme de rémunération, et les employeurs peuvent y répondre différemment selon le sexe", dit prudemment l'Insee. Difficile pour Elise Coudin, qui parle ici d'une "ségrégation verticale" dont seraient victimes les femmes cadres en entreprise, d'aller au-delà : "La seule méthode fiable pour déterminer des discriminations, c'est le testing".
S'il est un point sur lequel cette étude peut inspirer des délégués syndicaux dans une négociation sur l'égalité professionnelle, c'est certainement la nécessité de doter l'entreprise d'indicateurs sexués par catégorie socioprofessionnelle, indicateurs qui permettront de mesurer les progrès de la féminisation et donc de l'égalité salariale effective.
(*) L'étude se base sur les déclarations annuelles de données sociales (DADS) de 1995 à 2014, à partir desquelles a été constitué un échantillon correspondant à 1/24e de la population salariée.
(**) Certains de ces éléments contribuent à réduire l'écart de rémunération avec les hommes (l'âge avec -0,1 point, le diplôme avec -1,4 point la région d'emploi avec -0,1 point) mais la plupart creusent l'écart des inégalités, comme le secteur d'activité (+3,4 points), la catégorie socioprofessionnelle (+2,9 points) et l'expérience (+1,1 point).
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