Syndicats, élus et prestataires des CE/CSE attendent un retour de la mission sur les ASC

Syndicats, élus et prestataires des CE/CSE attendent un retour de la mission sur les ASC

11.09.2019

Représentants du personnel

L'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'inspection générale des finances mènent actuellement une mission sur les activités sociales et culturelles (ASC) servies aux salariés par les CE/CSE. Ses préconisations pour une évolution du cadre légal sont attendues pour octobre, sachant qu'une mission parlementaire pourrait être décidée dans la foulée.

Lancée en avril 2019 par Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des Comptes publics, et Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, une mission conjointe inspection générale des finances (IGF) et inspection des affaires sociales (IGAS) portant sur les activités sociales et culturelles (ASC) des CE/CSE devait faire l'objet d'un rapport en juin dernier. Mais elle a pris du retard : il est maintenant question de la mi-octobre pour un point d'étape sur le futur rapport.

Les règles permettant à un CE/CSE d'échapper au versement de cotisations sociales pour ses ASC ne reposent que sur une tolérance de l'Urssaf fixée à l'origine dans une circulaire. On peut ainsi les résumer :

Ne sont pas assujettis au prélèvement social ceux des avantages servis à un salarié par le CE/CSE dont le montant annuel est inférieur à 5% du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 168,85 € en 2019. Au-delà de ce plafond, ces avantages sont soumis aux cotisations et contributions sociales, sauf lorsqu'ils sont attribués à l'occasion d'événements, pour l'achat d'un bien déterminé en relation avec ces événements (rentrée scolaire, Noël, mariage, etc.), et dans une limite conforme aux usages correspondant à ce même seuil de 5% du plafond mensuel par événement et par an. Voir le site de l'Urssaf

Le but de la mission ? "Analyser la pertinence et le respect des règles actuelles de tolérance au vu des pratiques rencontrées permettant d'atteindre l'objectif de sécurisation énoncé par le gouvernement au cours des débats en LFSS 2019" (Ndlr : loi de financement de la sécurité sociale). Mais aussi "identifier les marges de manoeuvre disponibles et les actions à mettre en oeuvre pour tenir cet objectif et garantir la sécurisation juridique de ce dispositif, tout en permettant une harmonisation des pratiques".

De multiples auditions cet été et un questionnaire diffusé

Impossible d'obtenir directement des informations auprès de cette mission : "Pour préserver le bon déroulement de ses activités, l'IGAS a pour pratique de ne donner aucune information sur ses missions en cours", nous répond-elle dans un mail.

On sait cependant que les membres de cette mission, tels que l'inspecteur des finances Samuel Berger et l'inspecteur des affaires sociales Benjamin Ferras, ont réalisé cet été de multiples auditions, à la fois d'organisations syndicales, d'élus et acteurs des IRP (comme les réseaux inter-CE) et de prestataires des comités (voyages, billetterie, tourisme social, etc.).

L'inspection a notamment produit un questionnaire comprenant 47 items détaillés. Exemples des questions posées : l'employeur verse-t-il une contribution destinée à financer les activités sociales et culturelles du CE/CSE ? Quel est son montant ? Le CE/CSE propose-t-il des bons d'achats, pour quelle part de son budget ? Le CE/CSE gère -t-il une cantine, des équipements destinés aux vacances ? Verse-t-il des secours aux salariés ? Ces avantages sont-ils conditionnés à certains critères ? (voir le questionnaire ci-dessous, en document joint). Un questionnaire que les organisations professionnelles (ANDRH, mais aussi l'union nationale des caisses de sécurité sociale), patronales (UIMM, MEDEF) et syndicales (CFDT, etc.) ont été invitées à diffuser afin d'obtenir une meilleure image de la situation, avec des données chiffrées.

Certains acteurs restent méfiants

Difficile de savoir ce que préconisera la mission et le sort qui sera réservé à ces propositions. Les acteurs qui ont été reçus, s'ils ont tous argumenté sur l'utilité sociale pour les salariés comme pour les territoires d'un cadre légal favorable aux ASC (lire notre encadré), ont une impression mitigée. Les uns sont relativement confiants. "Je ne pense pas qu'ils vont enchaîner comme l'an dernier avec un texte modifiant les règles d'exonération dans le projet 2020 du budget de la sécurité sociale (Ndlr : devant le tollé suscité, le gouvernement avait finalement accepté le retrait en novembre 2018 de l'amendement prévoyant un forfait général de 332€ par an pour l'exonération des charges sociales). Les députés de la majorité ne me paraissent pas chauds", dit un prestataire. C'est aussi le sentiment et le souhait d'Inès Minin, secrétaire nationale CFDT, qui se veut très vigilante sur le sujet : "Nous avons eu l'impression que la mission avait dû mal à recueillir des données sur le sujet. Difficile dans ces conditions d'émettre des propositions. Nous demandons d'ailleurs une véritable concertation sur ce sujet."

D'autres sont plus inquiets. Ils voient la main de Bercy dans cette volonté de changement qui a déjà connu, depuis 2016, plusieurs tentatives de réalisation. "Derrière une mission technique visant à "sécuriser le régime des ASC" et à traiter les iniquités entre les salariés qui disposent d'un CE/CSE et ceux qui n'en ont pas, je vois une approche très politique consistant à imposer des plafonds pour que l'Etat récupère de l'argent", glisse cet autre acteur dont l'activité, liée aux voyages, pourrait être amputée de près d'un tiers en cas de relèvement des seuils d'exonération. Lamia Begin, dirigeante confédérale CGT en charge de la culture, du sport et du tourisme social, partage ces craintes : "Nous avons l'impression que cette mission appréhende la question des ASC sous le seul angle du pouvoir d'achat et des cotisations, ce qui est très réducteur. Nous redoutons que soit remise en cause la mutualisation des budgets au profit d'une individualisation imposable".

La mission parlementaire est toujours évoquée par le gouvernement

Signe de la volonté d'établir un consensus et de se donner le temps de légiférer ou au contraire d'aller vite sur le sujet ? Il semble que le gouvernement veuille toujours créer une mission parlementaire, faisant suite à l'inspection IGF-IGAS, pour traiter de ce cette question. C'est le sens d'une réponse ministérielle, publiée au Journal officiel du 6 août, à la question posée le 31 juillet par un député LREM, Sacha Houlié (Vienne). Ce dernier souhaite à la fois une clarification et une unification de la règle de calcul relative aux chèques-cadeau en faveur des salariés et l'ouverture des chèques-cadeaux "aux chefs d'entreprise de moins de 50 salariés dont les indépendants font partie", un thème déjà avancé l'an dernier par le député Paul Christophe.

Réponse apportée par le gouvernement : "Toute évolution dans ce domaine (Ndlr : avantages, cadeaux et bon d'achat délivrés par les CE/CSE) devra se faire sur la base d'un diagnostic partagé entre les parties prenantes et d'une vision commune des orientations souhaitables, ce qui requiert des travaux préparatoires approfondis. Une mission parlementaire devrait ainsi être constituée afin de mener à bien cette concertation et atteindre les objectifs que le gouvernement s'est fixé". En attendant, le gouvernement juge que l'absence de cadre clair (concernant le non assujettissement aux prélèvements sociaux des ASC grâce à la tolérance Urssaf)  "maintient ouverte une zone de risque potentiellement très significative pour les entreprises et les bénéficiaires de ces avantages".

Ajoutons qu'une mission visant à "refonder le tourisme domestique" (c'est-à-dire le tourisme pour tous) a été confiée en mars 2019 à la députée LREM Pascale Fontel-Personne (Sarthe). Cette mission, qui prend fin le 12 septembre, doit aborder la question des chèques-vacances. Son rapport pourrait être communiqué en vue du comité interministériel sur le tourisme prévu en décembre.

 

Les syndicats craignent une mesure "socialement injuste et économiquement risquée"

"Une mission IGF-IGAS ne remplace pas une véritable concertation. Il faut mettre tous les acteurs autour de la table", réagit Inès Minin. La secrétaire nationale CFDT, en charge de la consommation et du pouvoir d'achat, rappelle pourquoi l'idée d'un plafond général qui réduirait l'avantage des CE/CSE serait injuste : "Les comités qui ont les moyens pourraient continuer leurs ASC, pas les autres. Et l'idée de fiscaliser les ASC après une prime désocialisée et déflscalisée attribuée au nom du pouvoir d'achat, c'est bizarre non ?". 

 Fiscaliser les ASC après avoir défiscalisé la prime pouvoir d'achat serait bizarre !

 

La syndicaliste, qui rappelle l'utilité sociale des activités proposées par les CE/CSE telles que l'aide aux devoirs, par exemple, ajouter que la CFDT a lancé une réflexion pour aider les élus des comités à repenser leur politique sociale au regard des nouvelles attentes, y compris sociales et éthiques, des jeunes salariés.

Les CE ou CSE qui gèrent des ASC ont un rôle de "solidarité mutualiste", du fait des règles de redistribution interne, mais aussi un rôle de "facilitateur d'accès à la culture et aux loisirs dans l'entreprise", via par exemple les départs en colonies de vacances, et un rôle de "créateur de collectif dans l'entreprise" (spectacle de Noël), a souligné la délégation UNSA entendue par la mission IGF-IGAS, délégation qui comprenait Pierry Poquet, secrétaire élu d'un CSE d'IBM.

L'actuelle tolérance Urssaf doit être légalisée

 

"Les CE/CSE sont gérés par des élus qui sont démocratiquement élus par le personnel de l'entreprise sur la base à la fois d'un programme de revendications syndicales et d'option de gestion des activités sociales et culturelles (..) Depuis la loi sur la transparence financière des CE, les CE/CSE ont fait de gros efforts dans la sécurisation des règles de gestion et la transparence financière de leurs comptes", souligne Pierry Poquet. L'UNSA insiste sur les retombées des ASC (TVA, conséquences économiques pour le secteur loisirs-culture) dont le volume total pourrait représenter 1 milliard d'euros en France (la lettre de mission évoque le chiffre de 3,2 milliards mais cette somme engloberait les dotations de fonctionnement), estime que l'actuelle tolérance Urssaf doit être "légalisée".

Environ 105 CE sont propriétaires de 893 hébergements touristiques (375 villages de vacances), 266 colonies de vacances, et 102 autre hébergements, renchérit la CFE-CGC pour laquelle "les ASC et notamment les chèques-vacances permettent aux salariés notamment les plus modestes de partir en vacances". Pour le syndicat, une remise en cause de ce régime provoquerait in fine "des suppressions d'emplois et une fragilisation de ces secteurs".

 Il faut analyser l'impact de tout changement

 

Il faut donc, "avant de remettre en cause" le régime actuel des ASC, "analyser l'impact d'une telle mesure afin d'avoir une vision d'ensemble des effets négatifs générés", sous peine de créer une mesure "socialement injuste et économiquement risquée". Enfin, la CFE-CGC bat en brèche l'argument selon lequel le dispositif actuel peut engendrer des effet de détournement en entraînant des substitutions à des hausses de salaires : "Les ASC sont des prestations qui ne se traduisent pas systématiquement par une dotation financière au bénéficiaire. Elles peuvent se traduire par des événements collectifs (spectacle, sortie culturelle, activités sportives, etc.).

Nous réclamons l'obligation de verser un budget ASC de 3%

 

La CGT, pour sa part, réclame un versement obligatoire des entreprises pour les activités sociales culturelles d'au minimum 3% de la masse salariale, ainsi qu'une politique d'aide à l'investissement pour les CE/CSE ou interCE/CSE qui ont des infrastructures (centres de vacances par ex.). Des revendications élevées mais assumées par une CGT qui juge que les ASC sont malheureusement trop souvent perçues comme un complément de salaire alors qu'il s'agit de favoriser les vacances, l'accès aux sports, aux loisirs et à la culture "dans un sens émancipateur", selon les mots de Lamia Begin, dirigeante confédérale en charge de ces questions.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Découvrir tous les contenus liés
Bernard Domergue
Vous aimerez aussi