Un « Appel de Grenoble » pour réanimer le Droit au logement opposable

Un « Appel de Grenoble » pour réanimer le Droit au logement opposable

06.03.2019

Action sociale

Afin de relancer un Dalo en voie de "fragilisation", le comité de suivi de la loi de 2007 demande à améliorer l’accompagnement vers ce recours, pour toutes les personnes sans domicile et mal logées. Nombre de travailleurs sociaux semblent avoir renoncé, particulièrement, à invoquer le droit à l’hébergement opposable. L'équipe juridique mobile de Grenoble est citée en exemple.

« Un droit peut s’éteindre. Et c’est bien ce que nous craignons. » Tout autour de Marie-Arlette Carlotti, les mines paraissent graves, ce 4 mars, dans les salons de l’hôtel de ville de Grenoble. La loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (Dalo) fête, pourtant, son douzième anniversaire. Mais le Comité de suivi de ce texte n’est pas venu retrouver sa présidente en Isère pour souffler les bougies. Le moment est venu, bien plus, de lancer un « appel solennel », et même « un cri, un hurlement de révolte, pour que vive le Dalo », harangue l’ancienne ministre déléguée à la Lutte contre l’exclusion.

Trop faible recours

Car au dire de Marie-Arlette Carlotti, cette possibilité de faire garantir par l’Etat son droit au logement est aujourd’hui en voie de « fragilisation ». En douze ans, indéniablement, la loi de 2007 a prouvé son utilité, en permettant à plus de 148 000 ménages reconnus comme « prioritaires » d’obtenir, en définitive, un toit. Il reste que plus de 54 000 « naufragés du Dalo » sont encore en attente de solution, alors même que ce droit leur a été officiellement reconnu. Et du reste,  malgré la hausse des prix du logement, le nombre de recours a étrangement stagné ces dernières années - avant de repartir à la hausse, toutefois, en 2017. Cependant la présidente du Comité de suivi insiste sur la mise en œuvre du droit à l’hébergement opposable (Daho). La France, rappelle-t-elle, compte aujourd’hui plus de 140 000 personnes à la rue. Or, cette autre procédure de la loi de 2007 n’a été engagée que pour 10 000 d’entre elles, en 2017. Comment se contenter d’un si faible recours ? L’appel lancé à Grenoble par le Comité de suivi de la loi Dalo est bien un « appel du refus de la résignation », conclut Marie-Arlette Carlotti.

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Le texte adopté et diffusé le 4 mars entend donc remobiliser autour du Dalo. « Sans demande exprimée, ces personnes ne sont plus comptabilisées dans les statistiques publiques et leurs droits ne sont pas respectés », est-il ainsi rappelé. Et « sans recours au droit, aucune pression ne s’exerce pour que les politiques publiques en matière d’hébergement, de logement et de prévention des situations de rupture, soient enfin proportionnées aux besoins ».

Le Comité de suivi et ses quarante organisations membres demandent donc, en premier lieu, une campagne nationale pour « faire valoir les droits des personnes sans-abri ». L’enjeu est de « pouvoir proposer un accompagnement » vers le Dalo et le Daho « à toutes les personnes concernées ». Les signataires réclament donc des financements « aux collectivités, aux bailleurs sociaux et aux militants associatifs » qui peuvent s’y investir. Et ils souhaitent que cet accompagnement soit inscrit « dans les référentiels d’intervention sociale et que les professionnels soient mieux formés sur ces questions ».

En outre, il est demandé que « des équipes juridiques mobiles (EJM) soient constituées dans chacune des 23 métropoles de France, à l’image de celle lancée à Grenoble, pour aller à la rencontre des personnes sans-abri et les accompagner dans leurs démarches ».

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A Grenoble, une équipe pour remobiliser

De fait, en Isère, ce service a été constitué en juin 2018 par la municipalité, sur une idée de David Laumet (1) et Julien Levy, deux militants engagés contre le sans-abrisme. Cette équipe repose sur une travailleuse sociale, une écrivaine publique, une travailleuse paire, des juristes stagiaires, ainsi qu’un coordinateur. Comme l’explique ce dernier, Pierre-Luc Fayolle, « l’objectif est que les travailleurs sociaux se remobilisent et réutilisent le Dalo, qu’ils avaient abandonné comme il ne portait pas ses fruits ». Il est vrai qu’avec la commission de médiation de l’Isère, les décisions sont moins souvent favorables qu’ailleurs - non seulement pour le Dalo (avec 27 % d’accords, contre 31 % en moyenne nationale, en 2017), mais plus encore pour le Daho (13 %, contre une moyenne de 53 %). L’EJM propose donc de l’information ainsi que des formations sur les procédures, pour les professionnels et pour les bénévoles. Elle mobilise également les publics concernés, jusque par des maraudes. Et elle propose un appui juridique, pour contester éventuellement les décisions de la commission de médiation - y compris devant les tribunaux.

Un message aux travailleurs sociaux

Selon les signataires de l’Appel de Grenoble, la relance du Dalo passera donc, notamment, par les travailleurs sociaux. Car ceux-ci, aujourd’hui, « baissent les bras et n’utilisent plus cet outil juridique », observe Flore Chalayer, à l’Uriopss Auvergne-Rhône-Alpes. Même dans les hébergements ou les accueils de jour, « le travail social a parfois perdu le fil du droit au logement », observe Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité, mettant en cause le poids des urgences, les difficultés à trouver des solutions de sortie, ou encore les carences dans les formations… Cet Appel de Grenoble est donc « un message à l’Etat mais aussi au secteur », poursuit-il : il faut « mettre à disposition les outils juridiques et de formation, pour que les travailleurs sociaux retrouvent le sens du droit au logement ». Ce plaidoyer isérois sera-t-il entendu par le gouvernement ? L’un de ses signataires a au moins pris les devants : l’Association Dalo vient de mettre en ligne un guide pratique pour accompagner, concrètement, au Daho.

(1) David Laumet est membre du comité éditorial de TSA.

Olivier Bonnin
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