Nouveau statut pour les auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i), renforcement de la coopération entre l'école et les structures sociales et médico-sociales, adaptation de l'offre médico-sociale... Autant de réformes aux modalités encore floues que l'Etat compte déployer et qui s'inspirent d'un énième rapport très critique du sénateur Paul Blanc.
Rares sont les rapports commandés par les tenants de l'exécutif – chef de l'Etat, membres du gouvernement – qui sont rendus dans les délais et sont suivis d'effets. Celui sur la "scolarisation des enfants handicapés", sous la plume du sénateur des Pyrénées-Orientales, Paul Blanc, en fait partie. Daté de mai, il a été rendu public par l'Elysée (à l'origine de la commande) à la faveur de la seconde Conférence nationale du handicap qui s'est déroulée le 8 juin (lire ici notre article général consacré à l'événement). Particulièrement minutieux, le document est visiblement à l'origine des principales mesures annoncées par Nicolas Sarkozy dans une atmosphère "très revendicative du côté des associations", comme l'a justement observé Paul Blanc sur Public Sénat.
Coup d'arrêt aux contrats aidés pour les AVS-i
Le discours présidentiel est axé sur la réforme du statut des auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i). Et contient une annonce phare saluée hier par l'Unapei : "nous allons rompre avec le recours aux contrats aidés, qui, il est vrai, nous ont permis de faire face à l'augmentation très forte des besoins, mais qui ne permettent pas d'assurer un accompagnement de qualité". Le chef de l'Etat s'est ainsi fait l'écho des constats sévères, mais néanmoins bien connus des associations du secteur et des syndicats, dressés par le rapport Blanc.
Des AVS-i transformés en "AS"
Que deviendront les contrats en cours ? Le dossier de presse diffusé par le ministère des solidarités évoque de manière laconique leur remplacement progressif dès 2012 "par des professionnels mieux formés, plus qualifiés, sur des contrats de trois ans renouvelables une fois". Ces personnels d'un nouveau genre seraient baptisés "assistants de scolarisation" (AS), sous contrat de droit public. Concrètement, le gouvernement prévoit le recrutement de "2 000 [AS] qualifiés supplémentaires [par rapport à 2010] dès la rentrée 2011, 4 500 pour la rentrée 2012 et 7 200 pour la rentrée 2013". Le tout représentant un effort financier d'environ 200 millions d'euros entre 2010 et 2013.
Le nouveau statut des AS profiterait aussi aux assistants de vie scolaire collectifs (AVS-Co) qui interviennent auprès des équipes éducatives en Clis ou unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis). Comme suggéré par Paul Blanc, le gouvernement souhaite favoriser leur intervention en milieu ordinaire "au sein de pôles ressources mutualisés et animés par les enseignants référents".
Vers un nouveau partenariat avec les associations ?
"Les associations sont les bienvenues dans l'école de la République", a par ailleurs clamé Nicolas Sarkozy. Le croisement de son discours avec le dossier de presse ministériel permet de tracer une perspective d'évolution. Les modalités d'emploi des AVS-i transférés aux associations (voir nos articles ici et là) pourraient ainsi être redéfinies, "le cadre juridique et financier [n'étant actuellement] pas propice à cette intervention", a concédé le chef de l'Etat. Comme le démontre le rapport Blanc qui avance des propositions plus concrètes et diversifiées (voir p. 45), la reprise des AVS-i en fin de contrat par le milieu associatif est globalement un échec (voir p. 31 et suivantes). Au 31 mars dernier, 50 conventions locales avaient en effet été signées entre les inspections académiques et les associations, pour 123 personnes (effectifs) recrutées et 192 enfants accompagnés. Une des causes identifiées de ce flop tient en l'impossibilité pour les associations "de faire financer par les pouvoirs publics de manière pérenne l'intervention des AVS-I au-delà du temps scolaire". "Or, poursuit Paul Blanc, un des enjeux du transfert des AVS-I aux associations est bien la mise en place d'une possibilité de prise en charge des enfants handicapés de manière transversale, y compris en dehors du temps scolaire".
Valorisation des structures sociales ou médico-sociales
Notons encore six mesures intéressant les gestionnaires d'établissements et services sociaux ou médico-sociaux prenant en charge des enfants handicapés. Parmi elles : la rénovation du mode de tarification, afin d'améliorer "l'allocation des ressources en fonction de la lourdeur des accompagnements nécessaires". Les agences régionales de santé (ARS) devraient par ailleurs désigner des "correspondants scolarisation" et renforcer leur coopération avec les rectorats "pour la planification de l'offre de scolarisation". Il s'agit là d'une recommandation du rapport Blanc qui, au passage, écorne les ARS. Celles-ci sont en quelque sorte accusées d'avoir contribué au retard pris dans l'adaptation de l'offre médico-sociale en ayant, "dans un premier temps, donné la priorité aux politiques de l'offre de soins". Notons enfin que le gouvernement envisage de "renforcer la coopération [du médico-social] avec le milieu ordinaire". Référence elliptique qui tranche avec les propositions sénatoriales, fondées sur un état des lieux consternant (voir p. 35 du rapport).
Beaucoup de flou
Dans leur principe, ces diverses annonces vont dans le bon sens. Mais comme souvent, la prudence reste de mise. Pour au moins deux raisons. D'une part, en dehors du recrutement "d'assistants de scolarisation" programmé dès la prochaine rentrée, aucun engagement précis n'a été pris par l'Etat sur le calendrier de mise en oeuvre des autres réformes. D'autre part, les annonces étant générales – forcément dans le contexte d'une "conférence nationale" ? –, se pose la question des modalités de leur concrétisation (et des moyens y afférents). Comment notamment la formation des AS sera-t-elle mise en place puis évaluée ?
Sybilline Chassat-Philippe