(Vidéo) Chômage : la négociation bousculée par le débat sur la loi Travail

(Vidéo) Chômage : la négociation bousculée par le débat sur la loi Travail

22.02.2016

Représentants du personnel

Les négociations sur l'assurance chômage ont débuté hier au Medef dans un contexte tendu. Les artisans ont claqué la porte pour marquer leur désaccord sur le calcul de la représentativité patronale. Les syndicats ont écarté toute dégressivité des allocations et réclamé des hausses de cotisations. Et le cadrage de la négociation sur les intermittents fait débat...

 

 

 

Syndicats et patronat ont jusqu'à fin juin pour renégocier la convention d'assurance chômage, l'actuelle étant en vigueur depuis le 1er juillet 2014 (lire notre encadré). Ils le font dans un contexte social et politique tendu par au moins trois éléments : 

  • la publication de l'avant projet de loi Travail, qui met le cap sur la négociation d'entreprise dans un objectif de flexibilité accru, avec une redéfinition du licenciement économique, des accords de l'emploi offensifs et un barème prud'homal plafonnant les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce texte rabat aussi les cartes de la représentativité patronale;
  • la situation du régime de l'Unedic, dont l'endettement atteint 26 milliards d'euros fin 2015 et pourrait culminer à 35 milliards en 2018 selon les estimations de la Cour des comptes. Le Président de la République et le gouvernement ont d'ailleurs mis la pression sur les partenaires sociaux en souhaitant la dégressivité des allocations chômage afin de réaliser 800 millions d'euros d'économies sur le régime, une position défendue aussi par l'association des grandes entreprises privées (Afep) au nom de l'incitation au retour à l'emploi;
  • la poursuite de l'augmentation du chômage, avec 90 000 chômeurs supplémentaires en 2015, et le plan massif de formation des chômeurs voulu par l'Exécutif. Cette augmentation va peser sur les comptes de l'Unedic, les allocations constituant aussi "un amortisseur social" majeur en temps de crise.
Les artisans mécontents

SIgne de ces tensions : cette négociation a commencé par un coup d'éclat de l'Union professionnelle artisanale (UPA). La délégation des artisans a quitté la salle au bout de dix minutes pour protester contre l'accord CGPME-Medef sur la représentativité patronale, repris dans le projet de loi Travail. Cet accord vise à calculer l'audience de chaque organisation patronale en fonction non plus de ses seuls adhérents mais aussi du nombre de salariés des entreprises adhérentes. "La CGPME et le Medef nous considèrent comme des moins que rien. Mais c'est quand même les petits dans ce pays qui pourront créer des emplois, et des emplois durables", s'est énervé Patrick Liébus, vice-président de l'UPA en demandant une révision de ce calcul d'audience.

Les syndicats, pour leur part, ont haussé le ton en excluant toute dégressivité des indemnités chômage, CFDT comprise, la CGT profitant de l'exposition médiatique de la négociation pour dérouler une banderole "contre la criminalisation de l'action syndicale", dans une allusion à Goodyear. "Le Medef se sent pousser des ailes. Ils se disent : si on n'obtient pas satisfaction, le gouvernement répondra à notre demande", a lancé Eric Aubin, négociateur CGT, fâché de devoir à nouveau négocier dans les locaux du Medef. De FO à la CFE-CGC, les organisations syndicales ont souhaité une hausse des cotisations des entreprises qui recourent aux contrats courts et précaires. Le chef de file des négociateurs du Medef, Jean Cerutti, s'est montré prudent à l'ouverture des négociations : "Il va falloir accepter de réformer les règles de l'assurance chômage pour favoriser un retour rapide à l'emploi".

Un calendrier défini mais pas de méthode

Les partenaires sociaux ont écouté la présentation chiffrée faite par l'Unedic de la situation et des prévisions du régime. Ensuite, ils ne sont pas vraiment entrés dans le vif du sujet. Ils ont défini un calendrier de négociation (les 8 mars, 24 mars, 7 avril, 28 avril et 12 mai). Réussir un accord en 4 réunions paraît "irréaliste" à Franck Mikuka (CFE-CGC). Les partenaires sociaux n'ont même pas établi de document de cadrage pour le régime des intermittents, désormais "sanctuarisé" dans la loi Rebsamen. En effet, ce régime, qui bénéficie d'un traitement de faveur de l'Etat qui prend en charge le différé d'indemnisation, doit ouvrir parallèlement des négociations le jeudi 25 février au CESE (conseil économique et social). Les partenaires sociaux ne s'accordent pas sur la nature juridique de ce cadrage. "Pour nous, il faut définir des principes communs, il ne saurait y avoir un sous régime", dit Véronique Descacq (CFDT). Stéphane Lardy (FO) concède que l'enjeu des quinze prochains jours sera la formulation de cette lettre de cadrage que le champ professionnel de l'intermittence devra respecter. "Il faut un document de cadrage mais qui laisse de réelles marges de manoeuvre, sinon cela n'aurait pas de sens", avertit cependant Eric Aubin (CGT).

La taxation des contrats courts est réclamée par tous les syndicats

Mais l'enjeu de l'avenir du régime général, "avec 6 millions d'inscrits à Pôle emploi", est historiquement important, souligne Stéphane Lardy qui plaide pour "une augmentation des recettes et pour un traitement visant les contrats courts". "ll y a de larges marges de progrès pour que les entreprises soient plus vertueuses en matière de précarité", renchérit Véronique Descacq (CFDT), qui soutient qu'il est "impossible avec un fort chômage d'équilibrer les comptes".

"Il faut intégrer les contrats d'usage et les contrats d'intérim dans les surcotisations, ainsi que les ruptures conventionnelles qui coûtent 4 milliards à l'Unedic", plaide également Eric Aubin (CGT). Ce syndicat veut aussi un déplafonnement des allocations et contributions "qui amènerait un solde net de 700 millions et permettrait d'améliorer la situation des demandeurs d'emploi". Franck Mikula, au nom de la CFE-CGC, relève en effet qu'il faut remédier aux déséquilibres actuels ("les CDI rapportent 10 milliards d'euros et les CDD en coûtent 7 milliards au régime") en trouvant des systèmes "pour faire davantage contribuer les entreprises qui abusent des contrats à durée limitée".

Le patronat veut d'abord échanger sur le diagnostic

Le contexte est pesant et lourd, a d'ailleurs regretté Franck Mikula. En réponse aux demandes d'économies du gouvernement, le négociateur CFE-CGC juge que ce n'est que lorsque la reprise économique sera là avec des créations d'emploi, "ce qui n'est pas pour demain",  que pourront être envisagées des économies sur le régime d'assurance chômage. "En attendant, dit-il, il n'est pas possible de laisser des millions de personnes sur le bord de la route". 

Chef de file de la délégation patronale, Jean Cerruti (Medef) a refusé de répondre pour l'instant à ces demandes syndicales : "Il nous faudra examiner les différentes idées à l'aune du besoin d'accompagnement des demandeurs pour les aider à retrouver un emploi". Le patronat juge d'abord nécessaire d'étudier le diagnostic chiffré de l'Unedic, sans occulter le risque que représenterait pour l'avenir du régime une hausse des taux d'intérêts.

 

Les dispositions de l'actuelle convention

Entrée en vigueur en juillet et octobre 2014, la convention d'assurance chômage du 14 mai 2014, signée par les syndicats (CFDT, CFTC ,FO) et le patronat (CGPME, Medef, UPA) prévoit qu'un salarié a droit à indemnisation (un jour cotisé = un jour indemnisé) s'il a travaillé au moins 4 mois durant les 28 derniers mois (ou 4 mois durant les 36 dernier mois pour les chômeurs de 50 ans et plus). L'indemnité est de 75% du salaire pour un salaire inférieur à 1 143€. Mais pour les demandeurs d'emploi dont le salaire brut était supérieur à 2 054 €, l'allocation a été réduite de 57,4% à 57% du salaire journalier brut, sachant qu'un différé d'indemnisation important (180 jours contre 75 jours auparavant) a été mis en place. En moyenne, selon l'Unedic, le taux moyen de remplacement brut du salaire est de 60%.

La durée d'indemnisation ne peut dépasser 24 mois (730 jours) pour les moins de 50 ans et 36 mois à partir de 50 ans (1 095 jours). La convention a mis en oeuvre les droits rechargeables, les droits ouverts par une reprise d'emploi s'ajoutant aux anciens droits non consommés. Selon l'Unedic, ce système a porté ses fruits en faisant reculer de 21% au 4e trimestre 2014 par rapport au 4e trimestre 2013 les situations de "fin de droits". Par ailleurs, la part patronale des contributions d'assurance chômage a été relevé  :

  • de 3 points (soit de 4% à 7%) pour les CDD de moins d'un mois;
  • de 1,5 points (soit de 4% à 5,5%) pour les CDD de 1 à 3 mois.
  • de 0,5 point pour les CDD d'usage de moins de 3 mois (de 4% à 4,5%).

Selon l'Unedic, ce système de majoration n'a rapporté que 69 millions de cotisations supplémentaires par an, notamment parce que la majoration la plus forte (CDD de moins d'un mois) porte sur l'assiette la plus faible.

A noter que moins de la moitié (43%) des inscrits à Pôle emploi perçoivent une allocation d'assurance chômage et que la dégressivité des allocations, de 1992 à 1996, n'aurait selon l'Insee pas provoqué d'effet incitatif à la reprise d'emploi.

Pour en savoir plus, voir :

►la synthèse des dispositions actuelles du régime sur le site de l'Unedic;  

►Le programme d'évaluation de l'actuelle convention par l'Unedic;

L'évaluation des effets des droits rechargeables (décembre 2015);

►CDD : 3 embauches sur 4 se font chez un ancien employeur (22 janvier 2016).

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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