Des militantes réclamant à la tribune la parité au bureau confédéral : c'est l'image qui restera du congrès confédéral de la CFTC, qui s'est achevé vendredi à Vichy. Le défi de la féminisation se double de celui du maintien de la représentativité pour le syndicat chrétien qui tente de faire entendre sa voix sur la réforme du code du travail et le compte personnel d'activité.
Le seul coup d'éclat du 52e congrès de la CFTC, dont les débats auront été bien calmes, aura été, vendredi matin 20 novembre, l'irruption sur la scène de l'opéra de Vichy de militantes syndicales aux cris de "parité, parité", lors de la présentation de la nouvelle équipe du bureau confédéral, qui ne compte que trois femmes sur quatorze membres (lire notre encadré). L'enjeu de la féminisation des instances dirigeantes du syndicat s'ajoute à un autre défi de taille pour le nouveau duo dirigeant, Philippe Louis, reconduit comme président, et Bernard Sagez, nouveau secrétaire général qui succède à Pascale Coton : la préservation pour 2017, alors que la CFTC aura 100 ans en 2019, de la représentativité du syndicat (voir nos interviews vidéo).
"30 000 voix supplémentaires dans 3 021 entreprises"
La confédération des travailleurs chrétiens dénombre aujourd'hui entre 135 000 et 140 000 adhérents. Suffisant en vue de la deuxième mesure de la représentativité nationale en 2017 ? "Notre analyse des résultats aux élections professionnelles dans 3 021 entreprises, publiés par le ministère du Travail pour le cycle électoral en cours, révèle un gain de 30 000 voix pour la CFTC, répond Philippe Louis. Et nous nous sommes implantés dans 3 350 nouveaux établissements, avec le plus souvent un bon premier résultat électoral. Nous avons aussi désigné 900 nouveaux délégués syndicaux en un an". Le syndicat affirme compter de nombreuses nouvelles sections dans les secteurs du commerce et des services. Mais 80% des adhérents sont concentrés au sein de quatre fédérations : métallurgie, commerce, enseignement privé et santé. Une donnée qui interpelle quant à la capacité pour la CFTC, dont certains militants critiquent le manque d'appui technique (lire notre article), de demeurer représentative dans la majorité des branches professionnelles.
À travers le CPA, proposer un "nouveau contrat social"
La confédération du syndicat chrétien devra aussi mettre en oeuvre les grandes orientations politiques adoptées dès jeudi matin, dans une salle d'assemblée plénière plutôt clairsemée. Instaurer un "statut du travailleur" pour un déroulement plus "fluide" de la carrière professionnelle, telle est la priorité de Bernard Sagez. "Le nouveau compte personnel d'activité (CPA), composé de droit rattachés à la personne, peut être un véritable outil de pilotage pour accompagner l'accélération des évolutions du travail. Si l'on veut sécuriser la carrière, tout travail doit générer des droits", soutient le secrétaire général. Outre le compte personnel de formation (CPF) et le compte personnel de prévention de la pénibilité, la motion d'orientation retenue par la confédération préconise d'intégrer au futur CPA :
- la complémentaire santé ;
- une garantie universelle des loyers pour assurer l'accès et le maintien au logement ;
- un droit à congé parental individualisé et fractionnable jusqu'à la majorité de l'enfant ;
- à plus long terme, la dépendance et la retraite.
"C'est cette vision très large du CPA, dont l'objet serait de couvrir l'ensemble des travailleurs pour l'ensemble des facteurs d'insécurité, que nous allons défendre devant la ministre du Travail Myriam El Khomri, assure le président de la CFTC, Philippe Louis. À l'image de la sécurité sociale d'après guerre, il faut repenser un système de protection universel le plus complet possible contre la réalisation des risques professionnels et personnels ".
"À l'entreprise de provisionner le risque social"
Pour la CFTC, le CPA ne doit pas pour autant se substituer aux obligations de l'employeur à l'égard de ses salariés. "Nous défendons la création d'une provision pour risque social de l'entreprise, comme c'est déjà le cas pour le risque juridique et qui ouvre droit à un avantage fiscal, a expliqué jeudi Joseph Thouvenel aux congressistes. Ce fond devra financer la formation des salariés sur les nouveaux métiers pour préserver la compétitivité de l'entreprise ou, en cas de licenciements économiques, renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi ou encore permettre le maintien de la complémentaire santé pendant la phase de transition professionnelle, poursuit le vice-président confédéral. Tout cela, sous le contrôle des organisations syndicales". L'occasion pour Joseph Thouvenel d'interpeller les élus de CE sur le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) : "L'idée d'aider les entreprises par des mesures fiscales n'est en soi pas mauvaise, reconnaît-il. Mais il vous revient de vérifier que cet argent est utilisé par l'emploi pour innover, recruter, et non pas à davantage de dividendes aux actions ou délocaliser la production à l'étranger". Sur les salaires, la motion d'orientation de la CFTC avance l'idée de plafonner la plus haute rémunération dans l'entreprise à douze fois la plus basse. Il conviendrait également, selon Philippe Louis, de réévaluer les salaires au regard de l'utilité sociale du travail réalisé : "Une puéricultrice ne devrait pas être moins rémunérée qu'un trader".
Flexi-sécurité : "Bouger, oui, mais avec un cadre"
Dans la continuité du rapport remis à la rentrée par l'ancien DGT Jean-Denis Combrexelle, la CFTC se livre à un numéro d'équilibriste pour concilier flexibilité et sécurité : "Il faut laisser plus de souplesse à la négociation pour permettre à l'entreprise de s'adapter, sans pour autant remettre en cause le code du travail, résume Joseph Thouvenel. La loi c'est le socle sur lequel on s'appuie. On ne peut pas permettre à chaque entreprise de fixer sa propre loi, ne serait-ce que pour éviter le dumping social. Mais il ne faut pas non plus figer les choses. Bouger, oui, mais avec un cadre". Des remarques auxquelles la ministre du Travail, dans son discours de clôture, a promis de tenir compte : "Votre esprit de réforme, toujours vigilant mais constructif, sera un atout dans le chantier que j'ai ouvert sur le code du travail", a dit Myriam El Khomri qui a également assuré la CFTC que ses propositions sur le compte personnel d'activité (CPA) "enrichiront de manière considérable l'issue de cette négociation".
(*) Le bureau confédéral compte 4 vice-présidents : Pacale Coton (chargée de la protection sociale et retraites), Joseph Thouvenel (toujours chargé des négociations interprofessionnelles, Eric Courpotin suivant le dossier de l'assurance chômage), Patrick Ertz (président de la fédératon commerce et forces de vente) et Joseph Crespo (président de la fédération métallurgie). Parmi les trois femmes du bureau figure Isabelle Thérain, qui devient trésorière. Les cadres CFTC et le secteur de la banque ne sont plus représentés au bureau, d'où leur abstention lors du vote de la nouvelle équipe. Par ailleurs, Jean-Michel Tessier, secrétaire général adjoint, suivra les élections professionnelles et Pierre Jardon, secrétaire confédéral, le dialogue social.
"Parité, parité, parité" : les femmes investissent la tribune |
---|
D'ici son prochain congrès dans quatre ans, la confédération devra corriger le tir s'agissant de la parité. Le syndicat, qui revendique 44% de femmes parmi ses adhérents, n'en compte pourtant que 3 parmi les 14 membres du bureau confédéral. Vendredi matin, lors de la présentation aux militants de la nouvelle équipe dirigeante par Philippe Louis, plusieurs dizaines de femmes ont d'ailleurs décidé de boycotter l'assemblée plénière pour dénoncer ce déséquilibre. Après avoir clamé plusieurs minutes leur exaspération "Parité, parité, parité !" dans les couloirs de l'opéra de Vichy, ces militantes ont décidé de revenir en plénière pour investir d'autorité la scène où se tenait un Philippe Louis quelque peu troublé par l'incident. Le président réélu a d'ailleurs présenté ses excuses en promettant d'introduire des mesures favorisant l'émergence des femmes au niveau confédéral. Il a aussi appelé les responsables des syndicats, unions régionales et fédérations à agir en ce sens. |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.