Un barème prud'homal incitatif, une promesse de limiter les abus liés aux licenciements économiques, un compte personnel d'activité (CPA) musclé pour les non qualifiés : le gouvernement annonce quelques modifications qui satisfont les syndicats réformistes. Mais le coeur du projet, à savoir le renforcement de la négociation collective aux fins de flexibilité, n'est pas modifié.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Face au tollé suscité dans les rangs syndicaux et dans les organisations de jeunesse par le contenu de l'avant projet de loi Travail, le gouvernement va modifier son texte pour au moins rallier les syndicats dits réformistes, alors que FO, CGT et SUD continuent pour leur part à réclamer le retrait du texte, motif de la grève du 31 mars. A entendre les réactions, notamment de Laurent Berger de la CFDT, de Carole Couvert, de la CFE-CGC et de Philippe Louis de la CFTC (voir notre vidéo), le Premier ministre, qui souhaite "un nouveau départ pour ce texte", semble sur le point d'y parvenir. Le secrétaire général de la CFDT a jugé hier soir que la pression exercée par les syndicats avait permis des avancées pour aboutir à un texte plus équilibré. Au contraire, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a jugé que rien d'essentiel n'avait bougé et que le texte renversait la hiérarchie des normes, ce contre quoi le Premier ministre s'est insurgé : "Ce n'est pas le cas. Le texte prévoit simplement -comme le droit du travail le permet depuis les lois Auroux- les conditions dans lesquelles certains accords peuvent déroger à la norme supérieure".
Le nouveau projet devrait être transmis aujourd'hui au Conseil d'Etat pour être présenté le 24 mars en conseil des ministres. Mais tant que nous n'aurons pas le contenu précis du texte, il faudra rester prudent sur la nature exacte des changements apportés au projet initial. Plusieurs modifications ont néanmoins été promises hier soir par Manuel Valls, Myriam El Khomri et Emmanuel Macron par rapport au texte précédent transmis au Conseil d'Etat. Passage en revue.
Barème prud'homal obligatoire. Le barème prud'homal ne sera plus imposé mais sera indicatif. Cela signifie que le projet de loi Travail va préciser le référentiel indicatif dont le principe figure déjà dans la loi Macron (article 258) mais dont le décret d'application n'est jamais paru (*). Tous les syndicats réclamaient le retrait de ce barème obligatoire fixant des plafonds de dommages et intérêts pour les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse. Les plafonds envisagés (de 3 à 15 mois) étaient d'ailleurs singulièrement plus bas que le premier barème introduit dans la loi Macron et censuré par le Conseil Constitutionnel. Reste que l'objectif du gouvernement est bien, comme l'a dit le ministre de l'Economie, d'harmoniser les décisions des différents prud'hommes afin de convaincre in fine du bien fondé de plafonds prud'homaux, la logique du gouvernement étant toujours de considérer que les chefs d'entreprise ont peur d'embaucher parce qu'ils ne connaissent pas à l'avance le coût d'éventuels licenciements. Les responsables du Medef et de la CGPME (celle-ci parlant d'une mesure "nulle et sans effet") ont regretté hier l'abandon du caractère obligatoire du barème.
Astreintes, durée du travail des apprentis, temps d'habillage et de déshabillage, fractionnement du repos quoitidien. Sur tous ces sujets, le Premier ministre, qui n'a laissé hier que très peu souvent la parole à sa ministre du Travail lors du point presse, l'a promis : en l'absence d'accord collectif, "le projet de loi ne changera pas les dispositions applicables aujourd'hui". L'élargissement de la durée de travail envisagée pour les apprentis sans autorisation préalable (jusqu'à 10h par jour et 40h par semaine) serait par exemple abandonnée. Pour les congés pour événements familiaux (mariage, naissance, décès, etc.), a encore promis Manuel Valls, "l'accord ne pourra pas fixer de durée inférieure à celle applicable en l'absence d'accord".
Licenciements économiques. C'est avec le barème prud'homal la mesure la plus contestée du projet Travail : l'élargissement des motifs de licenciement économique.
(voir nos articles : "Licenciements économiques : l'analyse des experts des CE" / "Licenciements économiques : vers un encadrement renforcé du juge").
Cet article devrait être remanié mais pour l'instant assez légèrement. En effet, les références à la baisse des commandes, aux pertes d'exploitation ou du chiffre d'affaires devraient rester. De même, l'appréciation des difficultés économiques se fera toujours sur un périmètre français. Cette appréciation se fera "au niveau du secteur d'activité commun aux entreprises du groupe implantées sur le territoire national", ce qu'Emmanuel Macron appelle "le périmètre industriel France", ce qui était déjà le cas dans la version initiale. Le gouvernement justifie le maintien de sa position par le souci de ne pas apeurer les investisseurs étrangers en France. Mais, et ce serait la nouveauté, pour limiter les abus de groupes qui pourraient être tentés de mettre en difficulté une filiale pour justifier des licenciements, le Premier ministre a promis des dispositifs juridiques "pour prévenir et sanctionner la création artificielle de difficultés économiques". A suivre...
Temps de travail annualisé sur 3 ans. Cette disposition également très critiquée visait à accorder plus de souplesse aux entreprises en leur permettant de faire varier la charge de travail au-delà d'une année, ce qui pourrait avoir pour conséquence de ne plus payer les heures supplémentaires. Cette possibilité restera ouverte (jusqu'à 3 ans) mais il faudra l'aval de la branche.
Forfait-jours. Permettre aux entreprises de moins de 50 salariés d'instaurer un forfait jours même sans accord collectif : cette disposition, qui a été très critiquée par la CFE-CGC notamment, est modifiée. Appliquer un forfait jours dans les petites entreprises et TPE nécessitera d'obtenir l'accord d'un salarié mandaté par un syndicat (dans les entreprises où il n'y pas d'organisation syndicale) mais pourra aussi passer par l'application d'un accord type conclu au niveau de la branche. La CGPME a déploré le retrait des décisions unilatérales, ce qui enlève selon elle les nouvelles possibilités de souplesse pour les PME-TPE.
Compte personnel d'activité (CPA). Face aux critiques ciblant un texte déséquilibré car n'offrant pas de garanties aux salariés, le gouvernement a décidé d'étoffer quelque peu le CPA. Chaque salarié sans diplôme bénéficierait d'un capital formation alimenté de 40 heures chaque année sur son CPA, au lieu de 24 heures aujourd'hui, dans la limite de 400h (contre 150h actuellement). Cettte bonification concernerait aussi les demandeurs d'emploi non qualifié. Un jeune de moins de 26 ans sans diplôme se verrait crédité d'un capital de formation et un jeune en situation de précarité pourrait bénéficier de la garantie jeunes, un dispositif d'accompagnement personnalité avec une aide financière. Le responsable de la CGPME hier a réagi en s'interrogeant sur le financement de ces nouveaux droits.
Par ailleurs, le CPA devrait recenser toutes les activités bénévoles d'un actif "notamment dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience".
Accords emploi offensifs. L'avant projet visait à ce que des accords d'entreprise soient possible dans l'intérêt de l'emploi, même en l'absence de difficultés économiques, afin d'aménager le temps de travail et la rémunération, le salarié qui s'y oppose étant licencié pour cause réelle et sérieuse, soit un licenciement non économique. Le gouvernement les confirme "à condition que le salarié soit d'accord" (sic). Mais quelle sera la nature du licenciement du salarié qui refusera l'application d'un tel accord : non économique, et pour cause réelle et sérieuse comme dans la version précédente du texte ? A suivre.
Les heures sup. L'avant projet prévoyait que la fixation du taux de majoration des heures supplémentaires (10% a minima) d'une entreprise puisse être différent d'un accord de branche, ce qui n'est pas possible actuellement. On ne sait pas si cette disposition restera ou si la branche retrouver une capacité de verrouillage.
Négociation collective et réforme du code du travail. C'est le coeur du projet, et il ne changerait pas véritablement. Il s'agit, rappelons-le, de commencer à réécrire entièrement le code du travail (un chantier de 2 ans), en commençant dès cette loi par la partie sur le temps de travail et les congés. Dans cette partie, l'avant projet de loi définit donc le principe (ou "ordre public"), la portée d'un accord sur le sujet ("champ de la négociation collective") et les règles qui s'appliquent en l'absence d'accord ("dispositions supplétives"). Dit autrement, le projet de loi inaugure la refondation du code du travail, le gouvernement souhaitant élargir, par la négociation d'entreprises, les possibilités de flexibilité.
En contrepartie de l'importance donnée à la négociation d'entreprise pour la définition des droits des salariés, le projet :
- revoit à la hausse les crédits d'heure des délégués syndicaux (10 à 12h par mois de 50 à 150 salariés, 15h à 18h de 151 à 499 salariés, 20h à 24h à partir de 500 salariés);
- donne un accès intranet aux syndicats de l'entreprise;
- prévoit de généraliser le principe de l'accord majoritaire.
Sur ce point, le gouvernement fait une légère concession. Il maintient son idée de faire valider par référendum auprès des salariés, à la demande des syndicats signataires, un accord signé par des organisations représentant seulement 30% des voix aux élections professionnelles. Mais il promet que, pour commencer, cette disposition ne concernera que le temps de travail, avant d'être ensuite élargie. Une phrase de Manuel Valls, dont le discours hier ressemblait à celui prononcé pour les 50 ans de la CFDT où il avait loué le syndicalisme de compromis, résume bien l'approche du gouvernement sur le sujet : "Je suis prêt aux compromis à condition de répondre au problème de compétitivité des entreprises". Un appel que l'intersyndicale CGT, FO, FSU, SUD, UNEF, UNL et FIDL n'a pas entendu. Jugeant que les modifications intervenues ne répondaient pas "aux aspirations fortes des jeunes et des salariés", ces sept syndicats ont hier soir indiqué dans un communiqué soutenir les actions lancées pour les 17 et 24 mars. Ils ont aussi confirmé leur appel à la grève et aux manifestations du 31 mars "pour obtenir le retrait de ce projet de loi et conquérir de nouvelles garanties et protections collectives".
(*) La loi Macron évoque un référentiel indicatif fixant "le montant de l'indemnité susceptible d'être allouée, en fonction notamment de l'ancienneté, de l'âge et de la situation du demandeur par rapport à l'emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles", le juge étant libre d'utiliser ce référentiel, sauf si les deux parties demandent son application. Mais d'une part, le décret évoqué dans l'article L1235-1 du code du travail n'est jamais paru; d'autre part, la version initiale du projet Travail prévoyait déjà de modifier ce barème indicatif afin de ne retenir, comme pour le barème obligatoire envisagé, que le seul critère d'ancienneté. Les arbitrages sur les montants ne seraient pas encore rendus, d'autant que le gouvernement souhaite l'harmoniser avec le barème d'indemnités applicable devant le bureau de conciliation, un barème créé par la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 et en vigueur, lui, depuis le 8 août 2013.
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