Hier, à Paris comme dans toute la France, des manifestants ont réclamé le retrait du projet de loi El Khomri. Les salariés et élus rencontrés hier disent craindre une remise en cause de leurs droits avec ce projet, tandis que Philippe Martinez (CGT) et Jean-Claude Mailly (FO) s'opposent à l'idée de faire primer la négociation d'entreprise. Récit et vidéos.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
La réforme de la négociation collective et du droit du travail passe parfois au second plan dans les débats et controverses actuels sur l'avant projet de loi Travail. Mais c'est pourtant une disposition essentielle du projet El Khomri. En effet, le texte vise à changer l'architecture de la construction du droit du travail en conférant une importance majeure à la négociation d'entreprise. Si le texte est adopté, les entreprises pourront déroger par accord collectif, y compris dans un sens défavorable aux salariés, aux dispositions de la branche, voire de la loi, sur de nombreux points (lire notre article). Sur cet enjeu essentiel, les syndicats sont divisés. Si la CFDT soutient, avec la CFTC et l'UNSA notamment, cette philosophie, tout en réclamant de nombreux aménagements du texte au gouvernement, la CGT, FO et SUD y sont très hostiles, comme on peut le voir et l'entendre dans notre vidéo ci-dessus avec les interview de Philippe Martinez (CGT) et Jean-Claude Mailly (FO), qui ont battu le pavé ensemble hier à Paris.
Les élus du personnel et les salariés présents hier dans les rues de la capitale pour protester contre le projet n'ont pas une connaissance du texte aussi précise qu'un Jean-Claude Mailly. Mais ils craignent, comme ces salariés de la distribution ou des services (voir nos interview dans la vidéo ci-dessous), une profonde remise en cause de leurs droits. Nombreux sont ceux, comme ce délégué syndical CGT d'une entreprise de services de 1 500 salariés, qui pensent que les manifestations d'hier ne sont qu'un prélude à la grande mobilisation et à la grève du 31 mars. Les slogans lancés hier ont d'ailleurs montré ce refus, ce malaise grandissant en forme de ras-le-bol : "Salariés, étudiants, chômeurs et retraités, c'est ensemble qu'on va lutter", "Femmes sous payées, temps partiels forcés, la loi El Khomri, non merci!" Et l'on ne citera pas ici d'autres mots d'ordre désobligeants à l'égard de la ministre, du gouvernement, ou du PS, assimilé parfois au Medef...

Croisés également hier en fin de matinée, des agents de l'administration des Direccte (directions régionales du travail et des entreprises) ont eux-aussi exprimé une défiance à l'égard du gouvernement et de leur ministère de tutelle. "Actuellement, faute de postes, je remplace deux collègues. Je suis censé m'assurer du respect du droit du travail pour 7 000 salariés travaillant dans 3 000 entreprises!", s'exaspère cet inspecteur. Une collègue à ses côtés renchérit : "Le renforcement de la négociation d'entreprise, étant donné le rapport de forces dans l'entreprise, va se solder par des discussions déloyales, avec un chantage à l'emploi. Et nous, en tant que contrôleurs ou inspecteurs du travail, comment va-t-on pouvoir faire notre travail avec la fragmentation du droit du travail que cela va engendrer ?" Un autre agent défile en tenant un panonceau ironique énonçant les deux articles du nouveau code du travail : "Article 1 : le patron a tous les droits. Article 2 : en cas de désaccord, se référer à l'article 1".
Présent avec ses camarades en tête du cortège qui s'est déplacé de l'avenue Bosquet, non loin du siège du Medef, aux environs du ministère du Travail, dont les accès étaient bloqués par des CRS, Mickaël Wamen, l'ancien délégué syndical CGT, est désormais une figure de la lutte des salariés contre les fermetures d'entreprise et les licenciements. Il a été condamné à 9 mois de prison ferme en janvier par le tribunal correctionnel d'Amiens, avec sept autres salariés. Hier, il n'a pas hésité à faire le parallèle entre la "répression syndicale" dont il s'estime victime et le projet de loi du gouvernement qui vise selon lui à "museler l'action des représentants du personnel". (Voici son interview vidéo ci-dessous).
Samedi, ce sera au tour des syndicats réformistes (CFDT, UNSA, CFTC, CGC) d'appeler les salariés à descendre dans la rue, place de la République à Paris, avant la mobilisation des étudiants du jeudi 17 mars et, surtout, les manifestations et la grève du 31 mars. Une grande mobilisation lancée par la CGT, FO, SUD et à laquelle même la CFE-CGC n'a pas exclu de s'associer si le gouvernement ne modifiait pas substantiellement son texte. Le projet de loi doit être présenté le 24 mars en conseil des ministres. C'est dire si la pression monte, la première journée d'hier, avec d'importants cortèges pour un mercredi et une première participation des lycéens et étudiants, étant de nature à inquiéter le gouvernement. Un signe : selon France Info, Matignon envisageait dès hier soir une surtaxation des contrats courts. Pas sûr que cela suffise à faire passer le reste aux yeux des opposants au projet.
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