Vidéo / Négociations et loi Travail : les points à surveiller

Vidéo / Négociations et loi Travail : les points à surveiller

09.11.2016

Représentants du personnel

Deux cents délégués syndicaux de la CFTC ont suivi hier à Paris une formation à la loi Travail animée par le consultant Jean-Pierre Willems. Ce dernier a évoqué le recours au référendum, les accords catégoriels, la durée des accords, la primauté de l'accord de groupe, les avantages acquis ou encore la négociation sur le temps de travail. Compte-rendu écrit et interview vidéo.

 

 

 

La CFTC a réuni 200 délégués syndicaux, venus de toute la France, dans une salle de l'avenue Marceau à Paris, le mercredi 9 novembre, afin de les informer sur le contenu de la loi Travail, en vue des négociations qui peuvent se tenir dans les entreprises. C'est un consultant extérieur, qui travaille pour les services de ressources humaines comme pour les organisations syndicales et qui est connu comme spécialiste de la formation, Jean-Pierre Willems, qui a tenté l'exercice. "Nous voulions proposer à nos délégués syndicaux une présentation objective, sans parti pris, de la loi Travail", nous explique Philippe Louis, le président de la CFTC. L'exposé du consultant, très dense et fluide, a suscité de multiples questions chez les délégués syndicaux présents. Nous vous proposons un compte-rendu de ces échanges autour de 6 points.

1. Le référendum : un outil délicat à manier

La loi Travail généralise la règle majoritaire pour les accords collectifs : celle-ci est déjà en vigueur pour les nouveaux accords de préservation de l'emploi et entrera en application le 1er janvier 2017 pour les accords sur la durée de travail, les repos et les congés et au plus tard en septembre 2019 pour les autres accords. Mais il y a une exception : la loi permet à des syndicats minoritaires (pesant au moins 30% des voix) ayant signé un accord de demander sa validation par voie de référendum auprès des salariés (lire notre article du 24 octobre sur le projet de décret). Faut-il se saisir de cette disposition ? "Ce peut être une opportunité pour une OS minoritaire que d'en appeler à la base pour demander la validation d'un accord, en mettant en difficulté des syndicats majoritaires. Mais attention, il faut être sûr de la qualité de son accord et il est bien difficile de prévoir à l'avance le résultat d'une élection", répond Jean-Pierre Willems...le jour de l'élection surprise de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. "Et le droit d'opposition alors ?" interroge un délégué. "Il n'existe plus. En quelque sorte, ce sont les salariés qui l'exercent en votant au référendum ou aux élections professionnelles", le coupe le consultant. Et ce dernier d'avertir les représentants syndicaux : "Ce qui risque de se passer avec l'extension de la règle majoritaire pour les accords collectifs, c'est que les entreprises vont chercher d'abord à savoir si une majorité se dégage en faveur d'un accord. Si une direction pense que ce ne sera pas le cas, le texte ne sera pas mis à signature car l'entreprise a peur d'aller au référendum". A noter que la loi Travail donne la liberté à l'employeur d'organiser le référendum par voie électronique. "Certains pensent que le vote électronique garantit une meilleure participation des salariés voire permet de survaloriser certaines catégories. Attention, les résultats ne sont pas forcément ceux escomptés", met en garde Jean-Pierre Willems.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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2. Accords catégoriels : la règle majoritaire s'apprécie dans le collège

Jean-Pierre Willems souligne que la généralisation de la règle majoritaire s'applique aussi aux accords catégoriels, c'est à dire aux accords ne portant que sur une partie des salariés (voir notamment l'article L.2232-13 du code du travail). "Autrement dit, si mon syndicat a au moins 10% dans l'entreprise mais est majoritaire dans un collège électoral, il peut signer un accord collectif ne concernant que ce collège car on tient compte de son poids électoral dans ce collège", indique le consultant. Quel est l'intérêt d'appliquer cette disposition ? "Faire du catégoriel peut être une façon d'introduire un dispositif de façon expérimentale avant d'envisager son extension à tous les salariés, par exemple", considère le spécialiste en négociation collective. Cette représentativité et ces accords à géométrie variable vont-ils pour autant dans le bon sens ? "Difficile à dire dans l'absolu. Il faudra regarder le contenu des accords",

3. Les accords ont par défaut une durée de 5 ans : un choix à réfléchir

Par défaut, les accords collectifs ont désormais une valeur de 5 ans, sauf si les signataires en décident autrement. Que penser de ce changement introduit par la loi Travail ? "C'est le contenu de l'accord qui doit vous faire opter pour une durée illimitée ou définie", estime Jean-Pierre Willems. Et ce dernier de citer le cas d'entreprises qui n'ont pas revu leur accord sur les 35 heures négocié il y a 15 ans, des textes désormais décalés par rapport à la situation de la société. "D'où l'idée d'un dialogue social plus récurrent". Est-il pour autant pertinent, en tant que délégué syndical, d'opter pour une durée limitée pour un accord ? "Si je souhaite que l'entreprise, réticente, s'engage sur un poin comme le télétravail par exemple, ce peut être une stratégie que de concéder une application limitée dans le temps", répond le consultant. 

4. Les avantages acquis limités à la rémunération : un point pas si négatif ?

Jean-Pierre Willems est en désaccord avec les commentaires qui parlent d'un recul à propos de l'article de la loi Travail qui supprime les avantages acquis lorsqu'un accord est dénoncé (par la direction par exemple) ou mis en cause (lorsque l'accord tombe du fait d'un rachat, par exemple). Certes, en l'absence de nouvel accord, tous les avantages liés à l'accord précédent disparaissent, mais les avantages liés à la rémunération perçue, eux, survivent. "C'est le cas d'une prime liée aux conditions de travail ?", interroge un délégué syndical. "Oui", répond le consultant qui ajoute : "Une rémunération variable prévue par l'accord devrait même être transformée en fixe en cas de dénonciation". Et ce dernier d'enchaîner : "Je ne suis pas du tout certain que les employeurs vont se ruer sur la possibilité de dénoncer un accord pour limiter les avantages acquis car cela implique de maintenir la rémunération du salarié, et cela comprend tous les avantages qui donnent lieu à cotisations sociales. A la limite, si vous sentez que l'entreprise ne veut pas renégocier l'accord, vous pouvez même le dénoncer de façon à figer les avantages liés à la rémunération. Mais bon, cela va un peu plomber le dialogue social ensuite". "Qu'en est-il d'un usage ?" s'inquiète alors un autre élu. "Pas de changement à ce niveau, dit Jean-Pierre Villems Un usage n'est pas un avantage acquis, il disparaît en cas de dénonciation ou mise en cause de l'accord". 

5. Primautée donné à l'accord de groupe : vigilance

Il y a désormais une prime donnée par la loi à la représentativité syndicale au niveau du groupe, soutient le consultant. En effet, la loi Travail fait primer l'accord de groupe sur un accord d'entreprise ou d'établissement. De plus, l'accord de groupe peut être négocié sur une partie seulement du périmètre. "Une direction peut être tentée d'utiliser un accord groupe pour contourner une représentativité syndicale gênante dans un établissement. Quand on voit que la loi Travail permet à la fois des accords catégoriels et des accords de groupe, on se dit que la palette des périmètres de négociation devient très complexe", remarque Jean-Pierre Willems. Un délégué présent s'interroge : "Comment négocier au niveau d'un groupe quand les sujets abordés renvoient à différentes fédérations de la CFTC ?" Réponse de Philippe Louis, le président du syndicat : "Nous avons mis en place des comités de liaisons".

6. Temps de travail : davantage de points à négocier

Le temps de travail a fait avec les congés l'objet d'une réécriture du code du travail. La loi élargit la possibilité de négocier sur le temps de travail (*), notamment pour fixer un taux de majoration des heures supplémentaires d'un minimum de 10% (au lieu de 25% auparavant). Cette négociation, qui doit faire l'objet d'un accord majoritaire, peut prendre l'apparence d'un accord à part entière ou d'un avenant négocié à l'occasion des trois grandes nouvelles négociations annuelles prévues par la loi Rebsamen. Le fait que le taux de majoration minimum des heures sup fixée ait diminué dans la loi semble faire conclure à une négociation déséquilibrée pour les syndicats. Jean-Pierre Willems est plus nuancé : "D'une part, ce point peut être équilibré par d'autres dans un accord. D'autre part, si l'entreprise considère qu'elle ne peut pas aller au-delà de 10% de majoration car à ce tarif, elle préfère recourir à de l'intérim plutôt que de faire faire des heures sup au personnel en place, où est l'intérêt des salariés ?" Une argumentation en forme de défense de la signature par plusieurs syndicats, dont la CFTC, de l'accord de branche de la métallurgie qui met en pratique la pluriannualisation du temps de travail...

 

(*) Les 8 points pouvant faire l'objet de négociations sont, outre le taux de majoration des heures sup, le travail de nuit, la rémunération des temps de restauration et de pause, la fixation des contreparties au temps d'habillage et de déshabillage, la fixation des contreparties en cas de dépassement du temps de déplacement professionnel sur le temps normal de trajet, la mise en place des astreintes, la mise en place des contrats de travail intermittents, la dérogation aux durées maximales du travail. Sur les dispositions de la loi Travail sur le temps de travail, lire notre article du 22 juillet 2016.

 

 

 

Bernard Domergue (article et vidéo)
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