Vidéo / Qui doit fixer le droit du travail : la loi ou les partenaires sociaux ?

Vidéo / Qui doit fixer le droit du travail : la loi ou les partenaires sociaux ?

30.06.2015

Représentants du personnel

Pour permettre aux entreprises d'être plus réactives et compétitives, la négociation collective doit bénéficier d'une plus grande autonomie face à la loi. Cette idée controversée, que défend notamment le Medef, était hier au centre d'une table ronde organisée par la presse sociale.

Syndicats et patronat doivent-ils fixer les règles du droit du travail ? from Editions Législatives on Vimeo.
Faut-il, comme le préconise le récent ouvrage de Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen très critiqué par les avocats de salariés (lire ici), limiter le contenu du code du travail à des principes essentiels et renvoyer le reste du droit social à la négociation collective ? Pour débattre de cette importante question, l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis) a réuni hier à Paris le député socialiste du Loir-et-Cher Denys Robiliard, le professeur de droit Pascal Lokiec, ainsi qu'Antoine Foucher, directeur général adjoint du Medef.

"Mieux s'adapter à la réalité du terrain"

Pour le patronat, la réponse ne fait pas de doute : "Il faut changer la manière dont on produit les règles de droit du travail, car le contexte économique a évolué, soutient Antoine Foucher. La concurrence que doit affronter l'employeur français est aujourd'hui mondiale, ou au moins européenne. Il n'est donc plus souhaitable de promouvoir un droit uniforme pour tous les salariés, quel que soit leur entreprise ou leur secteur. Il faut faire du sur-mesure".
Selon le directeur général adjoint du Medef, le droit doit s'adapter aux besoins des entreprises : "Nous ne voulons pas une dérégulation totale, mais simplement que la négociation d'entreprise et de branche bénéficie d'une plus grande autonomie. Une norme négociée prend davantage en compte la réalité du terrain. L'idée du Medef est aussi de développer davantage de droits attachés à la personne du salarié, insiste Antoine Foucher. C'est désormais le cas du compte personnel de formation, des droits rechargeables ou encore de la complémentaire santé. Autrement dit, nous voulons sécuriser la transition professionnelle des salariés, mais aussi permettre un autre modèle de régulation du travail en privilégiant la négociation collective à la loi. Cette mutation est en cours avec les projets de loi Macron et Rebsamen, mais il faut aller plus loin".

Un risque accru de "dumping social"

Cette idée d'accorder la primauté à l'accord d'entreprise inquiète Pascal Lokiec, professeur de droit à l'Université de Paris Ouest Nanterre La Défense : "Nous sommes à une époque charnière. Si l'on n'y prend pas garde, dans quelques années le droit du travail sera totalement détricoté. Tout d'abord, il est faux de dire que le droit du travail est responsable du chômage. Aucune étude ne le démontre. C'est également une erreur de dire que tout ce qui résulte de la négociation collective est juste pour les salariés, poursuit-il. Le rapport de force entre syndicats et patronat est faussé par le contexte de crise et de chômage de masse. Et qui peut croire que passer de la loi à l'accord collectif va simplifier le droit ? Cela signifie que si l'on change d'entreprise, on change de droit applicable. Cela va amplifier le phénomène de "dumping social". Pour gagner des parts de marché, les entreprises vont jouer sur le coût du travail, comme on peut l'observer aux Etats-Unis. La solution, c'est de favoriser l'accès au droit et non pas de simplifier les règles".

"La complexité du droit a souvent un sens"

Un dernier avis que partage partiellement Denys Robiliard : "Je suis d'accord avec Pascal Lokiec s'agissant de la problématique de l'accès au droit pour les employeurs, assure le député socialiste et rapporteur du projet de loi Macron. Il faut promouvoir les guides et contrats types pour un meilleur accompagnement technique. Pour autant, nous n'en sommes pas non plus à une complexité telle du droit qu'il serait aujourd'hui impossible de rédiger un contrat de travail valide !"
Ainsi, affirme le parlementaire, le débat actuel n'est pas de régler les dysfonctionnements qui peuvent exister ou de s'attaquer aux complexités inutiles, mais de provoquer un changement de braquet total : "La commission Combrexelle en est le signe très clair, relève-t-il (sur ce groupe de travail, voir notre vidéo). Et il ne faut pas oublier que la complexité, lorsqu'elle existe, a souvent un sens. Si l'on étudie le formalisme qui entoure le recours au CDD, ou encore les freins aux détachements internationaux, l'objectif poursuivi par le législateur est la lutte contre le travail précaire. C'est pourquoi simplifier le droit n'est pas toujours simple, ni forcément souhaitable".

Plafonner les indemnités est-il constitutionnel ?
Autre sujet abordé pendant cette matinée d'échanges : les nouveaux planchers et plafonds d'indemnités versées au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (pour une présentation détaillée, notre article). "C'est une mesure fondamentale, un biais choisi par le gouvernement pour réformer le CDI, déplore le professeur de droit Pascal Lokiec. Il s'agit de faciliter le licenciement. Or si le dispositif n'est plus dissuasif pour l'employeur, cela aura nécessairement un impact sur l'exécution du contrat lui-même. En effet, il sera beaucoup plus difficile au salarié de refuser une modification de son contrat de travail s'il sait que son licenciement est possible, à moindre frais. Cela pose d'ailleurs la question de la compatibilité de ces planchers et plafonds d'indemnités avec deux principes constitutionnels : le droit à la réparation intégrale du préjudice, ainsi que le respect de l'économie générale des conventions s'il est décidé d'appliquer la nouvelle règle aux contrats en cours".
"La question d'une potentielle atteinte à l'économie générale des contrats est intéressante, relève le député Denys Robiliard. Néanmoins, ce ne sont pas les règles de rupture du contrats qui sont ici modifiées, mais seulement les règles d'indemnisation de la rupture. En outre, ce que propose le législateur est très proche de la pratique actuelle des magistrats, et même plus favorable pour les salariés des grandes entreprises. Il n'y a que les salariés des plus petites structures qui y perdent. À cet égard, le message de Manuel Valls en faveur de l'activité des TPE-PME est clair".

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Julien François (texte) et Bernard Domergue (vidéo)
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