Confinement, adaptation des règles du droit du travail, lien avec les salariés : les CSE et leurs élus sont mis à rude épreuve. A ces préoccupations s'ajoute la crainte de voir le budget de l'instance fondre comme neige au soleil. Quelles conséquences de la crise sur la masse salariale ? Faut-il supprimer des dépenses ? Revoir les comptes ? Vincent Soulé et Alexandre Gaudin, consultants spécialisés auprès des CSE au cabinet IRPEX, apportent leurs précieux conseils pour préserver les finances du CSE.
Depuis les ordonnances Macron de 2017, la référence de calcul de la masse salariale est la DSN (déclaration sociale nominative), c'est-à-dire tous les éléments de salaires soumis à cotisations sociales. Or, les allocations d'activité partielle sont soumises à la CSG et à la CRDS mais pas aux autres cotisations. Elles ne sont donc a priori pas incluses dans la masse salariale. De ce fait, les mois d'activité partielle vont avoir un impact à la baisse sur la masse salariale, à notre avis à hauteur de 20 % sur les budgets. Bien-sûr, toutes les entreprises n'ont pas recours à 100% à l'activité partielle. En fonction de la proportion d'activité partielle utilisée, qui peut être à hauteur de 50 % ou 80 % du personnel par exemple, les conséquences seront variables. Le scénario le plus impactant, c'est 100% des salariés placés au chômage partiel jusqu'à la fin de l'urgence sanitaire, de mi-mars à fin-mai (prorogeable de deux mois).

Avant 2017, la référence de calcul de la masse salariale était le compte 641 de la balance générale des comptes, incluant les indemnités supra légales de rupture des contrats de travail et les provisions pour congés payés, avec parfois des montants très significatifs. Mécaniquement, cela bonifiait la masse salariale et donc les budgets. Aujourd'hui, la DSN est un facteur de baisse de la masse salariale de référence. Finalement, les CSE vont se retrouver avec des contraintes financières, comme les entreprises. Les finances sont sous tension, à moins qu'une loi d'exception vienne soulager les CSE sur cette question mais pour l'instant cela ne semble pas dans les projets du gouvernement. Les CSE doivent au plus vite négocier avec l'employeur pour maintenir le niveau de versement et risquent de devoir se serrer la ceinture si les négociations n'aboutissent pas.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Nous leur conseillons tout d'abord de se rapprocher de l'employeur afin de négocier un maintien des niveaux de versement et de confirmer la ou les date(s) de versement de la subvention. Souvent, les subventions de l'employeur aux budgets du CSE sont versés une fois par an, ou une fois par semestre, ou encore via un versement principal et un reliquat en fin d'année. Les employeurs en situation de tension financière risquent donc par ricochet de mettre en tension la trésorerie du CSE. Pour éviter cela, il faut prendre contact avec l'employeur et étudier les dates de versement. C'est vrai que ce sera plus facile avec un employeur à l'écoute, qui accepte l'intégration des allocations d'activité partielle au budget des CSE.
On peut négocier mieux que ce que prévoit la loi, mais l'employeur aura le droit de refuser. La loi dit simplement que la masse salariale de la DSN constitue la base de calcul de la subvention. Mais les allocations d'activité partielle ne figurent pas dans la DSN. Pour l'y faire rentrer, il faut donc l'accord de l'employeur. A priori, assez peu d'employeurs l'accepteront. Si on voyait le mal partout, on pourrait penser que c'est même l'intérêt de l'employeur que le budget du CSE soit sous-doté. Cela limite ses possibilités de financer un expert dont les élus ont d'autant plus besoin dans la période que nous traversons. D'un point de vue stratégique, cela arrange l'employeur que le CSE ait des problèmes financiers. Il peut aussi se dire que ce n'est pas à lui de résoudre la question du budget si la loi ne l'y oblige pas. Il faut donc à notre sens maintenir les budgets car ils contribuent certes aux loisirs des salariés mais ils financent aussi les demandes d'expertise et de formation, des éléments cruciaux pour une bonne représentation du personnel. Les budgets constituent ainsi le pilier de l'indépendance du CSE vis-à-vis de l'employeur.
Les élus peuvent avancer que les ASC favorisent la cohésion collective des salariés. Il serait dommage de limiter ces activités, vecteurs de bien-être et d'une bonne ambiance de travail. Sur le budget de fonctionnement, c'est plus compliqué d'argumenter car il finance les cailloux dans la chaussure de l'employeur : il permet de payer un avocat en cas de contentieux, de financer les expertises, les droits d'alerte, etc. Par ailleurs, certains CSE (à compter de 300 salariés, ndlr) disposent d'une commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) dont les moyens sont négociés au niveau de l'entreprise. A défaut d'une aide de l'employeur, il faut aujourd'hui discuter avec les salariés et les autres élus des moyens que le CSE attribue à cette commission afin qu'elle puisse agir.
La commission santé a en effet besoin de moyens, or le CSE peut décider de lui octroyer une partie de son budget. Si elle n'a aucun moyens d'agir, son fonctionnement sera moins optimal. Le lien entre les CSSCT et la reprise d'activité est donc indirect. Pour autant, préserver les budgets est primordial : la qualité du dialogue social en dépend. De plus, avec le passage au CSE au 1er janvier 2020, le besoin de formation des nouveaux élus est énorme, notamment dans le domaine de la stratégie économique, et cette formation est financée par le budget de fonctionnement. Si la crise a un fort impact sur le budget, il sera impossible de former les représentants du personnel alors que nous sommes dans un contexte légal très mouvant.
Si le CSE a signé un contrat de prestations juridiques avec un avocat, nous leur conseillons d'activer ce levier ou de prendre contact avec des juristes qui traitent de ces questions (1). C'est peut-être aussi le moment de faire le point sur les assurances dont dispose le CSE. Par ailleurs, certaines dépenses par carte bleue peuvent être annulées.
L'approbation des comptes se fait dans un délai de 6 mois suivant la clôture des comptes. Elle ne sera donc pas impactée pour l'instant et la présentation en réunion plénière sera certainement reportée. L'enregistrement de certaines écritures comme des annulations de voyages, des pertes potentielles, des provisions dans les comptes pourront poser question en 2021 pour les comptes de l'année 2020.
Pour l'approbation des comptes, il n'est pas nécessaire d'anticiper. Nous conseillons plutôt aux élus de se rapprocher d'un expert-comptable. Celui-ci peut mettre au point un plan prévisionnel de trésorerie à l'horizon d'un an, qui précise où en sera la trésorerie au regard de la subvention employeur et des dépenses. Il va notamment étudier les charges fixes qui reviennent tous les mois. C'est l'occasion de pointer ce qui coûtait cher, de faire le ménage dans les prestations inutilisées par exemple. Sans compter que par habitude, certaines dépenses passent parfois inaperçues. De plus, ce point sera très utile aux nouveaux élus pas toujours au courant des usages de leurs prédécesseurs. L'aide d'un expert-comptable peut être précieuse.
La comptabilité des CSE n'est pas forcement le plus difficile. Les entrées d'argent sont principalement constituées des subventions versées par l'employeur et sont sécurisées par la loi à hauteur de 0,2 % de la masse salariale pour le budget de fonctionnement. Ce sont globalement les mêmes flux chaque année, de même pour les dépenses. Les bilans se ressemblent donc d'une année à l'autre. Ce sera moins le cas pour les mois à venir, d'où l'intérêt de l'accompagnement par un expert comptable. Avec l'impact de cette année 2020 si particulière, l'expert-comptable doit se positionner d'avantage en conseil du CSE sur la gestion et sur l'anticipation des problèmes futurs.
En effet, nous connaissons des CSE parmi nos clients qui ont acheté des appartements pour les louer au personnel. Le CSE peut demander à leur banque des reports d'échéances s'il est endetté. Avec le décalage d'un an, les effets se produiront en 2021.
En effet dans la période qui arrive, les élus peuvent être tentés d'alimenter le budget des ASC qui se trouve sous tension avec les fonds excédentaires (dans la limite de 10 %) du budget de fonctionnement. L'ordonnance de 2017 les y autorise. Mais attention : le budget de fonctionnement finance la formation des élus, une partie des expertises, les alertes économiques, etc. Avant de permuter des fonds d'un budget à l'autre, il faut bien regarder si le budget de fonctionnement est suffisamment doté, sinon le CSE risque de devoir se passer d'un expert ou d'une alerte. Autre risque : si le CSE n'a pas les moyens de financer une expertise qu'il a mandatée, l'employeur doit le prendre en charge. Mais ce ne sera plus possible pendant 3 ans si le CSE a transféré des fonds du budget de fonctionnement vers le budget des ASC et que le budget de fonctionnement ne permet plus de couvrir les frais d'expertise. Il faut donc être très prudent avec la permutabilité.
A notre avis les CSE accepteront peu car il faudrait prêter à tous les salariés et évaluer chaque situation. Les budgets seraient encore plus mis sous tension. L'élu peut répondre que le CSE maintient les versements liés à certains événements : les primes de pacs, de mariage et de naissance par exemple, d'autant que cela permet de garder un lien humain avec les salariés. En revanche, au regard de la situation exceptionnelle et sans négociation avec l'employeur, il réduit les prêts et les activités onéreuses comme les voyages. Gardons à l'esprit que ce n'est pas toujours le montant de la dépense qui donne au CSE de la visibilité auprès des salariés.
Lorsque le CHSCT existait, il était financièrement pris en charge par l'employeur. En cas de contentieux, l'employeur payait l'avocat du CHSCT. Désormais, l'équivalent des frais du CHSCT sont pris en charge par le CSE. L'impact des ordonnances de 2017 sur les budgets est réel et structurel. S'y ajoute aujourd'hui la crise conjoncturelle du Covid-19. A terme, des plans de restructuration importants risquent de se produire. Les licenciements économiques réduiront la masse salariale, ce qui implique une moindre dotation du budget du CSE. Rappelons aussi qu'avant les ordonnances de 2017, le budget des ASC était défini en référence au meilleur montant du budget des 3 dernières années. Aujourd'hui, le pourcentage de référence de la masse salariale ne change pas d'une année sur l'autre mais le calcul en pourcentage est pénalisant pour le CSE dès lors que la masse salariale baisse.
Oui, nous leur conseillons de prendre contact avec leur banque. En effet, les CSE reçoivent en règle générale deux gros versements en janvier et en juin. Si celui de juin 2020 saute, il va falloir vivre avec trois mois de décalage et les sorties de trésorerie qui continuent. Les élus peuvent donc prévenir leur banque de leurs difficultés de trésorerie, solliciter des lignes de crédit et négocier l'absence d'agios en cas de découvert. Enfin, le plus important, nous recommandons aussi aux élus de CSE de demander à l’employeur le maintien du même niveau de subventions dès la consultation du CSE sur la reprise d’activité.
(1) Le gouvernement a aussi mis en place un système d'avoirs pour permettre le report ou l'échange de voyages en lieu et place du remboursement (lire notre article). Sur ce sujet, sachez que certains CSE ont aussi souscrit une assurance pour couvrir les risques d'annulation pour les voyages et activités prévues cet été (lire notre article).
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