Visitez la France de l'utopie sociale !

Visitez la France de l'utopie sociale !

31.07.2017

Représentants du personnel

Les dix lieux que nous vous proposons de découvrir en France cet été, en ligne ou, mieux encore, sur place quand c'est possible, ont été marqués par des projets portés par un idéal social hors du commun. Sur internet ou sur la route, suivez le guide...

Nous vous présentons quelques lieux en France qui ont été marqués par l'utopie sociale et qui, pour la plupart, se visitent. Une invitation à les découvrir en ligne ou, pourquoi pas, sur place si vous passez à proximité lors de vos vacances ou déplacements professionnels. Vous trouverez en bas de l'article une carte pour vous repérer.

1. Les thés et infusions de la Scopti (ex-Fralib) à Marseille (Bouches-du-Rhône)

C'est une forme d'utopie modeste, bien ancrée dans le réel et, surtout, contemporaine : des salariés se sont battus et se sont rassemblés en coopérative pour éviter la disparition de leur unité de fabrication.

AFP / B. Horvat

A Gémenos, près de Marseille, les "Fralib" ont poursuivi l'activité de production d'infusions et de thés que la multinationale Unilever voulait fermer. Ils ont créé une société coopérative baptisée Scopti (société coopérative ouvrière provençale de thés et infusions) qui emploie 41 salariés. Ne pouvant légalement reprendre la marque Elephant ni utiliser celle des thés Lipton, ils ont lancé deux nouvelles marques, "Bio Scopti" et "1336", comme les 1 336 jours de la lutte qu'ils ont menée, soit près de 4 ans. "Nous lançons un financement participatif car nous avons besoin de fonds de roulement pour nous développer, faire de la publicité et gagner des clients", nous explique Gérard Cazorla, l'ancien secrétaire du CE qui est devenu l'une des chevilles ouvrières du projet. Aux élus du personnel de passage à Marseille et qui seraient intéressés par une visite de l'usine (qui se trouve ZA de la plaine de la Jouques, 500 avenue du Pic de Bertagne, 13420 Gémenos), Gérard Cazorla leur demande de téléphoner préalablement au 04 42 32 53 00. Précisons que l'usine est ouverte tout le mois d'août et que la production ne fonctionne que le matin. Un magasin d'usine permet également d'acheter les produits confectionnés sur place. 

Le site 1336

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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2. Le Théâtre du peuple à Bussang (Vosges)

Le Théâtre du Peuple

C'est un projet improbable et qui force l'admiration : créer un lieu dédié au théâtre en milieu rural, dans les Vosges, et parvenir à y attirerun public populaire. Ce tour de force, c'est Maurice Pottecher (1867-1960), un jeune poète fils d'industriel, qui le réussit à la fin du XIXe siècle en donnant dans un champ de Bussang ses premières représentations théâtrales. Pourquoi ici ? Le jeune homme, qui fréquente les milieux littéraires de la capitale, est attaché à ses Vosges natales, où il revient chaque été. Il monte donc sur place la représentation de ses premières oeuvres, distribuant les rôles aux membres de sa famille ainsi qu'aux habitants du village et aux ouvriers des usines de la région. "La volonté d'impliquer toute la population dans l'entreprise théâtrale ainsi que le succès de sa première pièce persuadent Maurice Pottecher de construire son propre théâtre", peut-on lire sur le site. Ce sera le Théâtre du peuple. Le miracle est que ce lieu, dont la scène ouvre sur le paysage (quel meilleur décor que la nature ?), existe toujours, du moins durant l'été car le lieu n'est pas chauffé, et il séduit un public important. Même sans assister à l'une des nombreuses représentations ou l'un des nombreux spectacles, n'hésitez pas à vous y rendre si vous passez par les Vosges : c'est étonnant, et des visites guidées de ce théâtre pas comme les autres sont possibles.

Le site du Théâtre du Peuple

 

3. La saline royale d'Arc et Senans (Doubs)
La Saline royale

Monument classé au patrimoine mondial de l'Unesco, la Saline royale d'Arc-et-Senans, près de Besançon (Doubs), est l'oeuvre de Claude Nicolas Ledoux, un architecte visionnaire du siècle des Lumières (1736-1806). Ce bâtiment, construit de 1775 à 1779,  est un exemple d'architecture industrielle se donnant pour but d'organiser de façon rationnelle et hiérarchisée le travail. Ici, le travail consistait à produire du sel, obtenu par cristallisation sous l'action du feu, ce qui nécessitait du bois en abondance, d'où sa localisation dans le Doubs, pays de forêts. Ce n'est donc pas une utopie socialiste, loin s'en faut. Mais une forme d'utopie tout de même, Ledoux ayant en tête un modèle de ville idéale autour d'une manufacture intégrée. Ce que nous voyons aujourd'hui n'aurait donc été qu'une préfiguration d'un plus vaste ensemble. Les onze bâtiments, répartis en un spectaculaire arc de cercle aux airs de Temple, rassemblaient toute la communauté de travail. Le bâtiment, qui a fermé ses portes en 1895, rendu obsolète par la modernisation des méthodes de production, est désormais un lieu de visite, d'expositions, de concerts, etc.

Le site de la saline d'Arc et Senans

 

4. Le Familistère de Guise, ou le Palais social (Aisne)
Photo Georges Fessy, 2016 © Familistère de Guise

Vous avez sûrement déjà vu un de ces anciens poêles robustes et émaillés qui étaient jadis l'un des personnages importants des cuisines. Mais saviez-vous que Jean-Baptiste André Godin (1817-1888), le fondateur de l'usine qui produisit ces poêles, fut aussi un adepte des théories utopistes de Charles Fourier (1772-1837) ? Charles Fourier a défini une organisation idéale de la société sous la forme de "phalanstères", des regroupements autosuffisants de 1 620 personnes (selon des calculs mathématiques passablement magiques), et dont les "penchants naturels" seraient libres de s'exprimer. L'industriel fit plus que rêver à cette doctrine socialiste ne ressemblant à aucune autre : il tenta de la mettre en pratique à sa façon. Pour contribuer à créer un monde meilleur, l'entrepreneur avait déjà développé pour ses ouvriers une caisse d'assurance maladie. Il voulut aller plus loin et créa en 1860 à Guise, dans l'Aisne, près de son usine, un Palais social, c'est à dire une cité de 2 000 habitants, où l'éducation des enfants, par exemple, était gratuite et obligatoire jusqu'à 14 ans. Pendant un siècle, jusqu'en 1968, la cité vécut sous l'administration d'une "association coopérative du capital et du travail". Les buts de l'association étaient économiques et sociaux, comme l'indique le site du Familistère : "L'organisation de la solidarité entre ses membres, l'appropriation du capital par les travailleurs". Les statuts de la coopérative, dans une époque marquée par le paternalisme, organisaient toutefois une hiérarchie puisqu'étaient distinguées quatre catégories de membres ouvrant droit à un niveau différent d'intéressement, de l'emploi et de la jouissance des services du Palais social..Le bâtiment existe toujours, il est devenu un lieu d'histoire -comme on dit- et de culture, et il se visite.

Le site du Familistère de Guise

 

5. Le palais du facteur Cheval à Hauterives (Drôme)
E. Georges / Coll. Palais idéal E. Georges

N'est-ce pas faire oeuvre utopique que de s'inventer son propre palais, et de le construire, surtout quand votre condition et votre travail semblent vous interdire à jamais une telle rêverie ? C'est ce que fit pourtant dans la Drôme, à Hauterives, un facteur nommé Ferdinand Cheval (1836-1924). Entre 1879 et 1912, cet homme modeste édifie seul, inlassablement, un drôle de monument -inhabitable- dans son jardin, qu'il appelle son "palais idéal". L'homme profite de ses longues tournées à vélo pour ramasser son matériau de construction, des pierres, auxquelles il donne une saisissante variété de formes : oiseaux, éléphants, biches, et des colonnes qu'on dirait inspirées d'un temple hindou. Une lubie ? Point du tout : Ferdinand Cheval prend très au sérieux son monument, qu'il souhaite voir reconnu par l'Etat, comme en témoigne cette lettre écrite dès 1897. Miracle : la reconnaissance viendra, très tôt du côté des surréalistes ou d'artistes comme Picasso, plus tardivement du côté des pouvoirs publics. Si le monument fut inscrit en 1969 sur la liste des monuments historiques, on le doit moins à l'administration culturelle de l'Etat qu'à André Malraux, pour lequel ce palais était un chef d'oeuvre de l'art naïf. 

Le site du Facteur Cheval

► Autre exemple d'art naïf : la maison de Raymond Isidore, dite "Maison Picassiette", à Chartres (Eure-et-Loir), recouverte de morceaux de vaisselle brisée. 

 
6. La maison du peuple à Saint-Claude (Jura)
JM Brellier / La Fraternelle

Depuis 1984, dans la commune de Saint-Claude, dans le Jura, une association anime un espace culturel et artistique. On y trouve un cinéma, un café où se déroulent des concerts, un espace arts plastiques, du théâtre, une "art'othèque" où l'on peut emprunter des oeuvres d'art, etc. Cette terre qui se situe non loin du berceau de peintre Gustave Courbet, éminent communard, ne pouvait pas porter un centre culturel comme un autre : son histoire est peu commune, ce dont témoigne son important fonds d'archives sur les coopératives.

La Maison du Peuple a été inaugurée en 1910. Après avoir accueilli une coopérative d'alimentation au nom évocateur, la Fraternelle, ce bâtiment a abrité ensuite toutes les organisations ouvrières du Jura, explique le site de l'association qui rappelle que certains coopérateurs s'illustrèrent plus tard dans la Résistance. Il s'agissait d'un projet utopique dans la mesure où il visait l'émancipation sociale des coopérateurs, lesquels avaient -fait rare- renoncé à percevoir des bénéfices en retour de leur investissement. Dans la Maison du Peuple se trouvaient une salle des fêtes, une bibliothèque, un gymnase, un théâtre, etc. Après la fermeture, entre 1975 et 1984, de la plupart des coopératives, une association insuffle à nouveau l'esprit d'origine avec des expositions, des artistes en résidence, des concerts, etc..

Vous pouvez avoir un aperçu des lieux avec ces images. Vous trouverez le programme des animations d'été (avec notamment un chantier d'écriture et du rock) et des visites guidées en cliquant ici, sachant que vous pouvez aussi appeler toute l'année (au 03 84 45 77 34) pour des visites de groupe. La visite dure une heure et demi et permet de découvrir un siècle d'histoire coopérative et ouvrière dans une région aux doux paysages.

La Maison du Peuple de Saint-Claude

L'office du tourisme de Saint Claude

 

7. La Cité radieuse à Marseille (Bouches-du-Rhône) et la cité Frugès à Pessac (Gironde)
DR
Comme dans le cas de la Saline royale d'Arc et Senans, il ne s'agit pas ici d'une utopie sociale à proprement parler, mais d'une utopie architecturale basée sur le "Modulor", c'est à dire un système de mesures lié à la morphologie humaine inventé par l'architecte suisse Le Corbusier. De son vrai nom Charles-Edouard Jeanneret, Le Corbusier porte le projet d'un bâtiment adapté à la vie moderne, confortable : ce sera la Cité radieuse, édifiée entre 1947 et 1951 sur les hauteurs de Marseille. Cette "unité d'habitation" sur pilotis est à la fois imposante (165 mètres de long, 24 de large, 56 de haut) et élégante, même si, dit-on, elle fut surnommée ici la "maison du fada", autrement dit la maison du fou. Elle prétend offrir un nouveau "système d'habitat" pour l'époque, avec 337 appartements (beaucoup de duplex) répondant à 23 types différents, mais aussi une rue commerçante dans l'intérieur même de l'immeuble comprenant bar, restaurant, librairie et hôtel. Le toit de l'immeuble, qui offre une très belle vue sur Marseille, comprenait un espace de détente pour les enfants avec un petit bassin et des jeux abrités du mistral par un brise-vent. La Cité radieuse est toujours un immeuble d'habitation mais son dernier niveau accueille, depuis 2013, un centre d'art contemporain. Le bâtiment, désormais classé monument historique, se visite. La réservation est obligatoire (via le n°0826 500 500) et peut se faire par mail pour les groupes à partir de 10 personnes (groupes@marseille-tourisme.com).
Ville de Pessac / Nikolas Ernult.

Le Corbusier a édifié d'autres bâtiments de ce type comme la maison radieuse à Rezé, près de Nantes, mais l'un des autres ensembles intéressants est  la cité Frugès à Pessac, près de Bordeaux. Inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, cette cité-jardin a été édifiée entre 1924 et 1926 par un industriel sucrier girondin, Henrry Frugès. Cet amateur d'art séduit par les idées du Corbusier souhaitait favoriser l'accès à la propriété "des classes laborieuses". Il acquiert des terrains pour que l'architecte conçoive une petite cité ouvrière de 150 à 200 villas à l'aspect révolutionnaire pour l'époque, et qui comptera finalement 51 maisons, répondant à 5 modèles différents, avec toit terrasse, jardin suspendu à l'étage. "Construites à l’économie, ces maisons modestes mais bien équipées témoignent d’un sens du confort, note le site de la ville de Pessac. Les garages ou toitures-terrasses attestent d’un nouvel art de vivre. Le Corbusier, très attentif à la salubrité, fait triompher l’hygiène dans la salle d’eau avec siphon de sol et la buanderie. Le chauffage par système de conduits va permettre un progrès. Au niveau social, ce projet de cité ouvrière remet en cause les modes de vie traditionnels des classes populaires  alliant architecture et habitat social".

Et l'on ne saurait que trop conseiller, en région parisienne, la visite de la Villa Savoye à Poissy.

La Cité radieuse

La cité Frugès à Pessac

La maison radieuse à Rezé

La villa Savoye à Poissy

 

8. La Belle Aude (ex-Pilpa) à Carcassonne (Aude)
La Fabrique du Sud

L'histoire du personnel de l'entreprise Pilpa, une fabrique de glaces de Carcassonne, dans l'Aude, rejoint le parcours des ex-Fralib évoqué plus haut. En 2012, le groupe britannique "R & R Ice Cream", qui vient pourtant de racheter un an plus tôt cette entreprise, annonce la fermeture du site, et commence à proposer des reclassements...en Pologne.  Mais c'était sans compter avec la détermination des ouvriers. Après une lutte judiciaire, ils obtiennent de meilleures conditions de départ et, surtout, un budget de formation et le droit de tenter de poursuivre l'activité de production. Ils décident de "sauver leur propre travail" en investissant leurs indemnités de licenciement dans la création, en 2014, d'une société coopérative de production.

Avec sa nouvelle marque "La Belle Aude", cette "Fabrique du Sud" ambitionne de "faire des glaces autrement, avec des produits simples, naturels, issus de productions locales, responsables", c'est à dire des crèmes glacées au lait entier et des sorbets "plein fruit". Le slogan de ces 22 salariés ?  "Le sens du goût, le goût du sens !" De quoi rafraîchir l'utopie coopérative. Dommage, dommage, l'entreprise ne se visite pas et n'a pas de magasin d'usine. Mais un projet de local est dans les cartons, "dès que notre activité sera consolidée", promet un coopérateur. En attendant, on peut acheter les glaces de la Belle Aude (voir ici le réseau de distribution). On les trouve dans le Sud de la France, de Bordeaux à Nice, et en région parisienne.

La Belle Aude

 

9. L'ombre de Jaurès à Carmaux, Albi et Castres (Tarn)
AFP

Si vous villégiaturez du côté du Tarn, une halte s'impose dans l'une des villes marquées par la figure de Jaurès, ce philosophe idéaliste et homme politique socialiste, assassiné comme on sait à la veille de la première guerre mondiale : Carmaux, Albi et Castres.

A Carmaux, la statue de Jean Jaurès (voir ci-dessus) rappelle le rôle crucial qu'il joua à la fin du XIXe et au début du XXe dans l'histoire sociale et industrielle de la région. Comme le disait l'historien Gilles Candar dans nos colonnes, Jean Jaurès (1859-1914) revendique le droit des ouvriers à s'exprimer et à agir. Cela n'a rien d'évident à l'époque : le mineur Jean-Baptiste Calvignac, devenu maire de Carmaux, est ainsi licencié par la compagnie des mines en 1892 qui ne supporte pas de voir un ouvrier jouer un rôle public, ce qui entraîne une grande grève. L'exploitation des mines a depuis cessé, mais la mine à ciel ouvert a fonctionné jusqu'en 1997. On peut d'ailleurs visiter tout près de Carmaux, à Cagnac, un musée de la mine avec 350 mètres de galeries.

L'autre mouvement social déterminant dans la région concerne la verrerie industrielle de Carmaux. Le conflit naît avec la mise à pied d'un verrier, auquel son employeur reproche d'avoir assisté au congrès des verriers de Marseille. Cette mise à pied déclenche une grève massive à laquelle la direction répond par le lock-out, c'est à dire par le renvoi par l'entreprise des 1 200 ouvriers ! Jean Jaurès soutient le mouvement et ensuite appuie le projet de créer à Albi un nouvel outil de travail pour les verriers, sous la forme d'une coopérative : c'est lui qui fait paraître dans la Dépêche du midi une souscription nationale pour le projet. On peut aujourd'hui visiter à Carmaux le musée et centre d'art du verre, un lieu ouvert à l'art contemporain qui organise des démonstration de souflleurs de verre. Le musée a été aménagé dans le bâtiment de la première verrerie de Carmaux. Il comprend une salle racontant l'histoire sociale et industrielle liée au verre, qui débuta à Carmaux en 1754 pour s'éteindre dans les années 30.

Le musée et centre d'art du verre de Carmaux

Le musée de la mine

AFP

A Albi, l'outil industriel créé par les ouvriers en 1896 a survécu. Enfin, pas au même endroit. "L'usine d'origine, qui était près du centre, a été démolie dans les années 70, il y a désormais un collège sur son emplacement, et l'usine a été délocalisée en périphérie d'Albi", nous précise Patrick Waquier, guide à l'office de tourisme d'Albi. Autre changement : ce n'est plus, depuis son rachat par Saint-Gobain en 1998, une coopérative. Aujourd'hui propriété du fonds américain Apollo et de la banque publique d'investissement (BPI), la verrerie ouvrière d'Albi (VOA) est toujours très active sur le plan industriel, avec 800 000 à 1 million de bouteilles produites chaque jour par les 300 salariés. La visite permet de suivre la chaîne de production industrielle impressionnante (la matière en fusion, les fours, le mélangeur, etc.) mais évoque aussi l'histoire sociale : le visiteur visionne un film, mais il voit aussi, à l'entrée de l'usine, une statue en bronze de Jaurès et un petit musée attenant.

Pour visiter l'usine, les réservations se font auprès de l'office de tourisme d'Albi au 05 63 36 36 00. Pour une visite de groupe de 2 heures, prévoir 180€ pour 24 personnes maximum.

Le site de la verrerie VOA

L'office de tourisme d'Albi

A Castres se trouve un musée Jean Jaurès, la ville natale du député dont le père était négociant et exploitant agricole. Le musée présente la vie et l'oeuvre du tribun, avec de nombreux documents (dessins, manuscrits, imprimés, etc). Signalons en passant que se trouve aussi à Castres un musée Goya.

Le musée Jean Jaurès

 

10. La Colonie Sociétaire de Condé-sur-Vesgre, près de Rambouillet (Yvelines)
La Colonie Sociétaire de Condé-sur-Vesgre, près de Rambouillet

Attention, le lieu ne se visite pas car ses propriétaires, des "colons" réunis désormais en société civile immobilière (SCI), tiennent à leur tranquillité. Mais son histoire vaut d'être contée. C'est en effet un des très rares endroits, avec la Familistère de Guise (lire ci-dessus), où les principes utopistes de Charles Fourier ont connu un début d'application. Des disciples de Fourier, parmi lesquels Victor Considérant, souhaitent fonder un phalanstère, c'est à dire une communauté idéale de travail et de vie selon les principes de l'utopiste. L'idée séduit deux habitants de Condé-sur-Vesgre : un agronome, Joseph Devay, et un médecin qui fut député de Seine-et-Oise, Alexandre Beaudet-Dulary. En 1832, ils mettent à disposition du projet leurs deux domaines, soit 450 hectares. La société créée prend le nom de "Colonie Sociétaire", des "colons" s'y installent, des journaliers y travaillent, un bâtiment commence à être édifié mais les difficultés -la terre ingrate produit très peu- entraînent la faillite en 1836.

Une partie de la propriété est vendue mais l'idée de communauté est relancée sur 34 hectares avec la constitution en 1860 d'une société civile immobilière. "Depuis 1860, le Ménage Sociétaire a accueilli près de 250 personnes. Il a existé, parmi les sociétaires, une grande variété de conditions et de professions : artistes, peintres, musiciens, écrivains de genre très divers, jusqu’à un auteur de livrets d’opéra, médecins, de nombreux universitaires venus de tous les coins et de tous les niveaux d’enseignement, et en particulier des scientifiques, des artisans, des commerçants, des fonctionnaires retraités d’administration variées, des veuves, des rentiers attirés par la chasse, etc.", peut-on lire sur le site de la colonie. Et aujourd'hui ? Un couple de gardiens entretient le domaine, qui accueille toujours des "colons" choisis par cooptation, soit 22 membres âgés de 35 à 90 ans. "Ces colons disposent d’un logement dans l’un des bâtiments et participent aux frais généraux sous la forme d’une quote-part et d’un remboursement des consommations (repas, boissons, chambres d’invité…) qu’ils prennent lorsqu’ils qu’ils sont présents. Un Comité de 7 membres, élus chaque année parmi des colons, gère les affaires liées à la vie en commun", nous apprend le site. Qui organise aussi des colloques et débats autour de l'utopie socialiste.

La Colonie Sociétaire de Condé-sur-Vesgre

L'émission La Fabrique de l'histoire de France Culture a consacré un documentaire à ce lieu pas comme les autres, non sans humour comme on peut le voir sur le site de la radio :  "La Colonie Sociétaire (..) est devenue une aimable villégiature de week-end et de vacances, pour les 25 colons à jour de leurs cotisations, et leurs familles. Leurs parties de boules et de tennis se déroulent sous l’œil peut-être un peu réprobateur de Charles Fourier, dont les effigies sont nombreuses sur place, et dont les écrits complets, en éditions originales, sont la fierté de la bibliothèque de la Colonie".

Avis aux intéressés : la Colonie recrute des nouveaux membres (envoyer un mail à : la.colonie@odz.fr ). Les candidats, nous précise un membre du comité de gestion de la Colonie, sont "rapidement accueillis pour une période d'un an à l'issue de laquelle un vote des sociétaires existants ratifie ou non leur admission".

Le site de la Colonie Sociétaire de Condé-sur-Vesgre

 

La carte des lieux marqués par l'utopie sociale

 

 

 

 

Bernard Domergue
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