Voyages, loisirs, sorties : les activités du CSE reportées à des jours meilleurs

Voyages, loisirs, sorties : les activités du CSE reportées à des jours meilleurs

07.04.2020

Représentants du personnel

Les catalogues des CSE sont parfois à peine sortis que les activités sociales et culturelles prévues pour les salariés, à commencer par les voyages, sont annulées. Et les élus de s'interroger : vont-ils bénéficier de l'ordonnance qui prévoit un avoir pour reporter ces activités ? Et quand les reporter ? Réponses et témoignages.

La pandémie affecte profondément le monde de la représentation du personnel. Non seulement parce que les élus sont en première ligne pour assurer la défense des salariés et leur expression collective (lire notre article). Mais aussi parce que les activités sociales et culturelles (ASC) sont mises entre parenthèses du fait du confinement, du télétravail et des règles de prévention draconiennes qui s'imposent dans les lieux où les travailleurs continuent de se rendre.

Certains représentants du personnel, comme chez Renault, commencent à s'inquiéter de la trésorerie des comités sociaux et économiques (CSE) relativement aux activités sociales et culturelles (ASC). Certains CSE pourraient en effet se retrouver en difficulté du fait de l'annulation de nombreuses activités et voyages déjà payées. "Difficile de mesurer aujourd'hui ces conséquences car la priorité va à la crise sanitaire. Mais nous allons nous y pencher dès cette semaine", réagit Mariette Sirh (FO). Le système d'avoirs, mis en place par ordonnance par le gouvernement (lire notre encadré), va-t-il pouvoir s'appliquer aux comités ? "Nous devons justement en reparler, je ne sais pas", répond Franck Daoût (CFDT).

Notre CSE devait faire partir 450 enfants en colo ce printemps 

 

 

D'autres représentants du personnel sont déjà plongés dans le sujet, comme Pierry Poquet. Le secrétaire du CSE d'IBM (établissement Nord-Est, Paris banlieue et outre-mer) chiffre à 500 000 euros l'engagement de trésorerie pour des activités sociales et culturelles plus que compromises, mais lui ne se montre guère inquiet. "Par exemple, 450 enfants devaient partir en colonie pour ces vacances de printemps, avec une forte aide du CSE", illustre le secrétaire de l'instance, également délégué syndical Unsa. Les élus font le point avec les prestataires et les fournisseurs tout en se montrant compréhensifs : "Nous ne demandons pas le remboursement, car cela signifierait la faillite des prestataires, nous partons sur des avoirs pour 18 mois", explique Pierry Poquet. En revanche, le CSE rembourse aux salariés les acomptes déjà versés. Tout cela suppose de revoir, à distance, la comptabilité du comité. Pas une mince affaire. "Déjà, nous avons dû reporter en septembre la réunion d'approbation des comptes pour l'exercice 2019 que nous devions faire en juin", explique le secrétaire du CSE.

La situation vue par l'association Cezam Auvergne-Rhône-Alpes

Le sujet des activités sociales et culturelles intéresse de près l'association interCE Cezam d'Auvergne-Rhône-Alpes qui met en oeuvre de multiples activités pour les comités sociaux et économiques. "Chez nous, tous les voyages ont été annulés, l'activité billetterie est à l'arrêt, les formations annulées. J'ai mis l'équipe en chômage partiel deux jours et nous travaillons sur les clôtures comptables", nous confie Clémentine Auburtin, la directrice. Jérémy Dunis, qui s'occupe du pôle tourisme au sein de l'association, espère avoir fait le tour cette semaine des annulations. Il a parfois organisé lui-même certains déplacements, comme ce voyage à Venise prévu en mai pour un groupe d'une soixantaine de personnes d'un CSE modeste. "Dans ce cas-là, j'annule et je rembourse", explique-t-il.

Reporter des activités, oui, mais quand ? Les restrictions aux rassemblements pourraient durer même après le déconfinement

 

 

 

 

Dans d'autres activités pour lesquelles Cezam a passé un contrat avec un voyagiste ou un autre prestataire, il lui faut négocier un report et un avoir, en veillant à obtenir plus tard les mêmes tarifs et prestations. Une gageure, d'autant qu'il n'est pas facile en ce moment de joindre les élus de CSE accaparés par les problèmes de condition de travail et la crise économique. En outre, Jérémy Dunis doit prendre en compte l'incertitude de la situation : reporter si possible oui, mais quand ? "Même en supposant que nous ayons un déconfinement en juin, nous aurons sûrement toujours une restriction des rassemblements. Nous devions envoyer des groupes pour un spectacle à Verdun le 20 et 21 juin, c'est annulé. Nous négocions des avoirs utilisables sur 18 mois, ou des reports d'activité reprogrammés à partir de mi-septembre, pas avant", explique-t-il. Chez IBM, Pierry Poquet s'interroge également : "Nous devions faire partir une colo à New York en juillet" (*). Maintenir, annuler ?

Du soutien scolaire en ligne proposé par un CSE d'IBM

Dans un document "pandémie et CSE" (lire en pièce jointe), l'association Cezam a informé ses adhérents des dispositions sur les voyages prises en urgence par le gouvernement. L'ordonnance 2020-315 du 25 mars 2020 comprend en effet une disposition visant à sauvegarder les entreprises de voyage tout en préservant les droits des consommateurs. Au lieu de devoir rembourser intégralement l'argent déjà versé en cas d'annulation d'un voyage comme le prévoit l'art. 1218 du code civil et l'art. L. 211-14 du code de tourisme, le voyagiste pourra, dit le texte, proposer à ses clients des avoirs correspondant à l'intégralité des paiements effectués (lire notre encadré).

En attendant la fin du confinement et le retour à des activités normales, certains comités tentent de s'adapter à la situation inédite en proposant de nouvelles activités. "Nous avons lancé un soutien scolaire en ligne pour soutenir les parents et proposé des cours particuliers à distance, indique Pierry Poquet (CSE IBM Paris-banlieue). Nous allons voir pour des conférences à distance au sujet d'un musée ou d'une oeuvre".

(*) Sur son site, le Seto, le syndicat des entreprises de tour opérateurs, recommande à ses adhérents de reporter tous les voyages à forfait dont les départs étaient prévus d'ici le 15 mai 2020 inclus. 

 

L'ordonnance sur les avoirs en cas d'annulation
d'un voyage s'applique-t-elle au CSE ?

Selon l'ordonnance 2020-315 du 25 mars 2020, les contrats pouvant faire l'objet d'avoirs concernent les forfaits touristiques (ce terme recouvre par exemple des formules comme vol + hébergement d'au moins une nuitée, mais aussi des prestations type visites guidées, activités sportives et de loisirs, hébergement, etc.), des prestations comme de la location de véhicule ainsi que l'accueil collectif de séjours pour mineurs et de séjours adaptés. Ni les vols secs ni les voyages en train, bus ou ferries ne sont visés par l'ordonnance. La possibilité de donner un avoir à un client couvre les contrats résolus entre le 1er mars et le 15 septembre 2020. Le consommateur doit être informé au plus tard 30 jours après la résolution du contrat (annulation) de cette possibilité d'obtenir un avoir. Ce dernier doit mentionner son montant (en principe identique aux sommes versées), les conditions de délai et la durée de validité de l'avoir (18 mois). Si la nouvelle prestation proposée par l'avoir est différente de celle annulée, le client devra soit payer le surplus, soit bénéficier d'un nouvel avoir.

Cette disposition a été accueillie avec satisfaction par les professionnels qui redoutaient de devoir rembourser les consommateurs au risque de ne plus pouvoir continuer leur activité : "Cet avoir de 18 mois englobe deux étés, ce qui permet plus aisément aux clients de réorganiser leur voyage", indiquent, dans leur communiqué commun, les syndicats SETO et EDV. Ces professionnels n'écartent cependant pas la possibilité de rembourser avant le terme de 18 mois certains clients confrontés "à des situations complexes" .

Cette disposition s'applique-t-elle aussi aux CSE acheteurs de ces prestations ? Pour le réseau Cezam et pour les syndicats professionnels, cela ne fait pas de doute. Pour Emmanuelle LLop, du cabinet d'avocats Equinoxe spécialisé dans les voyages, non plus : "Quand le CSE n'est pas immatriculé en tant que professionnel du voyage, quand il est juste un intermédiaire auprès des salariés, qu'il ne réalise pas de profit sur l'opération voire en prend une partie à sa charge, et ce en toute transparence, alors en toute logique l'ordonnance doit s'appliquer au comité". Aux yeux de la juriste, qui s'appuie sur la nouvelle rédaction, intervenue en 2017, de l'article L.211-1 du code du tourisme, cela n'est pas contradictoire avec la jurisprudence du 22 janvier 2020 dans laquelle la Cour de cassation avait considéré qu'un CE intervenant en qualité d'organisateur ou de revendeur de voyages et non pas seulement comme mandataire des salariés auprès d'une agence de voyage ne pouvait pas bénéficier de la garantie financière offerte aux consommateurs (lire notre article).

 

 

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Découvrir tous les contenus liés
Bernard Domergue
Vous aimerez aussi