Work'n'roll, ou le travail en chansons

Work'n'roll, ou le travail en chansons

08.06.2016

Représentants du personnel

Demain à la Cigale, à Paris, les étudiants du Master 2 de psychologie du travail et d'ergonomie de l'université de Paris Ouest-Nanterre-La Défense organisent une soirée originale mêlant chansons et débats sur le travail autour de sociologues, ergonomes et chercheurs.

A 25 ans, Tatiana, étudiante en psychologie du travail à Nanterre, participe avec enthousiasme, comme une trentaine d'étudiants du Master 2, à la préparation de la soirée de débats et de musiques autour du monde du travail organisée, à l'initiative de Sophie Prunier-Poulmaire (*), ce jeudi 9 juin à la salle de spectacles parisienne La Cigale (lire notre encadré). Actuellement en stage dans un service de ressources humaines d'une entreprise du CAC 40, la jeune femme fait partie de l'équipe chargée de la communication et de la conception du site web, et elle a également planché sur le choix des chansons que les artistes interpréteront sur scène, et qui pourront donner lieu à débats.

28 titres finalement sélectionnés

Le choix des chansons par les étudiants, d'abord très large (300 titres au départ), s'est progressivement réduit pour s'affiner à 70, 40 puis 28 titres. Des chansons contemporaines, ou presque, les plus anciennes remontant aux années 60, toutes ayant en commun d'évoquer le monde du travail. L'identité du travailleur sera explorée via "J'aurais voulu être un artiste" de Daniel Balavoine ou encore "Ce métier" de Charles Aznavour, deux chansons dont les paroles disent, la première :

"J'ai du succès dans mes affaires (..)

Je change souvent de secrétaire /

J'ai mon bureau en haut d'une tour (..)

J'peux pas supporter la misère (..)

Je suis pas heureux mais j'en ai l'air" 

E la seconde : 

"Ce métier n'est pas facile à assumer

Bâti sur le succès il rend tout vulnérable

Mais bien que sans mémoire, et bien qu'impitoyable

Il reste le plus beau car c'est notre métier".

La chanson dépeint le monde du travail en noir

Mais rares sont les chansons (on pense aux "Mains d'or", de Bernard Lavilliers) qui exaltent ainsi un métier, la dureté du travail, sa précarité ou l'hypocrisie professionnelle étant souvent le leitmotiv de ces titres. "Il y a Didier Wampas qui dans "Punk ouvrier" revendique de faire les 3x8, mais c'est une exception", souligne Tatiana. D'autres ne sont pas tendres sur le milieu professionnel, témoin "DRH" d'Anaïs "qui évoque de façon acerbe une direction des ressources humaines, et les décisions qu'elle est amenée à prendre", comme le montre cet extrait  :

"D comme déconnecté

R comme brasser de l'air

H comme la Hache de guerre

DRH (..)

Ils appliquent à la lettre

Des ordres venus d'ailleurs

D'une autre planète

D'un monde sans vertu".

De la difficulté d'être en CDD

Un autre titre, "Hiérarchie" de Carmen Maria Vega, qui met en scène une salariée en CDD, ironise sur les codes de politesse dans l'entreprise, "avec ces phrases toutes faites type "Désolé de vous déranger" qui sont de la fausse gentillesse", souligne l'étudiante en psychologie. De fait, les paroles sont caustiques, comme on peut le voir :

"A mon boulot on m'aime

Moi, mon boulot c'est ma vie

Je cours et me démène

Et j'écoute et j'obéis

Ne pas perdre de temps

Entrer dans la famille

En attendant, je suis polie,

Bonjour,

Pardon,

Merci"

Au final, ce qui frappe l'étudiante, c'est l'aspect assez sombre de ces chansons, une tonalité annoncée par Eddy Mitchell avec son impitoyable et vorace "Société anonyme" : 

"Rien n'est à toi

Tu ne vaux pas un seul centime

Tout appartient à la Société Anonyme

Rien n'est à toi

Tu ne vaux pas un seul centime

Tout appartient à la Société Anonyme"

Le travail, prépondérant dans nos vies

Vision noire, également, que celle de l'Usine, chanson de La canaille qui décrit le quotidien d'un ouvrier spécialisé :

"Pour lui, l'compte à rebours s'est enclenché

A peine le plancher foulé

Huit heures à tenir et pas question de flancher

Sinon c'est la porte

Des gars comme lui, y en a à la pelle

Profession : OS comme ils les appellent (..)"

En y réfléchissant, l'étudiante en psychologie estime que la noirceur des paroles dénote "la place prépondérante prise par le travail dans nos vies", les étudiants se défendant par ailleurs d'avoir voulu tenir un propos politique par leur sélection de titres. Cela étant, il est probable que les sociologues, demain soir à la Cigale, en viennent à pointer les correspondances entre cette peinture d'un monde du travail déshumanisé avec la crise sociale et les angoisses actuelles cristallisées autour du projet de loi Travail.

L'expérience de ce projet aura en tout cas "galvanisé" cette jeune mélomane, qui, lorsqu'on l'interroge sur ses souhaits d'évolution professionnelle, répond sans hésiter : "J'aimerais trouver un emploi où je serais davantage en lien avec ce que j'ai appris dans le master sur la psychologie du travail, et pourquoi pas dans la grande distribution. J'aimerais bien me rapprocher de ce secteur".

 

(*) Ergonome, maître de conférences à l'UFR de Sciences psychologiques et Sciences de l'Education de l'Université Paris-Ouest Nanterre-la-Défense, et responsable du master professionnel de "psychologie du travail et ergonomie", parcours psychologie du travail.

 

 

Une soirée originale de débats en musique

Une soirée originale, baptisée "Work and Roll", est organisée le jeudi 9 juin à la Cigale à Paris.  A la manette : l'association "Lumières sur le travail", déjà à l'origine d'expositions de photographies et de dessins sur le travail. Cette association, qui entend "fédérer des projets autour de la culture, de l'art et du travail", réunit des universitaires, des praticiens des sciences humaines et des étudiants du Master 2 de psychologie du travail et d'ergonomie de l'université de Paris Ouest Nanterre-La Défense. Le 9 juin donc, se tiendront des débats organisés autour du travail suivis d'une soirée musicale.

De 19h à 20h30, les débats verront des chercheurs, économistes, ergonomes ou sociologues (Philippe Askenazy, Yves Clot, Serge Volkoff, Danièle Linhart), des responsables administratifs (comme Yves Struillou, directeur général du Travail) et acteurs engagés (comme Cyril Cosme, président de l'OIT France) échanger sur des thèmes comme :

- Chômage et précarité : la ritournelle du mal emploi, quelle répartition pour une voie plus juste ?

- Travailler, c'est trop dur : santé, conditions de travail et sens du travail

- Le travail dans les chansons contemporaines : un écho fidèle ou dissonant ?

- Journée mondiale de lutte contre le travail des enfants : quels constats, quelles actions ?

Aura lieu ensuite, de 21h à 22h30, une soirée musicale mêlant tous les styles (folk, rap, pop, rock, etc.) avec la participation de Didier Wampas, Les Fatals Picards, Guillaume Ledoux (Les Blankass), Laura Mayne (Native), Alain Chennevière (Pow Wow), etc.

Prix des places : 11,8€ par personne pour les comités d'entreprise (les recettes seront reversées au profit de la lutte contre le travail des enfants dans le monde). Informations, programmation et réservation : http://work-n-roll.com/

A propos du rapport entre musique, métiers et luttes sociales, signalons aussi ce site conçu par la Cité des Sciences et le Hall de la Chanson qui propose d'écouter des extraits de chansons de différentes époques et qui parlent du travail, du farniente, du chômage et des luttes : www.lehall.com

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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