Yves Veyrier (FO) : "La suspension du contrat de travail sans salaire reste une sanction lourde !"

Yves Veyrier (FO) : "La suspension du contrat de travail sans salaire reste une sanction lourde !"

26.07.2021

Représentants du personnel

Soulagé de voir écartée la menace de licenciement pour un salarié sans passe sanitaire, le secrétaire général de FO estime néanmoins que la solution retenue, une suspension du contrat et de la rémunération, n'est "pas satisfaisante", la rupture avant terme d'un CDD s'apparentant à ses yeux à un licenciement. Yves Veyrier juge possible de convaincre une majeure partie des salariés de se faire vacciner sans recourir à la contrainte. Interview.

Comment réagissez au texte définitivement adopté par le Parlement sur le passe sanitaire et la vaccination, qui est soumis au contrôle constitutionnel en ce moment ?

Au moins la menace de licenciement d'un salarié dépourvu de passe sanitaire a-t-elle été écartée ! Cela étant, et je ne sais pas ce que dira le Conseil constitutionnel (1), mais pour les salariés en contrat à durée déterminée, la rupture avant terme du contrat est l'équivalent d'un licenciement.

La rupture d'un CDD avant terme équivaut à un licenciement !

 

Par ailleurs, la suspension du contrat du salarié et de sa rémunération reste une sanction lourde et ce n'est pas satisfaisant ! Le problème vient de la façon dont les choses ont été abordées dès le départ. Opter pour une obligation vaccinale ou une obligation de passe sanitaire assortie d'une sanction était une erreur.

Il aurait fallu chercher à informer et à convaincre

 

Il aurait fallu présenter les choses en disant : les autorités scientifiques compétentes estiment qu'il est aujourd'hui nécessaire que soient vaccinés les personnels en contact avec le public, vulnérable notamment, pour protéger leur santé et celle du public concerné, et il faut que cela soit largement fait à telle date. Et employer ce temps à convaincre la population. On voit dans la carte diffusée ce week-end sur les zones de France où la population a été plus ou moins vaccinée (2) que la situation est très inégale, à la fois entre les centres urbains et les zones rurales, mais aussi du fait des inégalités socio-professionnelles, entre CSP + et employés et ouvriers. Il faut beaucoup plus et beaucoup mieux informer.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Justement, conseillez-vous aux élus, délégués et militants FO de se faire vacciner ?

Attendez, nous avons assez dénoncé le manque de masques, de blouses, d'équipement de protection, nous avons assez réclamé, quand nous faisions face à un manque de doses, que les salariés au contact du public aient le plus rapidement possible accès à la vaccination pour n'avoir aucun problème à dire que le vaccin fait bien sûr partie des éléments disponibles pour protéger sa santé et celle des autres ! En tant que syndicat, nous n'avons pas de compétence pour conseiller tel ou tel traitement médical.

Le vaccin fait partie des éléments disponibles pour se protéger !

 

Mais j'ai toujours dit que les décisions de santé publique qui aboutissent à des prescriptions d'ordre public relèvent de la responsabilité des pouvoirs publics et des autorités scientifiques compétentes. Nous avons aujourd'hui des vaccins homologués par les autorités scientifiques qui homologuent aussi les traitements que reçoivent tous les jours les malades du Covid. Pourquoi ferait-on confiance à ces autorités pour prendre du doliprane ou recevoir des traitements lourds à l'hôpital et pas pour l'homologation de tel ou tel vaccin ?

Une obligation vaccinale généralisée n'aurait-elle pas été préférable ?

En dehors de l'obligation de vacciner les enfants pour qu'ils soient admis à la crèche et à l'école, une contrainte socialement acceptée même s'il y a toujours quelques récalcitrants, je ne connais pas d'obligation vaccinale pour les adultes qui serait aussi étendue et contraignante. Aurait-elle été mieux acceptée que l'obligation de passe sanitaire ? Je n'en suis pas sûr vu les réactions et débats auxquels nous assistons. Nous faisons face à une situation extraordinaire. La peur du virus demeure, et il faut se souvenir qu'on a accepté le confinement, qu'on a accepté les gestes barrière, mais s'y ajoute aussi une peur de la vaccination chez certains. Malgré toutes ces interrogations, j'observe néanmoins que la France compte 40 millions de personnes ayant reçu une première dose. Donc il est possible de convaincre, par l'explication et l'information, une large partie de la population qu'il faut se vacciner.

Ces dispositions vous paraissent-elles constituer un risque de dégradation des relations sociales ?

Cela ne facilite guère la marche vers une vaccination apaisée. Vacciner protège du covid, mais le faire sous la menace d'une sanction génère une tension et un malaise qui ne sont pas sains. 

 

 

(1) Le Conseil constitutionnel, qui va faire l'objet de plusieurs saisines dont celle du gouvernement, rendra sa décision le 5 août.

(2) Il s'agit d'une carte publiée par le Monde, à partir des données calculées par le géographe de la santé Emmanuel Vigneron. Cette carte met en évidence, souligne le quotidien, une France divisée sur le plan de la vaccination entre Nord-Ouest et Sud-Est, entre centres urbains et périphéries, ainsi qu’entre communes riches et pauvres. 

Bernard Domergue
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