L’offre de plateformes de dématérialisation partenaires (PDP) par laquelle devront circuler les flux s’étoffe. Voyons quels sont les critères à retenir pour arrêter son choix.
En France, la réforme de la facture électronique — qui fixe les premières obligations au plus tard au 1er septembre 2026 — a fait le choix d’organiser les flux en «Y» : le routage des factures s’opère via des plateformes de dématérialisation partenaire (PDP) — privées — qui transmettent au portail public de facturation les données extraites destinées à l’administration fiscale. Ce système fonctionne grâce à un annuaire national identifiant la PDP du compte de réception des assujettis et grâce à l’interopérabilité des PDP pour assurer les transmissions de factures. Pour rappel, le 15 octobre 2024, un communiqué de presse de l’administration fiscale a annoncé la réduction des fonctions du portail public de facturation — PPF — à celle d’annuaire et de concentrateur pour lui transmettre certaines données.
À date, 87 PDP — immatriculées sous réserve d’être conformes au cahier des charges — figurent sur la liste publiée par le site impots.gouv.fr. Une poignée de dossiers serait en attente. Globalement, pour être certifiée, une PDP doit prouver qu’elle respecte les règles de fonctionnement en Y. "Les PDP sont actuellement immatriculées sous réserve, sur une base déclarative, puisqu’elles n’obtiendront la certification définitive — valable trois ans — qu’une fois que l’interconnexion avec l’annuaire et le concentrateur des données de la DGFIP (PPF) sera opérationnelle et qu’elles auront été auditées par un organisme tiers indépendant qui viendra vérifier qu’elles appliquent ce qu’elles ont déclaré", assure Benjamin Royoux, directeur général d’Ecma. Elles doivent aussi être raccordée à au moins une autre PDP.
Plusieurs typologies d’acteurs se positionnent avec notamment des éditeurs de solutions EDI (Generix, Serensia, Tessi), des éditeurs de logiciels «métiers» (ACD avec RCA et Coaxis sous le nom «le village connecté», Cegid, Sage, etc.), des banques (Euro-Information, filiale technologique du groupe Crédit Mutuel Alliance Fédérale, IPaidThat, racheté par BPCE), etc.
"Il est important de distinguer le traitement des flux gérés par une PDP et les services qui y sont rattachés, proposés par les opérateurs de dématérialisation (OD). Certains éditeurs fournissent les deux, d’autres pas", indique Dominique Périer, chargé des grands projets de la mandature du Cnoec et vice-président de la Commission numérique.
Frédéric Moreno, DSI du cabinet Fimeco Walter France, cite comme une évidence "la conformité validée par l'État et la certification ISO 27001 des PDP [Note de la rédaction : cette certification est exigée dans le cahier des charges ; elle démontre la mise en place d’un système de management de la sécurité de l’information] ainsi que la pérennité des éditeurs". Car, poursuit-il, "nous ignorons combien de solutions seront validées, peut-être une cinquantaine. Or, c’est le point de départ. Il faut choisir une PDP validée par l’État". Frédéric Moreno évoque "un certain nombre de garanties par rapport à ce qu'affichent ces PDP autour de la certification ISO 27001 ou le SecNumCloud — visa de sécurité délivré par l’Anssi — qui est une certification pour l'hébergement et la gestion des données. Nous sommes attentifs à la façon dont les éditeurs traitent les données au niveau RGPD, la traçabilité, les archivages de valeur probante".
Autre point d’attention, la solidité de l’éditeur et ses orientations stratégiques à long terme. "Certains acteurs du marché font appel à des investisseurs américains voire à des fonds de pension. D’autres offres émanent de start-up dont nous ignorons par qui elles seront rachetées, ni si elles ne changeront pas de stratégie sans prévenir", ajoute Frédéric Moreno, méfiant.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Les experts-comptables doivent sélectionner une PDP pour équiper leur cabinet et accompagner leurs clients dans leurs propres choix. Étant entendu que les cabinets devront probablement utiliser plusieurs PDP. L’interopérabilité entre les PDP — pour assurer la transmission des factures — repose sur l’annuaire et la mise en place du réseau Peppol. Pour les experts-comptables, se pose également la question de l’interopérabilité entre les PDP et les OD et notamment les outils de production comptable pour optimiser les flux et la productivité de leurs cabinets. "Si la PDP utilisée n’est pas connectée aux logiciels de comptabilité, nous perdrons les bénéfices de l’automatisation et la possibilité d’avoir une comptabilité en temps réel", prévient ainsi Alexandre Viau, expert-comptable associé BAC Audit Conseil, qui teste la solution d’Ecma * (jefacture.com). Or, pour les cabinets d’expertise comptable, c’est tout l’enjeu de la réforme de la facturation électronique.
"La grande promesse est celle de l’optimisation des flux, qui passe par l’automatisation", résume Éric Flamencourt, expert-comptable associé, membre du comité stratégique du groupe TGS France, responsable de la veille technologique et des process. "L’interopérabilité entre les différentes PDP est en construction mais si un de nos clients utilise une PDP à laquelle nous ne sommes pas inscrits, nous ne recevrons pas ses flux. Nous nous battons pour obtenir un mandat nous autorisant à demander les flux et pour que soit mentionné le nom du cabinet d’expertise comptable rattaché à l’adresse de l’entreprise dans l’annuaire mis à disposition par le PPF", précise Éric Flamencourt. Une requête en suspens. "Nous avons demandé à l’administration de rajouter le nom du cabinet rattaché à l’adresse de l’entreprise à l’annuaire. Nous devrions l’obtenir dans une version ultérieure", confirme Dominique Périer. L’objectif est bien pour le cabinet de collecter automatiquement toutes les factures de ses clients. D’ici là, "les experts-comptables devront demander à chaque client les adresses des PDP qu’il utilise".
Au sein de la commission Afnor, "un groupe de travail se réunit pour mettre en place une API universelle et elle devrait voir le jour rapidement", rapporte Éric Flamencourt. L’objectif de cette API est de faciliter la connexion des OD avec les PDP ainsi que le passage d’une PDP à l’autre sans avoir à développer de connecteurs spécifiques PDP par PDP.
Au niveau des offres actuellement proposées sur le marché, Rémi Gouyet, avocat fiscaliste, dirigeant du cabinet E-Tax à Paris, rappelle : "Aujourd’hui, les offres de PDP contiennent de nombreuses clauses liées à leur ancienne activité d’opérateur de dématérialisation (OD), avec des promesses de services, mais elles devront faire faire un audit de conformité par un tiers indépendant au cours de l’année suivant l’obtention de leur immatriculation définitive pour la confirmer". Certaines pourraient disparaître. Dans les contrats, recommande cet avocat, "il faut prévoir un certain nombre de clauses supplémentaires, par exemple en fixant les conséquences d’une perte d’immatriculation, en interrogant l’éditeur sur celles d’une éventuelle cession, quid de l’hébergement des données si la société est rachetée par un prestataire implanté en dehors de l’Union européenne ?" Le contrat négocié avec une PDP doit être examiné à la loupe et complété le cas échéant. Enfin, certains éditeurs commercialiseraient des PDP en marque blanche. "Même s’ils doivent déposer un dossier afin d’être immatriculés en qualité de PDP, ils n’ont aucune obligation de dire sur quel PDP ils s’appuient techniquement mais cela pourrait poser un problème contractuel", glisse-t-il.
"Toutes les PDP devraient commencer à tester leurs solutions au second semestre 2025. De leurs côtés, les cabinets d’expertise comptables doivent analyser l’organisation de leurs flux afin de définir de quelles prestations ils ont besoin et ne pas attendre l’entrée en vigueur de la réforme. D’autant que les cabinets devront travailler avec plusieurs PDP, celle qu’ils auront choisi et celles que leur imposeront certains clients", explique Dominique Périer.
Aujourd’hui, quelques experts-comptables ont démarré les tests, d’autres pas. "Tous les éditeurs ne sont pas prêts à proposer des tests. Nous regardons les offres. Nous avançons déjà avec un prestataire que nous connaissons et qui va proposer une PDP mais nous le challengeons", confie Frédéric Moreno. Au total, "nous effectuons une veille sur une dizaine d’éditeurs. Certains nous ont présenté des fonctionnalités concrètes, d’autres des promesses", admet Christophe Zuck, chef de projet Groupe Fimeco Walter France. Les tests réalisés par Alexandre Viau confirment son choix. "Le logiciel de production d’ACD que nous utilisons est connecté à la PDP d’Ecma. Ainsi, lorsqu’un client dépose ou se fait envoyer une facture dans la PDP, et l’accepte, elle est automatiquement transférée dans notre outil de production comptable", témoigne cet expert-comptable. En revanche, "la solution Jefacture.com manque encore de fluidité mais une refonte ergonomique est prévue et une nouvelle version attendue". Benjamin Royoux répond que "la plateforme lancée en 2020 n’est plus au goût du jour. La nouvelle version sera disponible d’ici cet été".
Services de pré-imputation comptable, gestion multi-sociétés, signature électronique, gestion documentaire et mise à disposition d’une application mobile pour centraliser les outils et améliorer l'expérience client … la pertinence des services proposés aux cabinets d’expertise comptable peut faire la différence. Pour les clients du cabinet, Éric Flamencourt distingue trois critères de choix : "la prise en compte de tous les cas d’usage (36 ont été identifiés mais certaines PDP n’auront peut-être pas la capacité de tous les traiter), la richesse de la couche de services associée et le lien que la solution établit avec le cabinet d’expertise comptable". Par exemple, un des enjeux est la connexion de la plateforme avec un maximum de logiciels de caisse. "Les éditeurs vont lancer progressivement les services associés et notamment le service de paiement", note encore Alexandre Viau, "nos clients ont besoin d’outils opérationnels, pour gérer et faciliter le paiement des factures, leurs archivages, produire des indicateurs de gestion, etc.", ajoute-t-il. Davantage de visibilité et de traçabilité des flux.
Enfin, les tarifs représentent-ils un critère de choix ? "Les offres de service observées, très nombreuses du fait d’une concurrence soutenue, montrent un niveau de coût très raisonnable (quelques euros dépassant à peine la dizaine par mois pour des volumes faibles correspondants à ceux des TPE)", répond Cyrille Sautereau, président de la commission Afnor dédiée à la facture électronique. Pour lui, le prix ne représente donc pas un frein. À condition que l’interopérabilité fonctionne ! "Plus il y aura de barrières entre la PDP du client et le cabinet, plus les coûts augmenteront", redoute Éric Flamencourt. Néanmoins, "le coût facial d’une facture électronique est à mettre en perspective avec le coût caché d’une facture papier, bien plus élevé", estime Alexandre Viaud. Pour le reste, les offres «freemium» — tarif combinant la gratuité de la fonction PDP et des services premium d’OD — proposées par certains éditeurs pourraient faire gonfler les prix.
(*) Association loi 1901 créée à l’initiative du Conseil national de l’Ordre des experts-comptables, ECMA est une structure dédiée à la production et la commercialisation des solutions numériques de la profession.
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